Les cantons de montagne, sous-développés mais très touristiques, où des centaines d'entrepreneurs vivent des commandes venues de France, d'Allemagne ou d'ailleurs, protestent de manière très vigoureuse. Le Conseil fédéral reste inébranlable.

En décembre, deuxième offensive contre l'inflation. Le Parlement adopte cinq arrêtés urgents, dont le plus important prévoit la surveillance des prix, salaires et bénéfices. Dès le début de 1973, le conseiller national Leo Schürmann, surnommé Monsieur Prix, fait la chasse à toute hausse abusive que les consommateurs peuvent lui signaler en composant l'un des trois numéros de téléphone largement diffusés par la presse. Mais les contrôles se révèlent longs et difficiles ; leur efficacité ne se mesurera qu'à long terme.

Or, entre la fin de décembre et la fin de janvier, l'indice du coût de la vie fait un bond record : 1,1 % de renchérissement en un mois. Si les salaires suivent, le barème de l'impôt progressif, lui, ne change pas, et le contribuable abandonne au fisc une part toujours plus lourde de son revenu. Dans certains cantons, les partis de gauche demandent des mesures contre cette progression à froid, et les socialistes proposent un impôt sur la richesse : il frapperait uniquement les revenus élevés et les personnes juridiques.

Protections

Souci numéro deux du gouvernement : l'aménagement du territoire. En attendant que le Parlement puisse voter une loi assez novatrice pour empêcher la dégradation des paysages, le Conseil fédéral charge les cantons de délimiter provisoirement des zones protégées. L'École polytechnique de Zurich publie, en trois volumes et un dossier de cartes géographiques, neuf variantes de l'aménagement national, qui vont de la concentration urbaine en deux agglomérations-mammouths (Zurich-Bâle et Genève-Lausanne) à l'éparpillement général sous la forme de petits centres régionaux.

Pendant ce temps, la protection des locataires – problème aigu dans toutes les grandes localités où les logements à prix abordable sont rares – s'améliore. Un juge pourra non pas annuler, mais du moins ajourner une résiliation de bail s'il l'estime injuste.

La sécurité sociale progresse aussi. Le 3 décembre, le peuple suisse se prononce sur la réforme de l'assurance vieillesse et survivants. Il a le choix entre deux projets : une assurance d'État unique, ou bien le système dit des trois piliers, dans lequel la Caisse fédérale ne garantit qu'un minimum vital, mais est complétée par les caisses de pension des entreprises et par l'épargne individuelle. Comme le leur proposaient l'exécutif et le législatif, les citoyens adoptent le second système ; les caisses professionnelles deviennent obligatoires.

Année noire pour la coordination scolaire. Traditionnellement, l'enseignement est de la compétence des cantons. Mais la mobilité de la population rend nécessaire l'ajustement des 25 programmes. Un projet d'article constitutionnel donnait à la Confédération le pouvoir d'encourager – par la force au besoin – cette relative unification. Or, la majorité des États repousse le projet. Les citoyens de deux grands cantons, Berne et Zurich, refusent de déplacer le début de l'année scolaire du printemps à l'automne, premier pas vers une coordination générale et sensée.

Séparatisme

Fédéralisme absurde ? Un canton cherche encore à naître, le Jura. En automne 1972, les séparatistes fêtent le 25e anniversaire de leur mouvement, et annoncent une année chaude. Leurs manifestations se multiplient. Leurs jeunes troupes – le Bélier – occupent l'ambassade de Suisse à Paris ; leurs affrontements avec la police de Berne entraînent de nombreuses arrestations.

Lors de la Fête du peuple jurassien, le Rassemblement séparatiste annonce la création d'un gouvernement d'opposition (qui, apparemment, n'a pas encore vu le jour). Et le Conseil fédéral charge Kurt Furgler de prendre contact avec les partis en présence : séparatistes, anti-séparatistes et autonomistes (partisans d'un statut privilégié pour un Jura maintenu dans le giron bernois).