L'hôtelier français, qui s'est découvert une nouvelle clientèle et de nouvelles méthodes professionnelles, veut se donner les moyens d'appliquer celles-ci et d'attirer celle-là.

Agriculture

Écart grandissant entre les revenus agricoles

Ce sont les échéances du Marché commun qui ont dominé la vie-agricole en 1967-68. Le grand problème posé aux ministres des Six a été l'organisation européenne des marchés de la viande bovine et du lait, productions essentielles pour les petites et moyennes exploitations.

Le taux de l'exode rural a été plus important en 1967 que les années précédentes. Moins de 2 agriculteurs sur 100 quittaient la terre annuellement ; 2 ou 3 agriculteurs sur 100 abandonnent maintenant leur activité.

Au cours de l'année 1967, le revenu individuel des exploitants a progressé de. 4,3 % en francs constants (soit 6,9 % en francs courants). Ce chiffre est inférieur à celui qui est inscrit dans le Ve plan, qui était de 4,8 %. Mais le cumul des résultats obtenus pour les deux premières années du plan fait apparaître que le revenu agricole évolue selon un ordre de grandeur (4,7 %) assez conforme aux prévisions.

Il faut souligner que, en 1967, l'augmentation du revenu agricole a été obtenue essentiellement grâce à l'augmentation des quantités produites. Les prix perçus par les exploitants ont été, au contraire, en légère diminution par rapport à l'année précédente.

Les résultats de la comptabilité nationale montrent également que toutes les productions n'ont pas connu des évolutions semblables. Les céréales, dont la récolte a été abondante, et dont les prix ont augmenté en raison de l'entrée en vigueur des règlements européens, ont connu une augmentation du chiffre d'affaires de l'ordre de 35 % : en revanche, pour les productions animales (bœuf, veau, porc), la tendance a été généralement très médiocre.

La révolte des éleveurs

Les producteurs de blé touchent du doigt, dès cette campagne 1967-68, les avantages d'un Marché commun qui leur a fait la part belle : prix élevés et débouchés assurés. Les éleveurs, par contre, se sentent plongés dans l'insécurité, pour de longs mois.

Les producteurs de porcs et les aviculteurs, qui ne bénéficient pas d'une organisation de marché efficace, sont les premières victimes de l'ouverture des frontières au sein de la CEE. Même situation d'insécurité pour les producteurs de lait et de viande bovine, qui ne savent pas encore quelles garanties la CEE va leur apporter, tandis que pèse sur eux la menace de concessions à l'Argentine, à l'occasion de la signature du Kennedy Round à Genève.

L'écart des revenus

Cette insécurité, liée à la réglementation européenne établie ou restant encore à faire, correspond à la période d'abondance des cycles de production du bœuf et du porc, qui atteignent ensemble — fâcheuse coïncidence — leur point culminant en 1967-68.

Les Comptes de la nation n'ont pas encore officialisé l'écart grandissant entre les revenus de deux catégories de producteurs, ceux des céréaliers d'une part, ceux des éleveurs de l'autre, mais les intéressés s'en rendent déjà bien compte. Les conditions sont réunies pour l'explosion du mécontentement dans les régions d'élevage.

Tandis que dans les plaines du Bassin parisien, on commence à moissonner une récolte exceptionnelle de blé et d'orge, les violentes manifestations paysannes du 26 juin 1967 à Redon en Ille-et-Vilaine ont ouvert une année de tensions graves entre la paysannerie des régions pauvres vouées à l'élevage et les pouvoirs publics. Rappelons le déroulement des faits.

La FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) marque sa solidarité avec les 8 000 manifestants de Redon (il y a une cinquantaine de blessés) et lance un appel à l'action « pour les prochaines semaines ». Edgar Faure obtient à Bruxelles que les Six renoncent aux concessions envisagées vis-à-vis de l'Argentine. En vain. La crise est profonde, car la chute des cours atteint également ceux qui ont fait effort pour se moderniser. Marcel Bruel, secrétaire général de la FNSEA, déclare le 18 juillet 1967 : « Nous sommes à la veille de troubles très graves. »