travail
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du latin médiéval tripalium (vers 1220), « instrument de torture » ou « outil pour immobiliser les animaux ».
Le concept de travail peut-il se réduire à la version dévalorisée et dévalorisante qui a émergé des réflexions organisationnelles dans lesquelles seule les critères de productivité étaient les variables pertinentes ? De cette question dépendent les orientations à venir, dans une société qui oscille entre surproductivisme et post-industrialisation, l'éternelle relation de l'homme et de la nature est à réinventer.
Politique
Activité humaine de transformation de la nature en vue de la satisfaction des besoins sociaux, caractérisée par sa division croissante. D'abord dépourvu de toute dignité propre, le travail devenu marchandise dans le cadre du salariat va conduire à redéfinir, en même temps que son concept philosophique, son statut juridique, économique et social.
La constitution du concept de travail est lente et présuppose l'apparition de certains types de rapports sociaux qui n'émergent qu'à partir du xve s.
Dans les sociétés traditionnelles, le travail n'est pas séparé des autres activités humaines. Au cours de l'Antiquité, le travail apparaît comme nécessité et comme malédiction, conception dont héritera le christianisme. En effet, considéré comme activité contrainte, dont les fins sont fixées extérieurement à elle, le travail est pensé par Aristote comme simple production, comme poïesis, et opposé à la praxis, incluant ses propres finalités et modifiant en retour l'individu lui-même. La subordination antique du travail à la satisfaction des besoins vitaux explique sa dévalorisation dans le cadre d'une société esclavagiste. Pourtant, dans le même temps, l'activité technique de l'artisan démiurge est pensée comme modèle du développement des capacités humaines, depuis le mythe de Prométhée, repris par Platon, jusqu'à Sophocle. Mais il faudra attendre l'essor d'un nouveau mode de production pour voir la contradiction se réduire et le travail conquérir lentement sa dignité sociale et éthique. L'articulation de l'activité de travail et du droit de propriété est placée au centre de la philosophie politique de Locke, de Hobbes et de Rousseau. L'intégration de la sphère des besoins au sein de la vie sociale va promouvoir la figure du contrat, qui assure la promotion juridique du travailleur, échangiste de son activité contre un salaire et contre la reconnaissance de son utilité sociale.
Rejetant la théorie du contrat au profit de l'analyse du rôle social de l'échange, Smith conçoit le travail comme la source de la « richesse des nations » et analyse sa division croissante comme facteur d'accroissement de cette richesse. La contrepartie de ce progrès collectif est l'aliénation du travailleur, dont l'activité se trouve progressivement déqualifiée, et le contenu des tâches, appauvri.
Hegel, lecteur de Smith, soulignera, à l'inverse, la valeur formatrice du travail de production, par opposition à la seule consommation de ses produits. La dialectique de la maîtrise et de la servitude présente le travail comme formation conjointe de la matière et de l'homme, qui inaugure le stade proprement humain de la culture. La production et son organisation sociale émancipent l'homme de la satisfaction immédiate de ses besoins : le travail constitue ainsi le premier moment de la société civile, elle-même subordonnée à l'organisation politique de sa réalité, par essence conflictuelle.
Marx est l'héritier direct de cette analyse ainsi que de la tradition de l'économie politique. Le travail est le rapport des hommes à la nature, mais, en même temps, le rapport des hommes entre eux. L'étude de sa réalité historique moderne oblige à la transformation de son concept. Définissant le travail abstrait comme le point commun de toutes les activités productives, Marx en fait le fondement de la valeur. L'analyse de la force de travail et de sa vente explique la formation de la plus-value. La critique marxienne de la notion trop étroite de travail productif le conduit à repenser l'activité en termes d'activité et de développement des facultés humaines, dès lors que seront abolis les rapports capitalistes de production.
Arendt lui objecte la distinction perdurante entre le travail, qui reste lié au domaine biologique des besoins, l'œuvre, qui procède à l'édification d'un monde non naturel, et l'action, qui réalise véritablement l'individualité de l'homme. C'est alors le projet même d'une abolition du travail qu'elle remet en cause, en envisageant une émancipation hors de la sphère du travail.
Le travail est une notion contradictoire, qui fait s'affronter continûment la nature et l'histoire, la libération et l'aliénation, la nécessité et la liberté. Il n'est guère étonnant que les débats au sujet de sa disparition se répètent aussi souvent que ceux qui concernent son rôle formateur et sa dimension aliénante. La portée philosophique de ce concept est inséparable de l'analyse économique, sociale et juridique, qui en transforme continûment la réalité. Par suite, sa portée normative ou critique l'emporte sur sa valeur descriptive, en en faisant le centre même de toutes les perspectives de conservation ou de transformation des rapports sociaux de production.
Isabelle Garo
Notes bibliographiques
- Arendt, H., Condition de l'homme moderne, Presses Pocket, Paris, 1983.
- Aristote, les Politiques, Flammarion, Paris, 1990.
- Hegel, G. W. Fr., Phénoménologie de l'esprit, Aubier, Paris, 1991.
- Marx, K., le Capital, livre I, PUF, Paris, 1993.
→ action, œuvre, production
Le travail n'est-il qu'une aliénation ?
Le travail se présente, tel le Dr Jekyll de Stevenson, sous une double face. D'un côté, il est ce par quoi la vie est produite : « Les hommes produisent indirectement leur vie matérielle elle-même. » Il est aussi Mr. Hyde : la vie se brise au travail, on meurt épuisé par une vie de travail. La vraie vie ne commence-t-elle pas après le travail ? « Le travail, l'activité vitale, la vie productive apparaissent d'entrée à l'homme comme un simple moyen de satisfaire un besoin – le besoin de conserver son existence physique. La vie productive est vie de l'espèce, c'est la vie créatrice de la vie. » Mais « le travail aliéné renverse ce rapport, si bien que l'homme, parce qu'il est un être conscient, fait de son activité vitale, de son essence, un simple moyen de sa subsistance(1) ». Si l'aliénation est cette interversion de la fin et des moyens et donc ce processus par lequel l'homme devient étranger à sa propre essence, peut-on penser un travail non aliéné, un travail libre ? Ou au contraire, faut-il penser qu'une société d'hommes libres serait une société débarrassée de la contrainte du travail ?
Aliénation de l'essence humaine
Partons de l'ancienne opposition entre le travail (qui est imposé à l'homme, mais, au fond, est indigne de lui) et le loisir (la scholè des Grecs ou l'otium des Romains), seul véritablement humain. Le travail consacré à la satisfaction des besoins de la vie est « la condition naturelle de l'homme » dit H. Arendt(2), c'est-à-dire sa condition non encore vraiment humaine. C'est pourquoi, pour Aristote, il est le propre des esclaves et des animaux domestiques. En travaillant, l'homme se sépare de sa propre essence, puisqu'il n'est vraiment humain que lorsqu'il peut consacrer sa vie aux activités propres à sa nature d'être raisonnable, c'est-à-dire à la vie de l'esprit.
Le travail est encore aliénation d'une autre manière. Soumis à la nécessité, le travailleur n'est plus un homme – qui est à lui-même sa propre fin. Il devient le moyen pour la réalisation des fins du propriétaire des moyens de production. Et, du coup, le produit de son travail apparaît comme une puissance étrangère qui se dresse face à lui comme son pire ennemi. Ce processus renverse l'ordre réel. La puissance personnelle du travail se manifeste comme puissance du capital. La marchandise, en circulant, semble douée d'une véritable force d'auto-engendrement, alors qu'à l'autre pôle le travailleur est réduit à l'état de chose, intégré comme auxiliaire de la machine dans le procès de production.
Enfin, le travail dans une société développée est un travail morcelé, un « travail en miettes ». Le travailleur est un rouage d'une machine de production. Si la production en général suppose la fusion de l'activité intellectuelle, de l'habileté manuelle et de la puissance du corps, la division du travail oppose le travail manuel – réduit à une dépense d'énergie – et le travail intellectuel de conception et d'organisation, apanage de ceux qui organisent le procès de production. Alors que la science devient de plus en plus une « force productive directe », le travail est déqualifié et demande de moins en moins d'aptitudes intellectuelles. Le développement de l'automatisation et de la puissance des ordinateurs donnent une illustration saisissante de ce processus. La machine semble désormais dominer la production et l'échange, exigeant d'un côté des qualifications nouvelles, mais déqualifiant massivement non seulement les ouvriers mais aussi les employés ou les techniciens, qui perdent leur position relativement privilégiée pour être ramenés au lot commun. L'ordinateur se révèle un contremaître bien plus terrible que tous les « petits chefs » des ateliers de l'usine d'antan.
Par ces trois aspects, le travail apparaît comme ce dont l'homme doit se libérer s'il veut être réellement homme. C'est pourquoi, les sociétés modernes, fondées sur l'exaltation du travail, peuvent apparaître comme une menace terrifiante.
La fin du travail comme libération
Si le travail est aliénation, la « fin du travail » devrait être notre souhait le plus cher. Une société où le travail ne serait plus une nécessité – ou seulement une nécessité marginale – ne représenterait-elle pas l'idéal enfin réalisé du loisir pour tous ? Le développement d'un chômage de masse qui semble résulter de la croissance prodigieuse des techniques de l'information et de la communication a fait naître chez certains auteurs l'idée que le travail était une « valeur en voie de disparition ». De là, un autre pas peut être franchi : au lieu de se désoler de cette situation nouvelle, il faudrait au contraire la considérer comme une chance à saisir pour réhabiliter, face à l'esclavage du travail, les genres d'activité dignes d'un homme libre. Redonner, donc, son sens au loisir des Anciens. Le rêve d'Aristote – on pourrait se passer d'esclave si les navettes pouvaient filer seules(3) – deviendrait réalité grâce au développement des esclaves mécaniques pilotés par ordinateur.
En vogue pendant quelques années, ces thèses ont vite cédé du terrain. Les promesses de libération n'ont pas séduit les chômeurs, qui se sont empressés de reprendre leur collier quand la conjoncture s'est améliorée. H. Arendt, dont, pourtant, l'argumentation servait certains théoriciens de la fin du travail, pointe incontestablement une partie de la difficulté. S'il semble « simplement qu'on s'est servi du progrès scientifique et technique pour accomplir ce dont toutes les époques avaient rêvé sans pouvoir y parvenir », en réalité ce rêve risque fort de se transformer en cauchemar. Car « c'est une société de travailleurs que l'on va délivrer des chaînes du travail, et cette société ne sait plus rien des activités plus hautes et plus enrichissantes pour lesquelles il vaudrait la peine de gagner cette liberté ». Et donc, « ce que nous avons devant nous, c'est la perspective d'une société de travailleurs sans travail, c'est-à-dire privés de la seule activité qui leur reste. On ne peut rien imaginer de pire(4) ».
La difficulté soulevée par H. Arendt n'est pas accidentelle. Elle ne tient pas particulièrement à ce que nos sociétés ont glorifié le travail et détruit toutes les formes de vie plus hautes. Elle tient d'abord à l'erreur commise quand on considère que le travail est simplement le propre de l'animal laborans, quand on le tient pour aliénant par lui-même. Si les Grecs rejetaient le travail, ce n'est point qu'ils en avaient compris l'essence anhistorique, mais tout simplement parce que leur société reposait sur l'esclavage et que reconnaître la valeur éminente du travail, c'était du même coup reconnaître l'injustice faite aux esclaves. Mais surtout, la thèse de « la fin du travail » s'est révélée comme une illusion d'optique. Le chômage de masse a toujours plus ou moins existé et il a accompagné non seulement les phases de crise et de récession, mais aussi les phases d'expansion. La « fin du travail » relève, en réalité, d'une surestimation des possibilités de la technique – on a pris pour des réalités ce qui n'était que des esquisses – et de l'illusion d'une « dématérialisation du travail », liée au développement des activités de traitement de l'information. Mais la réalité dans laquelle vivent les hommes n'est pas de l'information : nous ne vivons pas dans des appartements virtuels et ne mangeons point de nourriture numérique.
Dialectique du travail
L'étymologie du mot « travail » renvoie au « tripallium », une sorte de trépied utilisé pour la punition des esclaves. Le travail serait torture et souffrance. Une femme en travail est dans les douleurs de l'accouchement, et ces douleurs, nous le savons, renvoient à la malédiction primitive, conséquence du péché. Dieu dit à Ève : « tu enfanteras dans la douleur », et à Adam : « tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage ». Mais si le travail sanctionne la perte du Paradis, cette perte est en même temps l'avènement de la liberté humaine. Il apparaît ainsi comme le point où se croisent deux conceptions du destin de l'homme : il est le négatif comme sanction de la chute, mais il est aussi la puissance par laquelle l'homme se sauve lui-même et accède au royaume de l'esprit. Par le travail, l'homme crée un monde apte à fournir un abri à la fragilité de l'existence humaine. Il aliène sa propre puissance, au sens où elle s'extériorise, se fige dans des choses finies, mais cette aliénation, loin d'être négative, est ce par quoi le monde devient un monde humain, ce par quoi la nature devient esprit. Elle est enfin ce par quoi l'homme se produit lui-même comme être libre.
Travailler, c'est se soumettre à la nécessité, mais c'est aussi créer – la production d'une œuvre pour l'artiste est une peine, un long effort auquel il doit parfois tout sacrifier. Se construire comme individu doué de sa propre personnalité, c'est faire un travail sur soi-même, ce qui ne va pas sans arrachement à l'immédiatement, avec cette liberté un peu vide de qui recule devant la peine. L'éducation, fait remarquer Hegel est une libération, mais elle est « à l'intérieur du sujet le rude travail contre la pure et simple subjectivité du comportement, contre l'immédiateté du désir et également contre la vanité subjective du sentiment, et l'arbitraire de la préférence(5) ». De ce point de vue, la distinction de Arendt entre le travail – dépense de peine, représentant la condition naturelle de l'homme – et l'œuvre – activité finalisée par laquelle l'homme construit un monde humain –, semble peu pertinente. À l'exception de situations où l'homme est réduit à l'état de bête de somme, le travail, en tant que production, possède une dimension créatrice. Inversement, l'œuvre, qu'il s'agisse de celle de l'artisan ou de l'œuvre d'art, nécessite de la peine.
Enfin, le travail est une activité rationalisante. L'opposition de l'esprit (libre) et du travail (enchaîné à la nécessité) est une de ces oppositions figées qui barrent la route de la pensée. Selon Hegel, le travail joue d'abord un rôle essentiel dans la formation théorique par la diversité de représentations et de connaissances qu'il exige ; le travail manuel le plus simple exige un ensemble complexe de représentations, de calculs, d'appels à la mémoire et à l'expérience passée. Ainsi, l'opposition entre travail manuel et activité intellectuelle est non pertinente. Dans la formation pratique par le travail, l'homme produit à la fois le besoin et les moyens de le satisfaire. Mais il acquiert, en même temps, « l'habitude de l'occupation en général », il apprend à contrôler rationnellement sa propre activité, d'une part techniquement – le travail confronte l'homme à la résistance de la nature – et d'autre part socialement, « en fonction de l'arbitraire des autres » puisque le travail doit satisfaire un besoin social. Ainsi l'homme acquiert l'habitude de la discipline, l'habitude « de l'activité objective et d'habiletés à valeur universelle(6) ». Enfin, Le travail est la marque de la civilisation : « le barbare est paresseux » dit Hegel. Cette civilisation se développe avec la division du travail et la multiplication des liens de dépendance réciproque entre les hommes. Dans le travail, l'égoïsme subjectif se convertit en contribution à la satisfaction des besoins de tous. Autrement dit, cet égoïsme subjectif devient la médiation entre le particulier et l'universel.
La richesse économique dépend de l'intelligence humaine bien plus que des ressources naturelles. Hegel oppose l'état social artisanal et patriarcal à la société moderne. « Dans l'état social de l'industrie, l'individu en est réduit à lui-même et ce sentiment de soi est lié de la façon la plus étroite à l'exigence d'une situation juridique ». Alors que l'état social ancien était favorable à la servilité, « l'état social de l'industrie pousse à la liberté(7) ». Enfin, si la division du travail découle de la logique de la satisfaction du besoin, c'est-à-dire de la nécessité, elle est aussi ce qui constitue le ciment de la cité. C'est parce que les hommes ont besoin les uns des autres qu'ils vivent dans une cité soumise à des lois, disait déjà Aristote(8). Le travail produit non seulement des choses utiles à la vie, mais aussi le lien social.
Un renversement problématique
La défense hégélienne du travail, contemporaine de l'essor de l'économie politique et dont on retrouve de nombreux échos chez Marx, pose de sérieuses difficultés après les cruelles expériences du xxe s. « Arbeit macht frei » (le travail rend libre) était le slogan inscrit à l'entrée d'Auschwitz. Sans aller à ces extrémités, le « fanatisme de la production pour la production » (Marx) qui exprime le mouvement d'accumulation du capital, loin de libérer l'humanité, a produit et reproduit à grande échelle des formes d'oppression systématique inconnues des périodes antérieures de l'histoire. Et la « libération » de l'ouvrier stakhanoviste ou la réhabilitation idéologique par le camp de travail ne semblent pas des modèles beaucoup plus attrayants – même si elles peuvent s'appuyer sur telle phrase de Marx, annonçant que, dans la société communiste, le travail deviendra « le premier besoin de l'homme ».
Pour surmonter cette contradiction, Marx distingue le travail dicté par la nécessité et la libre activité créatrice. Le travail est une nécessité éternelle parce qu'il est le nœud du rapport entre l'homme et la nature. En produisant les moyens de satisfaire des besoins toujours plus riches, il est la condition de la civilisation et le socle de toute conception de la liberté. Mais il reste une nécessité et la liberté, dans ce domaine, ne peut résider que dans la maîtrise rationnelle du procès de production. « C'est au-delà que commence l'épanouissement de la puissance humaine qui est sa propre fin, le véritable règne de la liberté qui, cependant, ne peut fleurir qu'en se fondant sur ce règne de la nécessité(9) ». Bel idéal, mais dont nous ignorons encore quelle structure de base, sociale et politique, permettra l'articulation.
Mais la conception classique du travail se heurte à d'autres difficultés. Pour l'économie classique comme pour Marx, même si c'est sous des formes différentes, la croissance économique doit engendrer le bien-être et la civilisation de « l'homme riche en besoins ». La prise de conscience écologique semble mettre un terme à cet optimisme. La croissance illimitée des « forces productives » se heurte à des impossibilités : le niveau et le mode de vie des pays les plus riches ne sont pas généralisables à toute la planète en raison de la pollution et des gaspillages qu'ils engendrent. Sans renoncer à l'humanisme, il est certainement nécessaire de reconstruire une pensée de la limite. Enfin, loin de dégager un temps libre dans lequel l'homme est à lui-même sa propre fin, l'évolution de la production pourrait bien soumettre toujours plus toutes les sphères de la vie humaine à la logique économique, c'est-à-dire au type de rationalité qui domine l'homme au travail, tout en détruisant toujours plus les solidarités que faisait naître la production industrielle elle-même. Ainsi, l'évolution des rapports de l'homme au travail pose-t-elle avec toujours plus d'acuité la question de la définition des finalités qu'une société peut se donner raisonnablement.
Denis Collin
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Marx, K., Deutsche Ideologie, trad. M. Rubel, l'Idéologie allemande, in Œuvres III, Gallimard, La Pléiade, 4 volumes parus sous la direction de M. Rubel.
- 2 ↑ Arendt, H., The Human Condition, trad. G. Fradier, Condition de l'homme moderne, Calmann-Levy 1961, 1983 (coll. Presses Pocket), préface de Paul Ricoeur.
- 3 ↑ Aristote, les Politiques, trad. P. Pellegrin, GF, 1991.
- 4 ↑ Arendt, H., op. cit.
- 5 ↑ Hegel, G. W. F., Grundlinien der Philosophie des Rechts oder Naturrecht und Staatwissenschaft im Grundrisse (1820), trad. Principes de la philosophie du droit, présentation et notes par Jean-Louis Vieillard-Baron, GF, 1999.
- 6 ↑ Ibid.
- 7 ↑ Ibid.
- 8 ↑ Aristote, op. cit.
- 9 ↑ Marx, K., Das Kapital, trad. J. Roy, in Œuvres I, Gallimard, La Pléiade, 4 volumes parus sous la direction de Maximilien Rubel.