polythéisme
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du grec polutheos, « qui a plusieurs dieux ».
Philosophie Générale
Doctrine qui admet l'existence de plusieurs dieux.
Il semble difficile de chercher à définir un polythéisme, tant les polythéismes sont divers. Toutefois il est possible de voir en eux un « système complexe de relations entre plusieurs puissances divines »(1). Ainsi en ce qui concerne par exemple le polythéisme grec, chaque dieu reçoit un domaine de compétence propre, une fonction propre. Ces domaines sont donc délimités pour les dieux et les hommes.
Le polythéisme constitue l'environnement religieux de la philosophie antique. Les dieux ne sauraient constituer un modèle de moralité : « Selon Xénophane de Colophon, Homère et Hésiode ont raconté une foule de crimes commis par les dieux, vols, adultères et tromperies réciproques »(2). Ce lieu commun parcourt la philosophie : Platon lui-même estime que les poètes qui représentent ainsi les dieux doivent être bannis de la cité(3) ; le reproche s'adresse donc davantage à la représentation que l'on se fait des dieux qu'aux dieux eux-mêmes. Ces représentations que proposent les poètes, les représentations mythologiques sont dangereuses à plus d'un titre : elles sont affabulatrices, par conséquent la raison doit s'en défier et les combattre car elles constituent une source essentielle d'illusions. Ainsi Épicure estime que les « dieux ne sont pas à craindre »(4).
Pour les philosophes, la référence aux dieux apparaît donc essentiellement comme une référence au divin : les dieux expriment en fait la pluralité, derrière laquelle pourtant il semble possible de penser une unité. Ainsi Platon se réfère à un démiurge, Aristote pense un premier moteur(5) ; Épicure lui-même propose une autre image du divin, indépendant qui nous aide à nous libérer de l'angoisse ; quant aux stoïciens, ils font de dieu le principe du monde et de l'ordre du monde, dieu qui prend des noms multiples selon les pouvoirs qu'il exerce.
Le procès de Socrate pour impiété est révélateur du conflit qui peut exister entre un culte polythéiste qui vaut comme signe d'une appartenance civique et la référence philosophique au divin.
Pour les monothéismes, le modèle polythéiste constituera un repoussoir : ainsi les chrétiens nommèrent paganisme le polythéisme antique, l'assimilèrent à l'idolâtrie.
Elsa Rimboux
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Détienne, M., Comparer l'incomparable, Seuil, Paris, 2000, chap. IV « Expérimenter dans le champ des polythéismes », pp. 81-104.
- 2 ↑ Sextus Empiricus, Contre les professeurs, I, 289 (Contre les grammairiens), trad. sous la direction de P. Pellegrin, Seuil, Paris, 2002, p. 223.
- 3 ↑ Platon, République, II, 377a-383c, trad. G. Leroux, Flammarion, Paris, 2002.
- 4 ↑ Épicure, Lettre à Ménécée, § 123-124, in Lettres et Maximes, trad. M. Conche, PUF, Paris, 1987.
- 5 ↑ Aristote, Métaphysique, Δ, 7, 1072a13, trad. J. Tricot, Vrin, Paris, 1953.
- Voir aussi : Dumézil, G., Les dieux souverains des Indo-européens, Gallimard, Paris, 1986.
- Histoire des religions, sous la direction de H.-C. Puech, Gallimard, La Pléiade, Paris, 1970.
- Otto, W. F., Les dieux de la Grèce, Payot, Paris, 1981.
- Vernant, J.-P., Religion grecque, Religions antiques, Maspero, Paris, 1976.
- Vernant, J.-P., Mythe et religion en Grèce ancienne, Seuil, Paris, 1990.