Œdipe

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


En allemand : Ödipus, d'Œdipe tyran, de Sophocle.

Psychanalyse

Mythique, et à l'articulation entre individu et collectivité, l'œdipe, ou « complexe nucléaire (Kernkomplex) des névroses »(1), signifie les vœux infantiles, sexuels et de meurtre envers les deux parents ainsi que leurs destins : formes sociales variées des interdits de l'inceste et du meurtre – règles des échanges –, et devenirs fantasmatiques individuels divers des vœux infantiles.

La prématuration biologique des nourrissons, la dépendance corrélative et la sexualité infantile créent les figures parentales comme premiers objets – d'amour, de haine et de peur. Conformément à la bisexualité, l'enfant (entre 3 et 5 ans) en vient à aimer sexuellement chacun des deux parents (faire un enfant à la mère, recevoir un enfant du père) et à haïr l'autre comme rival : œdipe « direct » et « inverse » coexistent.

Ce moment rompt la relation duelle entre mère et enfant, et introduit un tiers. La mère (phallique, toute-puissante), premier objet d'amour de l'enfant, y devient châtrée, selon la catégorisation infantile phallique vs châtré, cependant que le père acquiert la puissance phallique (scène primitive). Le complexe de castration détermine pour le garçon la sortie de l'œdipe : pour ne pas perdre ce à quoi il tient le plus, il se détourne de la mère et s'identifie au père. La fille se détourne de la mère, qui ne l'a pas pourvue du pénis, et se tourne vers le père, qui l'a et qu'elle veut – désirant d'abord le pénis, puis un enfant du père, puis d'un autre homme. L'abandon de l'objet incestueux implique donc chez la fille une étape supplémentaire(2). La résolution de l'œdipe suppose que l'investissement des figures parentales comme objets d'amour soit abandonné et remplacé par des identifications(3).

Freud lisant Sophocle passe sous silence, entre le parricide et l'inceste, la rencontre d'Œdipe avec la Sphinge : figure de mère phallique. Les relations œdipiennes à la mère seront étudiées plus en détail par d'autres, singulièrement des femmes (L. A. Salomé, M. Klein, R. Mack Brunschwig). La comparaison de l'importance de la période pré-œdipienne avec celle de la culture mino-mycénienne, derrière celle des Grecs(4), ouvre cependant sur la dimension matriarcale des diverses cultures.

Christian Michel et Michèle Porte

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Freud, S., Über psychoanalyse (1910), G.W. VIII, p. 50 (Cinq leçons sur la psychanalyse, Payot, Paris, 2001, p. 55). Totem und Tabu (1912-1913), G.W. IX, p. 157 (Totem et tabou, Œuvres Complètes F-P XI, Paris, p. 346).
  • 2 ↑ Freud, S., Der Untergang des Ödipuskomplexes (1923), G.W. XIII, p. 393-402, « La disparition du complexe d'Œdipe », in la Vie sexuelle, PUF, Paris, 2002, pp. 117-122.
  • 3 ↑ Freud, S., Das Ich und das Es (1923), G.W. XIII, pp. 235-289, « Le moi et le ça », in Essais de psychanalyse, Payot, Paris, 2001, pp. 219-275.
  • 4 ↑ Freud, S., Sur la sexualité féminine, OCF-P XIX, Paris, 1995, p. 10.

→ déni, déréliction, différence des sexes, enfantin et infantile, fétichisme, narcissisme, névrose, psychose et perversion, phallus, sexualité