éternel retour
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
En allemand : ewige Wiederkunft.
Philosophie Antique, Philosophie Moderne
Doctrine selon laquelle les êtres et les événements du monde, à l'issue d'une période déterminée de temps, se répètent à l'identique.
L'expression « éternel retour » n'apparaît jamais dans l'Antiquité, mais les stoïciens et les pythagoriciens en défendaient la doctrine, que Nietzsche, dans Ecce homo, attribue à Héraclite. Selon celui-ci et les stoïciens, à l'issue d'une longue période, l'univers s'embrase et tout disparaît. Selon les stoïciens, l'univers renaît alors à l'identique. Ce processus se répète à l'infini(1). C'est ce qu'ils appellent « palingénésie » (nouvelle genèse). Certains pythagoriciens soutiennent une doctrine similaire, mais sans l'embrasement : à l'issue de la Grande Année (quand les planètes retrouvent leur position initiale), tout se reproduit à l'identique(2). Ainsi, une infinité de fois, Socrate renaîtra et sera condamné. Cette doctrine soulevait des difficultés : comment certains événements peuvent-ils en précéder d'autres, s'ils doivent se répéter ? Comment le même individu peut-il renaître, si sa substance est détruite ?
Chez Nietzsche, l'« éternel retour » est l'une des notions centrales de sa dernière philosophie, selon les plans pour la Volonté de puissance. Il y avait d'abord vu la conséquence de l'acquiescement au monde : si jamais un instant vous a plu, « alors vous avez voulu qu'absolument tout revienne », et cela pour l'éternité(3). Il en fait finalement une doctrine physique : le monde étant éternel et les combinaisons possibles finies, tout doit se reproduire à l'identique(4).
Les premiers chrétiens voyaient cette doctrine comme proche de celle de la résurrection, mais absurde, car la palingénésie n'a pas de but. Nietzsche, lui, y voyait la « forme extrême du nihilisme : le néant (l'absurde) éternel »(5). Seuls les stoïciens y ont vu l'expression de la providence, sans doute parce qu'elle répète à l'infini le meilleur des mondes.
Jean-Baptiste Gourinat
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Stobée, Éclogues, I, 20, p. 171.
- 2 ↑ Origène, Contre Celse, V, 21.
- 3 ↑ Nietzsche, Fr., Ainsi parlait Zarathoustra, IV, 9.
- 4 ↑ Nietzsche, Fr., Fragments posthumes, printemps 1888, 14 [188].
- 5 ↑ Ibid., été 1886 - automne 1887, 5 [71].
- Voir aussi : Long, A., Sedley, D., les Philosophes hellénistiques, t. 2, chap. 52, Paris, 2001.