entéléchie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Translittération du grec entelekheia, de telos, « fin ».

Philosophie Antique

Terme forgé par Aristote pour signifier la réalisation complète de la puissance.

À la différence de l'energeia, qui est littéralement le fait d'être « en acte », l'entéléchie est pour une substance le fait d'être arrivée au terme (telos) de la réalisation de sa forme. À ce titre, « chaque substance est une entéléchie, une nature déterminée »(1). La distinction entre acte, entéléchie, forme, d'une part, et puissance (ou matière), d'autre part, représente la solution aristotélicienne du problème du devenir. L'entéléchie participe donc, au même titre que l'acte, au débat avec les mégariques, qui niaient la puissance. Il est possible, rétorque Aristote, d'avoir la puissance de marcher, et pourtant de ne pas marcher actuellement. La solution consiste dans la distinction entre entéléchie première et seconde : la première est à la seconde comme le fait de posséder une science mais de ne pas s'en servir actuellement (parce qu'on dort, par exemple) au fait de s'en servir. C'est en ce sens que l'âme, dont on dit couramment qu'elle est la forme du corps, est plus précisément « l'entéléchie première d'un corps naturel apte à en être l'instrument (organikon) »(2), c'est-à-dire ce qui fait que le même corps qui, dans le sommeil par exemple, est inerte et insensible, retrouve au réveil son activité ou acte.

Frédérique Ildefonse

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, Métaphysique, VIII, 3, 1044 a 9.
  • 2 ↑ Aristote, Traité de l'âme, II, 1, 412 b 5-6.

→ acte, devenir, mouvement, puissance

Philosophie de la Renaissance

À la Renaissance, la réflexion sur l'entéléchie se situe avant tout sur le plan de la philologie. J. Argyropoulos et A. Politien s'affrontent en effet sur le terrain de la compétence linguistique. Pour le premier, Cicéron ne connaissait pas assez bien le grec, pour le second la confusion entre entéléchie et endéléchie n'en est pas une : il formule en effet, dans le premier chapitre de ses Miscellanae. Centuria prima, (1489) l'hypothèse d'un « Aristote perdu », qui aurait été plus près de la conception platonicienne de l'âme(1). Les humanistes comprennent généralement ce terme comme le mouvement pérenne de l'âme, mais E. Barbaro(2) l'entend comme l'état de perfection, d'actualité d'un étant et propose de le traduire littéralement par « perfectihabia », dont l'étrangeté frappa Leibniz.

Fosca Mariani Zini

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Politien, A., Miscellanae. Centuria prima, Florence, 1489.
  • 2 ↑ Barbaro, E., Compendium scientiae naturalis ex Aristotele, Venise, 1545.

→ âme, aristotélisme