Viennent ensuite Marcel Amont et Petula Clark. Au cours des tournées estivales, Marcel Amont s'est classé quatrième, touchant de fort près Enrico Macias. De tous les artistes de sa génération, Marcel Amont est celui qui présente le spectacle le plus complet, à la fois auteur, acteur, chanteur, mime, acrobate. Ses moyens ne sont pas toujours à la hauteur de ses ambitions, mais son goût du travail bien fait force l'estime dans un monde où le bluff est trop souvent payant.

Avec un répertoire sucré pour lequel il y a toujours des amateurs, Pétula Clark connaît le succès. La solidité d'un métier appris dès l'enfance lui permet de triompher en scène comme au studio.

Du comique au cérébral

Sacha Distel et Henri Salvador travaillent, le premier dans la gentillesse, le second dans un comique parfois un peu forcé, avec quelques incursions dans le sentiment. Cette saison, ils ont le plus souvent délaissé le music-hall au profit de la télévision.

Plus original, mais aussi plus cérébral, Raymond Devos, à force de conviction ahurie, impose au public des boulevards des sketches dont l'humour quasi kafkaïen n'aurait pas franchi, autrefois, les murs des cabarets d'avant-garde.

Le bon music-hall français, nous le trouvons au théâtre, avec les Frères Jacques. Chanteurs à voir, auxquels le disque ne rend pas pleinement justice, acteurs qui chantent la comédie au lieu de la jouer, ils sont la vivante preuve qu'on peut être populaire sans être vulgaire et intelligent sans être intellectuel.

Le jazz

Pour des raisons diverses, dont la principale est le préjugé de race, les contrefaçons du jazz sont mieux diffusées, donc mieux connues, que ses manifestations authentiques.

Il en était ainsi du temps que les orchestres de Paul Whiteman ou de Jack Hylton tenaient le devant de la scène aux dépens de ceux de Fletcher Henderson ou de Duke Ellington. Il en est de même aujourd'hui : après cinq ans de faux rock and roll, c'est seulement cette saison, au cours de trop rapides Musicoramas, que les Français ont pu découvrir trois représentants éminents de cette forme directe du jazz : Chuck Berry, Otis Redding et James Brown.

Leur apparition fulgurante a permis de mesurer l'abîme qui sépare ces créateurs de leurs pâles imitateurs.

« Negro spiritual »

Cette saison, c'est Sister Rosetta Tharpe qui l'a ouverte, en novembre 1966, par une tournée européenne. Le negro spiritual n'a sans doute pas aujourd'hui d'interprète plus fidèle. Rosetta Tharpe chante, danse et s'accompagne elle-même à la guitare avec une liberté, une ferveur, un humour, un sens de la scène d'autant plus extraordinaires qu'elle ne s'en sert pas pour se mettre en valeur, mais pour exprimer sa foi.

La vedette de l'annuel American Folk Blues Festival a été le chanteur Big Joe Turner, incarnation du jazz de Kansas City. D'autres ont besoin d'être solidement accompagnés ; Joe Turner, lui, entraîne l'orchestre, quel qu'il soit, qui l'accompagne.

Au même programme, on a trop peu entendu le savoureux pianiste et chanteur Roosevelt Sykes et le grand guitariste-chanteur Sleepy John Estes, le premier parce qu'il n'a guère joué que trois morceaux, le second parce que son jeu et son chant ont été à peu près constamment couverts par un accompagnement indiscret. Le même automne a vu revenir Lionel Hampton à l'Olympia, dont il avait, dix ans plus tôt, fait trembler les murs à la tête de son grand orchestre.

Cette fois, il n'animait qu'une petite formation, dans laquelle brillaient le puissant trompette Wallace Davenport et l'impassible guitariste Billy Mackel. Au vibraphone comme à la batterie, Lionel Hampton a montré autant d'invention que de swing. Louis Armstrong mis à part, on ne voit guère de soliste dont l'imagination soit plus vaste, la vitalité plus communicative.

Le Lion

Relancé par plusieurs tournées européennes, le légendaire pianiste Willie Smith — le Lion — a inauguré le Paris jazz festival de Pleyel. On regrette qu'il ait trop peu joué, d'autant que, sa musique agissant comme un charme, plus on l'écoute, plus on l'aime.