L'augmentation de la production de lait s'est alors traduite à son tour par une augmentation des fabrications de produits transformés. Le beurre et la poudre de lait, partout excédentaires en Europe et dans les pays tiers, se sont donc plus mal vendus qu'en 1971. Les producteurs ont à maintes reprises manifesté leur désaccord avec les sociétés laitières par des manifestations sporadiques.

Au cours du premier trimestre 1973, des mesures communautaires sont alors prises pour résorber ces excédents qui menacent gravement la gestion des entreprises de transformation du lait. Ces mesures consistent notamment à primer davantage les exportations de beurre et à augmenter les aides au stockage du fromage. Une initiative communautaire, salutaire mais contestée, a d'autre part favorisé un contrat d'achat de 200 000 t de beurre par l'Union soviétique à un prix de braderie.

À la fin juin, la situation du lait n'a guère évolué, les stocks excédentaires de beurre se sont reconstitués, et aucune mesure nationale ou communautaire n'est venue améliorer la situation.

À moyen terme toutefois on peut espérer que la politique de reconversion du cheptel laitier en race à viande, poursuivie durant l'année 1973 par des incitations financières gouvernementales et communautaires, parviendra à atténuer les contradictions et à ramener un meilleur équilibre. Le développement des contrats d'équilibre lait-viande, la mise en place d'un Office national interprofessionnel du bœuf et des viandes (ONIBEV) et de la Commission nationale d'orientation de l'élevage constituent, d'autre part, une infrastructure interprofessionnelle qui devrait permettre d'avancer dans la maîtrise de la production.

Les aides familiaux deviennent des associés d'exploitation

Le Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA), présidé par Louis Lauga, a entrepris un combat ambitieux, en s'attaquant à des valeurs traditionnelles.

La première bataille syndicale a déjà débouché sur un texte législatif. Mais elle constitue une première remise en cause : celle de l'autorité sans partage que de nombreux agriculteurs exercent encore sur leurs proches. Elle concerne les aides familiaux.

Les aides familiaux sont les enfants de l'exploitant ou ses parents. En 1972 on comptait 96 000 aides familiaux de 16 à 20 ans et 190 000 âgés de 21 à 65 ans.

La seconde bataille syndicale concerne l'accession à la terre, première et essentielle difficulté rencontrée par le jeune agriculteur désireux de s'installer sur une exploitation.

Sur ce point, la remise en cause des idées est encore plus profonde. En effet, l'accès à la terre implique toujours dans le monde rural la notion de propriété. C'est cela précisément que les jeunes agriculteurs, bouleversant l'ordre établi, veulent remettre en cause. Chez eux, en effet, une idée nouvelle s'instaure, celle de la terre comme outil de travail. Jusqu'ici, seuls les théoriciens progressistes défendaient cette conception. En francs-tireurs combattus.

Les propositions avancées par les jeunes agriculteurs peuvent s'énoncer succinctement en trois points :
– faire évoluer les structures actuelles en revalorisant les indemnités viagères de départ – actuellement jugées trop faibles –, ce qui constituerait une incitation au départ pour les exploitants âgés et permettrait de libérer une exploitation. Mais aussi en donnant plus de pouvoir aux Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), dont la mission consiste à accroître la superficie d'exploitation déjà existante ou de créer des exploitations nouvelles, en vue de les mettre à la disposition des agriculteurs prioritaires et notamment des jeunes ;
– développer l'appropriation sociétaire du sol, tant par le biais des Groupements fonciers agricoles (GFA) que par celui des Sociétés agricoles d'investissement foncier (SAIF) ;
– rénover le statut du fermage, avec notamment la mise en place de baux de carrière d'une durée égale à trente années.

Texte de la loi

L'associé d'exploitation est la personne non salariée, âgée de 18 ans révolus et de moins de 35 ans, qui, descendant, frère, sœur ou allié au même degré du chef d'exploitation agricole ou de son conjoint, a pour activité principale la participation à la mise en valeur de l'exploitation. Dans chaque département, une convention type relative aux droits et obligations respectifs des associés d'exploitation et des chefs d'exploitation est proposée par les organisations professionnelles les plus représentatives des exploitants agricoles, d'une part, des associés d'exploitation, de l'autre.