tournant
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Terme employé pour traduire l'allemand Kehre.
Ontologie, Philosophie Contemporaine
Chez Heidegger, concept désignant à la fois le passage de la pensée du plan du Dasein à celui de l'être et le passage de la métaphysique à l'autre commencement de la pensée.
Il n'y pas de rupture dans la pensée de Heidegger, et le tournant qu'opère ce dernier doit être compris comme le passage vers une pensée ontologico-historiale qui reprend la métaphysique dans le tout de son histoire et pense l'être comme tel à partir de l'Ereignis comme possibilité ouverte par le déploiement de la technique.
Plus précisément, le tournant équivaut à la reprise de la question initiale à partir de la question de l'oubli de l'être qui motivait déjà Être et Temps. Le terme « Kehre » apparaît dès 1928, dans le dernier cours de Marbourg, pour désigner « l'analytique de la temporalitas de l'être » qui doit faire suite à l'analytique existentiale. À partir de là s'opère une radicalisation de la finitude qui ne concerne pas seulement le Dasein, mais l'être en tant que tel. Ce que Heidegger veut éviter est le risque d'une objectivation de l'être, qui doit être pensé à partir de son retrait essentiel. À la question du sens de l'être tend alors à se substituer celle de la vérité de l'être. La méditation sur l'essence de la vérité conçue comme aléthéia joue un rôle décisif, la question devenant celle de la vérité de l'être comme ce qui se dispense en s'occultant. Méditer ce demeurer-manquant de l'être en tant que tel, c'est le comprendre comme Not, c'est-à-dire à la fois comme contrainte et détresse. L'explication avec Nietzsche et la méditation de Hölderlin permettent de remonter en-deçà de la métaphysique vers la parole matinale des présocratiques. Nietzsche est le penseur des ultimes conséquences de la métaphysique, la faisant surgir en son essence comme nihilisme.
Si dans le Dispositif technique l'homme, qui se veut maître de l'étant, en vient à oublier la surpuissance de l'être, celui-ci demeure néanmoins comme le mystère qui donne à penser. Dès lors, « Là où est le péril / Croît aussi ce qui sauve », Hölderlin nous enseignant un nouveau sens du sacré et du divin ne procédant plus de l'onto-théologie.
Jean-Marie Vaysse
Notes bibliographiques
- Heidegger, M., Metaphysische Anfangsgründe der Logik (Fondements initiaux de la logique), Frankfort, 1978.
- Heidegger, M., Bremer und Freiburger Vorträge (Conférences de Brème et de Fribourg), Frankfort, 1994.
- Heidegger, M., Erläuterung zur Hölderlins Dichtung (Approche de Hölderlin), Frankfort, 1981.