En septembre, la proclamation d'une République autonome du Bénin dans la région du Moyen-Ouest ne suscite que d'éphémères espérances parmi les Biafrais. Quelques heures après, les troupes fédérales réoccupent Bénin.

Les Ibos exigent l'autodétermination

Pendant ce temps, les épreuves s'accumulent pour le gouvernement séparatiste du lieutenant-colonel Ojukwu. Le chef de l'État biafrais doit faire face à une conspiration ourdie par certains de ses amis politiques partisans de l'ouverture de négociations avec Lagos ; il fait arrêter quelques-uns des conjurés et quatre d'entre eux sont immédiatement passés par les armes. Au début d'octobre, Enugu, capitale administrative du Biafra, important centre minier, tombe aux mains des fédéraux, obligeant le gouvernement biafrais à se replier sur la ville d'Aba, dans le sud du territoire.

En novembre et décembre, offensives et contre-offensives fédérales se multiplient dans une certaine confusion, tandis qu'en janvier 1968 le gouvernement de Lagos décide de changer les billets nigérians afin d'empêcher les Biafrais de poursuivre leurs achats d'armes à l'étranger. Menacé d'asphyxie économique, le Biafra crée sa propre monnaie.

La guérilla se développe sur tout le territoire biafrais, dont la superficie est sensiblement égale au dixième de celle de la France. Dans les régions conquises, les fédéraux ont à faire face à des harcèlements continuels et ils ne contrôlent guère que les agglomérations, d'ailleurs elles-mêmes infestées de francs-tireurs. C'est tout un peuple qui se dresse contre le maintien de l'ancienne région orientale au sein de la fédération et la guerre du Biafra apparaît de plus en plus comme une lutte de libération nationale : les Ibos, qui représentent neuf des quatorze millions d'habitants du Biafra, veulent l'autodétermination, et aussi longtemps que ce droit ne leur aura pas été reconnu ils ne déposeront pas les armes.

L'opiniâtreté de la résistance biafraise, l'importance des massacres perpétrés par les troupes fédérales, qui exterminent notamment, en septembre 1967, toute la population mâle de la ville d'Assaba, commencent d'autant plus à émouvoir les dirigeants d'Afrique que le gouvernement de Lagos s'oppose d'abord à toute ouverture de négociations avec les séparatistes.

Réunis à Kinshasa en septembre 1967, les chefs d'État de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) ont condamné la sécession et désigné une commission de médiation comprenant notamment les présidents Ahidjo (Cameroun), Ankrah (Ghana), Diori Hamani (Niger), Mobutu (Congo-Kinshasa) et Tubman (Liberia). Le gouvernement fédéral temporise et refuse, en fait, jusqu'en novembre de recevoir cette commission à Lagos.

Isolés du monde extérieur

En février, le gouvernement du Biafra tente vainement de saisir l'ONU, puis se prononce en faveur d'un cessez-le-feu. Les fédéraux proposent l'ouverture de négociations à Londres — ville où refusent de se rendre les Biafrais, qui proposent Dakar comme lieu de rencontre. C'est à Kampala, en Ouganda, que se rencontrent, en mai, les délégations biafraise et nigériane, qui ne parviennent pas à trouver de terrain d'entente et se séparent après 4 jours.

Entre-temps, plusieurs États africains ont reconnu le gouvernement du Biafra. C'est la Tanzanie qui, en avril, est le premier État à rompre l'isolement diplomatique des séparatistes en accordant la reconnaissance aux autorités biafraises. En mai, le Gabon, la Côte-d'Ivoire et la Zambie imitent cet exemple, tandis que d'autres pays, invoquant le dogme de l'intangibilité des frontières africaines, font connaître leur opposition formelle à toute reconnaissance du gouvernement séparatiste. C'est le cas, notamment, de la République du Niger.

Cependant, la chute de Port-Harcourt, en mai, isole gravement le Biafra du monde extérieur. C'est par l'aérodrome de cette ville, capitale économique de l'ancienne région orientale, que les Biafrais recevaient la plus grande partie du matériel et des vivres acheminés d'Europe par voie aérienne après transit dans les îles espagnole de Fernando Po et portugaise de Sao Tomé.