modernisme
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Esthétique
Au sens large, style propre à l'époque moderne dans ses évolutions les plus récentes. Plus spécifiquement, thèse sur l'art selon laquelle les étapes de son développement constituent le support d'une démarche définitionnelle et critique de son identité.
Bien que l'appellation de « modernisme » remonte aux alentours de 1900 (le concept de modern style sert souvent de point de repère) et que, dès 1846, Baudelaire ait écrit que « Qui dit romantisme dit art moderne »(1), c'est assez avant dans le xxe s. qu'elle va prendre, dans le discours esthétique, sa consistance théorique.
P. Daix s'est efforcé de distinguer entre modernité et modernisme, en définissant la première comme esthétisation du présent et la seconde comme engagement envers l'avenir(2). Plus qu'une recherche systématique et artificielle de nouveauté, qui ne donnerait aucune garantie d'expression authentiquement moderne, il s'agit d'affirmer une approche expérimentale de l'art capable de servir de tremplin aux autres dimensions de la société. G. Bataille insiste dans le même sens sur « la destruction du Sujet »(3), clé de voûte du système des idées et des valeurs.
C'est essentiellement dans la critique américaine que la notion de modernisme s'est identifiée à un processus d'analyse interne de l'art. L'unité du formalisme et du thème kantien de l'« auto-définition » a conduit Greenberg à mettre en avant la question du médium et de la séparation des arts(4), situation dont M. Fried trouve les prémices chez Manet(5). La version la plus radicale est énoncée par Danto, qui interprète le point de vue moderne comme « le récit dans le cadre duquel créer de l'art signifiait faire avancer une histoire faite de découvertes et de pensées toujours nouvelles »(6) ; par une série de soustractions méthodiques, l'art est ramené à son essence, après quoi ne subsiste plus – dans une acception qui se réclame explicitement de Hegel – qu'une définition philosophique du concept de l'art.
Exalté tout au long du xxe s. comme instrument de libération intellectuelle et artistique, le modernisme tend aujourd'hui à apparaître comme l'expression typique d'une conception idéologique de la modernité(7). Au doute sur le mythe de la visualité pure de l'art répond toutefois la nostalgie d'une époque que traverse encore un rêve d'universalité.
Mathieu Kessler
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Baudelaire, C., « Salon de 1846 », in Écrits sur l'art, Le Livre de Poche, Paris, 1992, p. 77.
- 2 ↑ Daix, P., L'ordre et l'aventure. Peinture, modernité et répression totalitaire, Arthaud, Paris, 1984.
- 3 ↑ Bataille, G., Manet, Skira, Genève, 1983, p. 33.
- 4 ↑ Greenberg, C., « Toward a Newer Laocoon » (1940), et « Modernist Painting » (1960), in J. O'Brian, (éd.) The Collected Essays and Criticism, t. 1 et 4, University of Chicago Press, Chicago, 1986 et 1993.
- 5 ↑ Fried, M., Le modernisme de Manet (1990), trad. C. Brunet, Gallimard, Paris, 2000.
- 6 ↑ Danto, A., Après la fin de l'art, trad. C. Hary-Schaeffer, Seuil, Paris, 1996, p. 24.
- 7 ↑ Clark, T. J., Farewell to an Idea : Episodes from a History of Modernism, Yale UP, New Heaven, 1999.
- Voir aussi : Danto, A., L'art contemporain et la clôture de l'histoire, trad. C. Hary-Schaeffer, Seuil, Paris, 2000.
- Guilbaut, S. (éd.), Reconstructing Modernism : Art in New York, Paris and Montreal 1945-1964, MIT Press, Cambridge MA., 1983.
→ contemporain (art), moderne, modernité, nouveau, postmodernisme