philologie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec philologia, « amour du discours »(1).


Comme science de la transmission et de l'interprétation des textes suivant des règles précises, on la rencontre chez les humanistes italiens du xve s.

Linguistique

Art de la transmission textuelle et art de l'interprétation des œuvres anciennes.

La philologie est l'art de la restitution de l'authenticité des textes du passé et de leur interprétation. C'est donc la discipline critique de la tradition littéraire en tant que transmission textuelle.

L'humanisme

Ce sont les humanistes italiens du xve s. qui ont transformé la tradition grammaticale ancienne en philologie, en se rendant compte que les textes du passé étaient le plus souvent le résultat d'une transmission historique lacunaire, éventuellement manipulée. La philologie met alors au point des techniques de restitution de la lettre des œuvres du passé : restitution de la généalogie des textes, et des rapports de dépendance entre les manuscrits ; séparation typographique du texte et du commentaire ; vérification des citations ; connaissance des langues anciennes comme présupposition de tout travail de compréhension ; la correction comme produit à la fois de la connaissance des manuscrit et du jugement de l'interprète.

Le xixe s.

Au début du xixe s., la philologie s'est constituée en une « science de l'antiquité » dont l'objet était présenté comme la connaissance de l'humanité et de la culture antiques (en fait surtout grecques). Elle s'est dotée, chez son principal promoteur, Friedrich August Wolf (1759-1824), d'un objet propre, le monde antique, étudié dans ses aspects littéraires d'abord, comme modèle d'humanité, mais aussi, et de plus en plus, dans ses autres dimensions : art histoire politique, monuments, géographie.

En conséquence, l'autonomie de la philologie s'est affirmée contre la théologie, dont elle était encore la servante au xviiie s. dans la mesure où elle jouait un rôle dans la formation des pasteurs, mais aussi contre la philosophie, puisqu'elle s'occupe des documents, des textes, et non directement des idées. Cette autonomie est fortifiée par la conscience de la distance historique entre les époques : son insistance sur le caractère irrémédiablement passé de l'antiquité a été constitutive de la conscience philologique. Dans les projets encyclopédiques de Wolf, Friedrich Schlegel (1772-1829), Friedrich Ast (1778-1841), ou August Boeckh (1785-1867), il s'agissait en effet de reconstituer dans la dimension du savoir l'aspect le plus complet de la civilisation antique. La philologie était l'instrument de cette résurrection spirituelle : l'idéal classique, la norme de l'humanité et de la beauté sont à retrouver pour notre époque à travers « l'étude de l'Antiquité ».

Vers le milieu du siècle, et très manifestement à l'occasion des guerres conduisant à la fondation du Reich allemand, ce modèle entra en crise. Ses présupposés idéalistes furent remis en question, car la normativité de l'antiquité grecque provenait d'une normalisation, et surtout l'antiquité grecque se révéla progressivement moins homogène et organique qu'on ne se l'était imaginé : des faces d'ombre apparaissaient, déjà aperçues par les premiers romantiques ou par Hölderlin ; certaines époques délaissées devenaient ainsi objet d'un plus grand intérêt, comme les temps archaïques ou la période hellénistique.

L'approche de Karl Lachmann (1793-1851), considérée longtemps comme fondatrice de la science philologique, et désormais dépassée, visait, en se référant à un système rigide de classification, à déterminer clairement la tradition manuscrite, et par là à résoudre les passages obscurs. Cette méthode fut critiquée comme trop « mécanique », négligeant l'histoire des contextes historiques et linguistiques. La philologie contemporaine est plus consciente de la nature conjecturale de ses interventions.

La philologie est essentiellement un art critique et historique du discours ; par là elle est interprétative.

Fosca Mariani Zini

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Cf. Platon, Théétète, 146a.
  • Voir aussi : Grafton, A., J. Scaliger. A Study in the History of Classical Scholarship, Oxford, 2 vol., 1983-1993.
  • Laks, A. et Neschke, A. (éd.), La naissance du paradigme herméneutique, Presses universitaires de Lille, Villeneuve-d'Ascq, 1990.
  • Rizzo, S., Il lessico filologico degli umanisti, Rome, 1973.
  • Thouard, D. (éd.), Critique et herméneutique dans le premier romantisme allemand, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve-d'Ascq, 1996.
  • Timpanaro, S., La genesi del metodo di Lachmann, Florence, 1963, nouvelle éd. revue et augmentée, Padoue, 1981.

→ herméneutique, humanisme, interprétation