paganisme
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du latin paganus, « paysan » (de pagus, « pays »). Prend un sens ecclésiastique dès les iiie et ive s. Attesté en français à partir de 1546.
Morale, Philosophie de la Religion
1. Ensemble des croyances populaires qui ont survécu à l'avènement du christianisme. – 2. Par opposition à ce dernier, religion polythéiste et superstitieuse des Anciens. – 3. En un sens plus large, toute forme religieuse distincte des monothéismes juif, chrétien ou musulman.
Le mouvement de la Réforme a donné naissance, aux xvie et xviie s., à la « querelle du paganisme », qui désigne une critique du christianisme romain comme résurgence du paganisme. Les tenants de cette querelle sont notamment H. de Cherbury(1) et Malebranche(2). Le premier soutient la thèse de l'identité foncière de toutes les religions, et montre que la possibilité du salut des païens qui ont ignoré la révélation est la condition nécessaire pour croire en une providence universelle. Malebranche est au contraire résolument hostile au paganisme, dont il faut pour lui sortir, que ce soit par la révélation ou par la philosophie, par la religion ou par la raison.
Si le paganisme est souvent, de facto, assimilé au polythéisme, il s'en distingue néanmoins par ses implications conceptuelles. Dans l'Étoile de la Rédemption, F. Rosenzweig(3) montre qu'il ne s'apparente pas tant à une forme de religion primitive, différente du monothéisme, qu'à l'absence de religion. En ce sens, il constitue une catégorie du réel, qui s'objective historiquement dans l'Antiquité grecque. Cette catégorie est celle de la suffisance à soi et de la séparation fondamentale des réalités originelles que sont Dieu, le monde et l'homme. Au contraire, la religion est relation, sortie de soi de ces réalités élémentaires, et structuration du réel suivant la triade Création (relation de Dieu au monde), Révélation (relation de Dieu à l'homme), Rédemption (relation de l'homme au monde). De même que la relation suppose la séparation, la religion ne peut être envisagée que sur la base du paganisme, qui constitue dès lors, pour Rosenzweig, non seulement un moment de l'histoire, mais surtout la structure immémoriale de toute notre expérience du réel.
Sophie Nordmann
Notes bibliographiques
- 1 ↑ De Cherbury, H., La religion des païens (De religione gentilium, Amsterdam, 1645).
- 2 ↑ Malebranche, N., De la recherche de la vérité, Vrin, Paris, 1994 ; Traité de la nature et de la grâce, Vrin, Paris, 1994.
- 3 ↑ Rosenzweig, F., L'étoile de la Rédemption, trad. J.-L. Schlegel et A. Derczanski, Seuil, Paris, 2002.
- Voir aussi : Érasme, Œuvres choisies, trad. Chomarat, le Livre de Poche, Paris, 1991.
→ monothéisme, polythéisme, religion