Finances

Un budget d'austérité

Avec la politique monétaire, le budget a été l'instrument privilégié du « rétablissement des grands équilibres » souhaité par le gouvernement.

La loi de finances initiale pour 1969 comportait un excédent des dépenses totales sur les recettes totales de l'État (impasse) de 6,4 milliards de francs, malgré les économies décidées au lendemain de l'alerte monétaire de novembre 1968. Toutes les mesures prises après mai 1968 : relèvement des traitements des agents de l'État, augmentation des effectifs de l'Éducation nationale, etc., pesaient, en effet, sur le budget de 1969.

Depuis la formation du nouveau gouvernement, en juillet 1969, le budget a été exécuté de manière rigoureuse. On a freiné le gonflement des dépenses : moins de 2 milliards de francs d'augmentation entre la loi de finances rectificative et la loi de finances initiale. En juillet 1969, V. Giscard d'Estaing, nouveau ministre des Finances, a créé un Fonds d'action conjoncturelle (FAC), auprès duquel il a mis en réserve 5,2 milliards de crédits gelés sur les investissements prévus à l'origine.

Du côté des ressources, de très importantes plus-values ont été réalisées par rapport aux évaluations initiales (+ 4,8 milliards). Elles ont été sécrétées, pour les trois quarts, par les excellents résultats de 1969 et même de 1968, le reste étant fourni par certaines majorations d'impôts décidées après la dévaluation du franc d'août 1969.

Freinage des dépenses et progression des recettes, ce double mouvement a permis de réduire l'impasse finale de 1969 à 3,4 milliards, chiffre le plus bas depuis 1958 (1964 et 1965 excepté).

Restrictions sévères

La loi de finances initiale pour 1970 a porté davantage encore la marque de l'austérité voulue par le ministre des Finances ; elle se traduit aussi bien dans l'évolution des dépenses que dans celle des ressources.

L'augmentation des dépenses de 1969 à 1970 est limitée à 6,3 % (prêts non compris), chiffre très inférieur à l'augmentation prévue de la production nationale ; de 1968 à 1969, les dépenses avaient progressé de plus de 16 %.

Les dépenses civiles de fonctionnement et les dépenses militaires augmentant de 9,3 % et de 4,7 %, l'effort de compression porte essentiellement sur les dépenses civiles d'équipement ; elles sont en baisse de 5,6 %en ce qui concerne les opérations à caractère définitif (– 7,6 % si l'on exclut les comptes d'affectation spéciale) ; les prêts du Fonds de développement économique et social (FDES) sont réduits de 6,2 %. Si l'on fait intervenir, en outre, la hausse de prix de 1970 (de l'ordre de 5 % en moyenne), qui a rogné d'autant les crédits accordés, on mesure combien les restrictions budgétaires décidées pour 1970 sont sévères.

Freinage sur la conjoncture

Ce fléchissement de la dépense publique n'a pas manqué d'exercer un important freinage sur la conjoncture, avec un effet d'autant plus marqué, à terme, que les compressions portent surtout sur les dépenses d'équipement et non sur les dépenses de fonctionnement. Il est moins douloureux dans l'immédiat de réduire les investissements, mais leur sacrifice handicape la croissance future.

La procédure de mise en réserve au FAC a, de nouveau, été utilisée. Si, de préférence aux crédits de paiement, on examine les autorisations de programme (dont dépend la décision concrète d'entreprendre des travaux), on constate que près d'un dixième (2,2 milliards de francs) des investissements publics a ainsi été gelé. En excluant les sommes accordées à titre optionnel (c'est-à-dire thésaurisées au FAC), certains ministères apparaissent privilégiés : augmentation des dépenses pour l'aménagement du territoire, le téléphone, le Concorde et l'Airbus, les routes et enfin la force de frappe ; mais on enregistre une diminution pour la plupart des autres postes : HLM, écoles, équipements culturels et sportifs, investissements ruraux, hôpitaux et prisons.

Contrairement aux reproches qu'on a pu lui adresser dans le passé, l'État a donc montré l'exemple de l'austérité.