subjectivisme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


De l'all. subjektiv, à l'origine en référence à Kant.

Morale

Doctrine selon laquelle les valeurs n'ont d'existence qu'à travers les évaluations d'un sujet.

Le subjectivisme moral s'oppose au réalisme moral, selon lequel être bon est une propriété réelle de certaines choses ou actes, comme la propriété d'être rouge, ou celle d'être un triangle. Avec Platon, le réalisme pose au subjectivisme. 1) Le problème du relativisme : si le bien est relatif aux hommes, ne faut-il pas admettre que toutes les opinions se valent(1) ? 2) Le problème du statut de l'éthique : si l'éthique n'a pas d'objet, quel est le rôle de la discussion morale ? Est-elle une tromperie aux services d'autres intérêts(2), comme l'affirmeront plus tard Marx et Nietzsche ?

Le subjectivisme le plus radical, l'égoïsme de Hobbes, qui soutient que le bien est pour chacun ce qu'il désire, évite pourtant ces conséquences, en affirmant que l'intérêt bien compris de chacun est de se soumettre au droit naturel. Il en va de même avec des versions plus modérées du subjectivisme, qui restreignent le Bien à un certain type de désirs (ceux qui sont associés au sens moral, chez Hume) ou à ceux qu'on aurait dans certaines circonstances (ceux qui subsistent sur le long terme ; ceux d'un spectateur désintéressé).

Le subjectivisme au sens strict est un non-cognitivisme : il n'y a pas de connaissance morale, seulement des attitudes d'approbation ou de blâme (cf. « Émotivisme »). Ses limites sont l'éthique kantienne, d'une part, qui voit aussi dans les valeurs le produit d'évaluations du sujet, mais soutient qu'il y a une vérité morale (cognitivisme) ; et le naturalisme éthique, d'autre part, qui voit dans le bien un état des sujets, mais un état réel connu empiriquement, comme la stabilité sociale (réalisme moral).

Le subjectivisme rend compte de l'éthique sans recourir à des entités mystérieuses, comme l'idée du Bien. Il n'est toutefois pas certain que, sous sa forme stricte, il évite les conséquences que Platon lui attribuait.

Julien Dutant

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Platon, Théétète, 151 e-152 c.
  • 2 ↑ Cf. Calliclès in Platon, Gorgias, 483 b, et Thrasymaque in Platon, République, I.

→ descriptivisme / expressivisme, émotivisme, réalisme, relativisme, scepticisme