Les performances modestes de Diamant ne doivent pas dissimuler l'ampleur de l'effort accompli. En fait, toute l'industrie aérospatiale travailla au projet sous la maîtrise d'œuvre de la SEREB (Société pour l'étude et la réalisation d'engins balistiques). Ainsi, la réalisation du premier étage Émeraude fut si difficile qu'on pensa un temps le remplacer par une fusée à poudre. Bref, après bien des difficultés, les ingénieurs sont parvenus à mettre au point une fusée parfaitement viable. Les quatre tirs de Diamant ont été quatre succès.

La mise en œuvre d'un champ de tir moderne comme Hammaguir posait des problèmes aussi complexes. Il s'agissait d'un véritable laboratoire d'expériences balistiques disposant, outre des moyens propres à assurer la mise à feu et le départ, d'appareils très puissants et très variés de poursuite. De ce point de vue, Hammaguir était particulièrement bien équipé avec des moyens optiques : cinéthéodolites, télescope Igor ; radio-électriques : radars Cotai, antenne Cyclope, radar Aquitaine, etc. ; et des calculatrices pour étudier la trajectoire suivie. Fusée et champ de tir furent expérimentés avec succès le 26 novembre 1965 au cours de l'expérience A1.

Stations et satellites

Pendant ce temps, le CNES mettait en place des stations de poursuite et construisait des satellites.

Les stations forment deux réseaux. Le premier, Diane, doit suivre le satellite, le pister, pour connaître son orbite. Il comprend deux stations, l'une à Pretoria (Afrique du Sud), l'autre à Hammaguir. Le second réseau, Iris, dont les stations ont été installées à Brétigny, Hammaguir, Brazzaville, Ouagadougou, Pretoria et aux Canaries, doit recevoir les informations des satellites et éventuellement leur envoyer des ordres.

Le premier satellite construit par le CNES, FR1, fut plus compliqué que le second, D1 : le premier était le fruit d'une intense collaboration franco-américaine, le second fut purement national. Le lancement de FR1 par une fusée américaine Scout, depuis la base de Vandenberg en Californie, permit au CNES de vérifier les techniques de construction des satellites et de poursuite. Cet engin avait, par ailleurs, une mission scientifique fort importante de sondage de l'ionosphère. Après plus d'une année de fonctionnement, l'expérience se révélait être un succès complet. Comme disent les techniciens français : « Nous ne pouvons guère en tirer d'enseignements, car le matériel ne donne aucun signe de vieillissement. »

Il restait à mettre en œuvre les quatre moyens de l'astronautique dans le cadre d'une expérience nationale : ce fut le tir Diapason (17 février 1966). L'expérience scientifique était relativement secondaire ; le plus important était la démonstration technique. Tout se déroula parfaitement. Fusée, satellite, champ de tir, stations, tout était français.

La France avait construit quatre fusées Diamant et quatre satellites du type D1. Il s'agissait d'utiliser de la meilleure façon possible les deux dernières fusées. Or, conformément aux accords d'Evian, la base d'Hammaguir devait être abandonnée le 1er juillet 1967. Il fallait donc lancer les deux Diamant au cours de l'hiver. Cela laissait peu de temps pour mettre sur pied de grandes expériences. Les chercheurs français surent pourtant tirer le meilleur parti possible de leurs dernières cartouches en les consacrant à des expériences de géodésie.

Géodésie spatiale

Les satellites artificiels ont révolutionné cette science, dont l'objet est de mesurer la terre pour déterminer exactement sa forme et les coordonnées géographiques de tout lieu notable de sa surface. Traditionnellement, on part d'une base de quelques centaines de mètres, mesurée avec précision, et de chaque extrémité de cette base, on effectue des visées optiques sur un troisième point. On progresse ainsi par triangulation. Un tel travail est forcément limité par les océans, où la triangulation est impraticable. Avant l'ère spatiale, la distance Paris - New York n'était guère connue qu'à 500 m près.

Le satellite constitue un point de repère commode dans l'espace. En le visant depuis plusieurs points de la terre, on détermine une pyramide, dont il constitue le sommet et dont il faut calculer les bases. Il importe, évidemment, de connaître avec une extrême précision la position du satellite à l'instant de la visée. Il existe plusieurs techniques capables de localiser très précisément un satellite ; les expériences Diadème I et II ont eu l'avantage de les mettre en œuvre simultanément :
1o Les satellites sont suivis optiquement et photographiés sur le fond d'étoiles. L'expérience a été réalisée à l'observatoire de Nice sous la direction du professeur Muller ;
2o On capte les émissions d'un émetteur situé à bord et, en observant le décalage subi par les ondes (effet Doppler-Fizeau), on reconstitue sa position. Il faut que l'émetteur soit ultra-stable, faute de quoi on confondrait l'effet proprement dit avec des instabilités parasites. Les émetteurs de Diapason et de Diadème ont parfaitement fonctionné ;
3o Enfin, il y a le laser. Diadème est équipé de petits cataphotes réflecteurs qui doivent renvoyer les rayons laser dans la direction même de leur arrivée. Le fait de viser un satellite avec un laser n'est pas original en soi. La grande nouveauté consistait à synchroniser les observations de trois stations situées respectivement à Hammaguir, Saint-Michel-de-Provence et Stephanion (Grèce) au dix-millième de seconde près. On construit ainsi une pyramide, dont on calcule ensuite la base. Mais il importe que le satellite soit en bonne visibilité des trois stations, donc suffisamment haut : les responsables souhaitaient une altitude d'environ 2 000 km.