En effet, 1966-1967 n'a pas été marquée de grands événements. L'indice de satisfaction des téléspectateurs n'a accusé ni hausse ni baisse spectaculaires par rapport aux années précédentes.

Mis à part le Palmarès des chansons, de loin en tête, et Au théâtre ce soir, qui a déclenché les enthousiasmes, les émissions vedettes restent toujours les séries (moyens métrages, étrangers pour la plupart, qui passent périodiquement, mais dont chaque épisode constitue une histoire complète), les feuilletons (histoires à suivre) et les films.

On a calculé qu'en moyenne un téléspectateur regarde les programmes :
– 160 minutes 22 par jour du lundi au vendredi.
– 207 minutes 32 le samedi.
– 330 minutes 32 le dimanche.

Soit, au total, 1 339 minutes 40 (22 h 20) par semaine.

Pour connaître l'opinion des téléspectateurs

Pour connaître l'opinion de son public, l'ORTF fait appel au service des sondages que dirige Jean Oulif, assisté d'un état-major de quatre personnes. Aux informations spontanées dues aux 150 appels téléphoniques quotidiens et aux 75 000 lettres mensuelles, il convient d'ajouter celles qui ont été obtenues par les sondages téléphoniques — chaque soir, entre 20 h et 20 h 15, quarante personnes questionnent cent cinquante téléspectateurs pris au hasard — et par les quatre sondages de base, organisés chaque année sur l'ensemble du territoire et effectués à domicile par des employés de sociétés spécialisées.

Le goût de l'aventure

Le succès, par exemple, des Corsaires, des Incorruptibles, de Vidocq et des Compagnons de Jéhu n'est pas seulement dû à la personnalité d'interprètes comme Geneviève Page, Michel Le Royer, Robert Stack et Bernard Noël, ou au souci de qualité historique d'un réalisateur comme Michel Drach. Il prouve que le public préfère les aventures de cape et d'épée ou le suspense policier aux reflets, parfois mièvres, d'une vie quotidienne que beaucoup voudraient oublier à l'heure de la détente.

Sans doute est-ce le même désir de détente qui a donné de si grandes résonances à l'émission Au théâtre ce soir. Une réussite née un peu du hasard.

Pour la première fois, la direction de la Télévision française décide de confier la coordination des programmes d'été à un seul réalisateur : Pierre Sabbagh, qui assure chaque semaine 54 heures d'antenne sur la première chaîne et 16 sur la deuxième. Son ambition se résume en trois points : distraire, utiliser au maximum le direct et faire entrer la télévision dans les loisirs ordinaires en donnant aux téléspectateurs des rendez-vous fixes.

Il y aura le rendez-vous des admirateurs de Sacha Guitry (avec une série de ses principaux films), le rendez-vous des amateurs de western (avec quelques meilleurs films du genre), le rendez-vous des sportifs, avec une saison particulièrement brillante (plusieurs championnats du monde, dont celui de ski à Portillo).

Il y aura surtout Au théâtre ce soir, série de pièces gaies, montées spécialement pour la télévision, dans une mise en scène remaniée et filmée en public au théâtre Marigny, à Paris : J'y suis, j'y reste, le Père de Mademoiselle, la Grande Oreille, Virginie, les Jours heureux, Trois Garçons, une fille, Blaise.

Le succès est foudroyant. Au théâtre ce soir continue sa carrière après l'été à la satisfaction d'un large public.

Les dramatiques

En réhabilitant le théâtre de détente à la télévision, Pierre Sabbagh a remis en question l'émission dramatique traditionnelle, ce qui faisait dire à un critique : « Le théâtre retourne au théâtre et se trouve si bien chez lui, sur les planches, qu'on est amené à se demander s'il ne devrait pas y rester... Lorsqu'on se rend compte, à partir des spectacles Sabbagh, à quel point une œuvre d'essence, si médiocre soit-elle, a besoin pour exister vraiment de l'atmosphère d'une salle et de la participation directe du public, on se dit qu'en étendant le principe du reportage à des œuvres d'une dimension supérieure, la télévision redonnerait à la dramaturgie scénique cette vie qu'elle est en train de perdre dans ses studios de vidéo. »