évolution

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin evolutio, « développement », « déploiement ».

Philosophie Générale, Biologie

Au sens strict, transformation biologique graduelle, dans le temps, d'un individu ou d'une espèce vivante.

L'évolution est d'abord le simple fait du changement d'un être à partir de lui-même : elle se présente comme le déploiement de ce qui est enveloppé et seulement virtuel. Le terme s'applique plus particulièrement aux être vivants, pris dans les processus naturels qui les voient se transformer pour passer d'un état à un autre. Jusqu'au xviiie s., le terme décrivait préférentiellement les transformations progressives de l'individu qui se développe de l'embryon à la maturité. L'évolution concernait alors essentiellement l'accomplissement de la forme parfaite à partir d'un état primitivement enveloppé. Les progrès de l'observation microscopique, dont Leibniz se fait le témoin, permettent alors de prendre le contre-pied de la doctrine aristotélicienne de l'épigénèse pour affirmer la préformation dans l'œuf de l'individu achevé : « ce sont les expériences des Microscopes, qui ont montré que le papillon n'est qu'un développement de la chenille, mais surtout que les semences contiennent la plante ou l'animal déjà formé [...] »(1).

Mais à partir de la fin du xviiie s., les progrès de la paléontologie permettent d'envisager l'évolution à une autre échelle, qui va devenir essentielle : celle des espèces et des genres du vivant, conçue comme changement progressif à partir des formes les plus simples du vivant. Avec le transformisme de Lamarck(2), on passe de l'évolution ontogénétique à l'évolution phylogénétique. La voie est alors ouverte à l'installation de la théorie de l'évolution au cœur de la biologie moderne, comme solution à un finalisme qui subsistait comme part non-scientifique de la biologie : Darwin, avec L'Origine des espèces(3), fournit une énorme masse de faits à l'appui de ce qu'il nomme la « modification avec descendance », ce qui lui permet de synthétiser les différents sens de l'évolution appliqués au vivant. D'une part, en tant qu'elle concerne les espèces et plus les individus, l'évolution remet en cause la fixité intelligible des formes « accomplies » des êtres vivants, et rompt avec le fixisme classique. D'autre part, en concevant la complexification progressive des formes du vivant, la théorie de l'évolution se place à la hauteur de la doctrine de la création, dont elle prend l'irréductible contre-pied. Enfin, la théorie de Darwin fournit à l'évolution un principe moteur décisif : l'idée de sélection naturelle, concept calqué sur la sélection artificielle pratiquée par l'homme, permet de rendre compte de la survie et de la reproduction des variations les plus favorisées dans leur environnement. Un disciple de Darwin, E. Haeckel, cherchera à réintégrer l'ancienne évolution dans la nouvelle, en proposant une loi dite « loi de récapitulation », selon laquelle l'ontogénèse récapitule la phylogénèse (selon ce principe, chaque individu accomplirait de l'embryon à la maturité un processus qui reproduit de façon très contractée l'ensemble du processus par lequel son espèce s'est développée jusqu'à lui), mais c'est néanmoins l'idée de sélection naturelle qui constitue le principal héritage du darwinisme en matière de théorie de l'évolution : la sélection naturelle, couplée à l'idée de variations aléatoires, permet en effet de produire un modèle non téléologique de la production des caractéristiques nouvelles dans une lignée(4). Le problème théorique commence cependant pour le darwinisme lorsqu'il affirme que la sélection naturelle a un rôle créateur et pas seulement destructeur, car il est alors difficile de maintenir l'idée d'un mécanisme sans finalité.

Sébastien Bauer et Laurent Gerbier

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Leibniz, G.W., Considérations sur la doctrine d'un esprit universel unique (1702), édition Ch. Frémont, in Système nouveau de la nature et de la communication des substances, GF, Paris, 1994, p. 224-225.
  • 2 ↑ Lamarck, J.-B., Philosophie zoologique (1809), édition A. Pichot, GF, Paris, 1994.
  • 3 ↑ Darwin, Ch., L'origine des espèces (1859), tr. E. Barbier revue, Paris, GF, 1992.
  • 4 ↑ Tort, P. (dir.), Dictionnaire du darwinisme et de l'évolution, PUF, Paris, 1986.
  • Voir aussi : Canguilhem, G., et al., Du développement à l'évolution au xixe s. (1962), PUF, Paris, 1985.
  • Jacob, F., La logique du vivant. Une histoire de l'hérédité, Gallimard, Paris, 1970.
  • Pichot, A., Histoire de la notion de vie, Gallimard, Paris, 1993.
  • Tort, P., Darwin et le darwinisme, PUF, Paris, 1997.

→ finalisme, gène, génétique, hérédité, vie