microscopique / macroscopique

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec, préfixes micro, « petit », et macro, « grand » ; verbe skopeîn, « observer ».

Physique

Opposition d'échelles d'organisation, dont les limites varient en fonction du problème à résoudre.

Les rapports établis en physique entre échelles microscopique et macroscopique peuvent être d'ordre explicatif ou constitutif. Dans le premier type de rapport, un processus microscopique est invoqué pour expliquer un phénomène d'échelle macroscopique. Dans le second type de rapport, une procédure expérimentale d'échelle macroscopique sert réciproquement à définir les variables microscopiques.

Les doctrines atomistes et le cartésianisme ont très tôt entretenu le projet d'expliquer l'apparaître qualitatif, manifeste à l'échelle humaine, par les figures et mouvements de corps invisibles à l'œil nu. Il n'est pas surprenant, dans ces conditions, que la conception du microscope, instrument d'optique, coïncide historiquement avec le renouveau de l'atomisme au début du xviie s. Après le développement de la biologie microscopique à partir de la fin du xviie s., la théorie cinétique des gaz, puis la mécanique statistique ont offert, au xixe s., les premiers exemples d'une application fructueuse du programme d'explication du macroscopique par le microscopique en physique. Dans ce dernier cas, ce sont les règles reliant les variables macroscopiques de pression, de température, de chaleur, etc., propres à la thermodynamique, qui sont expliquées sur un mode réductif par les règles reliant les variables mécaniques microscopiques de position, de quantité, de mouvement et d'énergie cinétique des molécules.

Jusqu'au début du xxe s., les lois auxquelles obéissent les corps macroscopiques étaient extrapolées vers les processus à fonction explicative d'échelle microscopique. Mais la théorie quantique a radicalement changé cette situation. Un véritable critère d'échelle y a été mis en place à travers la valeur du quantum d'action (ou constante de Planck). D'un côté, les processus se déroulant à une échelle assez grande, pour que la valeur du quantum d'action soit comparativement minime, continuent d'être régis approximativement par des lois classiques. D'un autre côté, cependant, les processus se déroulant à une échelle assez petite, pour que la valeur du quantum d'action ne puisse plus être négligée, sont régis par des lois dont non seulement la forme, mais aussi la nature sont profondément différentes de celles des lois qui prévalent à l'échelle macroscopique. Un enjeu important de la physique quantique est, à partir de là, de montrer comment les comportements classiques d'échelle macroscopique peuvent émerger des lois probabilistes d'un genre inédit valant à l'échelle microscopique.

La mécanique quantique a également posé un autre problème de relation microscopique-macroscopique, très bien décrit par N. Bohr. Il est vrai que les variables et les lois quantiques qui régissent l'univers microscopique peuvent être mobilisées pour rendre compte de certains phénomènes macroscopiques (comme la supraconductivité, la superfluidité ou le rayonnement laser). Mais il ne faut pas oublier qu'à l'inverse ces variables et ces lois ne sont définies que par référence à des procédures expérimentales d'échelle macroscopique, seules capables de les mettre à l'épreuve. La définition des principales observables de la mécanique quantique est, par exemple, dépendante du niveau macroscopique de description, à travers le principe de correspondance. C'est ce qu'on peut appeler le rôle constitutif de l'échelle macroscopique d'organisation pour toute description portant sur l'échelle microscopique. Le rapport entre échelles microscopique et macroscopique ne peut, dès lors, plus être unidirectionnel et hiérarchique ; il est plutôt bidirectionnel et dialectique. Au projet de découvrir une hiérarchie explicative allant du microscopique vers le macroscopique, se substitue désormais celui d'identifier les conditions d'une adéquation réciproque entre : a) l'explication du macroscopique par le microscopique ; b) la constitution du microscopique par le macroscopique.

À la fin du xxe s., plusieurs développements nouveaux se sont fait jour sur le thème de l'opposition microscopique-macroscopique. Un critère d'échelle caractéristique des théories quantiques de la gravitation est d'abord apparu : il s'agit de la longueur de Planck, dont l'ordre de grandeur est 10–35m (1025 fois plus petit que le diamètre d'un atome). Au dessous de cette dimension, les notions métriques ne sont tout simplement plus définies. La longueur de Planck ne délimite donc pas une sorte de domaine microscopique ultime, mais une région où les concepts spatiaux eux-mêmes, sur lesquels repose la distinction microscopique-macroscopique, n'opèrent plus. Des théories physiques prenant en compte, dès leurs postulats, cette stratification d'échelles et de niveaux d'organisation, ont été formulées récemment. La théorie des supercordes, avec sa symétrie d'échelle, est considérée majoritairement comme la plus prometteuse. La « relativité d'échelle » de L. Nottale explore la voie alternative des espaces fractals.

Michel Bitbol

Notes bibliographiques

  • Bohr, N., Physique atomique et connaissance humaine, Présentation C. Chevalley, Gallimard, Folio, Paris, 1991.

→ mesure, probabilité, quantique (logique), quantique (mécanique)