Hillary Clinton
née Rodham
Femme politique américaine (Chicago 1947).
1. Républicaine devenue démocrate
Venue d'un milieu conservateur de la banlieue de Chicago, méthodiste fervente et appliquée, Hillary Rodham entreprend des études à la prestigieuse université pour femmes Wellesley. Militante républicaine impliquée dans les campagnes de son parti, elle se préoccupe également des droits civiques et s'engage contre la guerre du Viêt Nam avant de rompre définitivement avec sa famille politique à l'issue de la nomination comme candidat à l'élection présidentielle de 1968 de Richard Nixon. Entrée à la très cotée École de droit de Yale, elle rencontre Bill Clinton, avec lequel elle emménage. Avocate brillante et prometteuse, elle fait partie en 1974 du staff de la Chambre des représentants chargé de la préparation de la procédure d'impeachment du président. L'année suivante, révisant à la baisse ses ambitions de carrière personnelle, elle épouse B. Clinton qu'elle suit en Arkansas pour l'épauler dans son ascension politique. Leur unique enfant, Chelsea, naît en 1980. Tandis que son mari devient gouverneur en 1978, elle enseigne le droit à l'université tout en plaidant comme avocate dans une grande firme de Little Rock. Première dame de l'Arkansas de 1979 à 1981 puis de 1983 à 1992, elle ne se contente pas de son rôle d'épouse du chef de l'exécutif local mais poursuit ses activités privées et s'investit aussi dans les questions politiques relatives à la famille, à l'enfance, et à l'éducation, œuvrant notamment à une réforme des conditions d'enseignement à l'échelle de l'État.
2. Première dame des États-Unis
Très active dans la campagne pour l'élection présidentielle de 1992, elle sauve la candidature de son mari aux débuts des primaires lorsqu'éclate à propos de ce dernier un premier scandale (Gennifer Flowers) d'affaire extra-conjugale. Finalement investi par son parti, celui-ci promet aux Américains qu'avec Hillary et lui, ils auront « deux (présidents) pour le prix d'un ». Confirmation une fois la victoire acquise : la nouvelle Première dame des États-Unis se voit confier des missions politiques, en particulier la conception d'un ambitieux plan de réforme de l'assurance-santé, que, faute de compromis, le Congrès enterre en 1994. Passé cet échec majeur, son influence se fait plus discrète, mais non moins certaine, notamment sur les sujets concernant les femmes, les enfants, ou la famille, à l'échelon national comme sur le plan international, puisque par ailleurs H. Clinton multiplie les déplacements à l'étranger. Objet d'enquête pour son rôle dans les affaires (Whitewater et Travelgate de 1993) qui suivent le couple, celle que certains parmi ses détracteurs surnomment « Lady Macbeth » se montre officiellement solidaire de son époux dans les scandales sexuels (Paula Jones puis Monica Lewinsky) qui l'affectent, dénonçant au passage l'acharnement de milieux de droite qui détestent ce que tous deux représentent, à savoir les baby-boomers progressistes.
3. Sénatrice de l'État de New York
Remportant confortablement (55 %) à l'automne 2000 – il est vrai après la défection de son adversaire désigné, Rudolph Giuliani, mais malgré des accusations lancinantes de parachutage –, l'un des deux sièges de l'État de New York au Sénat en remplacement de celui occupé par Patrick Moynihan (paradoxalement l'un des artisans de la mort de son projet d'assurance sociale), H. Clinton devient la première Première dame des États-Unis à être élue à un poste officiel. Elle est facilement confirmée dans ces nouvelles fonctions en 2006 (avec plus de 67 % des voix).
Connue pour son engagement féministe et ses idées libérales, elle opère un recentrage politique, conforme au profil de sa circonscription, mais aussi dans la perspective d'une candidature à l'élection présidentielle de 2008, à laquelle elle songe régulièrement depuis au moins 2003. À ce titre, elle vote en faveur de l'intervention américaine en Afghanistan puis, un an plus tard, à l'automne 2002, apporte sa voix au blanc-seing donné par le Congrès au président George W. Bush pour l'utilisation de la force en Iraq – non sans regretter ce geste ensuite et laisser entendre que les données fournies destinées à ce sujet avaient été sciemment manipulées. Il n'empêche : dans la haute assemblée et au sein du microcosme washingtonien, elle se fait rapidement remarquer par la solidité de sa connaissance des dossiers.
4. Candidate à l'élection présidentielle de 2008
C'est sur ces bases qu'Hillary Clinton fait connaître à la fin janvier 2007 son intention de participer aux primaires démocrates pour l'élection présidentielle de 2008. Très vite, son « expérience » la fait se détacher des autres prétendants, au point de devenir la candidate « naturelle » du parti et, significativement, la première femme à pouvoir prendre la tête de la République. Mais à mesure que la campagne avance, ces atouts pâlissent au regard du « changement » promis et incarné par celui qui apparaît de plus en plus comme son concurrent principal, Barack Obama.
Arrivée troisième dans le caucus de l'Iowa qui lance la saison des primaires au début de janvier 2008, elle est remise en selle par sa victoire consécutive dans le New Hampshire, point de départ d'une lutte acharnée et haletante entre les deux challengers qui ne prend fin qu'en juin, quand, forte des quelque 18 millions de voix rassemblées derrière son nom, elle décide de jeter le gant la tête haute et de soutenir la candidature de B. Obama. Une fois élu à la présidence en novembre, celui-ci la nomme à la tête du prestigieux Département d'État, faisant d'elle la première ancienne Première dame à faire partie du cabinet présidentiel.
5. Secrétaire d'État des États-Unis
Une fois installée dans ses nouvelles fonctions, H. Clinton nomme respectivement George Mitchell et Richard Holbrooke, deux vétérans des missions internationales, émissaires spéciaux pour le Proche-Orient et la région Af-Pak, signifiant par là les priorités diplomatiques de la nouvelle administration. À ce titre, et malgré les réticences du vice-président Biden, elle convainc B. Obama d’accentuer l’effort militaire en Afghanistan. Son premier déplacement à l’étranger la conduit par ailleurs en Asie, confirmant l’importance de cette région pour les États-Unis et notamment celle des relations qu’ils entretiennent avec la Chine (au point d’entériner l’idée d’un G 2) – même si, plus tard (janvier 2010), elle condamne la censure qui règne dans certains pays à propos d’Internet.
Multipliant les rencontres à l’étranger, et s’employant, de concert avec le président, à restaurer l’image des États-Unis dans le monde (médiation dans la crise politique du Honduras, aide à la conclusion d’un accord historique entre la Turquie et l’Arménie en octobre 2009, etc.), elle n’en transforme pas moins le Département d’État de l’intérieur pour le rendre plus réactif et fait entendre davantage sa voix, notamment lors de l’affaire des fuites Wikileaks qu’elle réprouve (fin 2010) et du printemps arabe (début 2011) où elle n’hésite pas à changer de position, passant du soutien au fidèle allié, le président égyptien Moubarak, à l’acceptation de sa chute, et finalement se prononçant pour une intervention militaire en Libye sous couvert de l’ONU puis de l’OTAN (mais restant fort prudente s’agissant des événements en Syrie, au Yémen ou encore à Bahreïn).
Impuissante (comme l’ensemble de l’équipe Obama) à rouvrir les négociations israélo-palestiniennes, devant se résigner à voir les relations avec la Russie se tendre à nouveau à partir de la seconde moitié de 2011, appelée, en vain, à rétablir lien et confiance entre Washington et Islamabad après l’opération de liquidation d’O. Ben Laden par la CIA en mai 2011, elle œuvre activement et avec succès à l’assouplissement et à l’ouverture d’une des plus vieilles dictatures du globe, la Birmanie.
Ostensiblement en retrait, mais très active, elle sait se faire écouter de B. Obama et accrédite plus que jamais sa réputation de femme d’influence – en même temps qu’elle ne cesse de gagner en popularité, malgré son intention alors clairement affichée de ne plus chercher à briguer un mandat de président ni de se voir reconduire à son poste en cas de réélection du chef de l’exécutif. Bien qu’un temps donnée comme prétendante putative voire probable à la succession de l’hôte de la Maison-Blanche, elle confirme à la fin de 2012 sa décision de ne pas chercher à lui succèder ni de participer à la nouvelle équipe qu’il constitue après sa victoire de novembre. Désireuse en effet de prendre du champ et de se remettre de récents problèmes de santé, elle laisse dès lors à John Kerry les clés du secrétariat d’État où elle s’est illustrée.
6. L'ultime campagne
Laissant longtemps planer le doute sur ses véritables intentions et capacités, mais portée par une réelle popularité et le soutien d’importants donateurs, elle revient progressivement dans l’arène politique et finit par déclarer sa candidature à la primaire démocrate en avril 2015, bien décidée à devenir la première femme président des États-Unis en même temps que le porte-voix des classes moyennes oubliées de la reprise. Toutefois, les suites de l’enquête parlementaire sur les attaques anti-américaines à Benghazi et la mort de l’ambassadeur américain en Libye le 11 septembre 2012, ainsi que les révélations consécutives sur l’utilisation, contre toute règle publique, de son compte mail privé dans ses fonctions de secrétaire d’État puis le nettoyage ultérieur de ce serveur personnel écornent son image et réexhument le parfum de scandale, d’ambiguïté et d’opacité associé au nom des Clinton. En outre, très liée à l’appareil du parti et aux grands lobbys qui l’appuient, en particulier les grandes banques de New York, elle se voit reprocher son positionnement « establishment » et souffre bientôt de la faveur qui entoure rapidement chez les jeunes et les plus militants celui qui devient à l’été son grand rival à gauche, le sénateur indépendant et auto-proclamé socialiste Bernie Sanders.
De fait, celui-ci la talonne de quelques voix seulement au début de février 2016 dans le caucus de l’Iowa qui ouvre la saison des primaires, puis la devance très nettement dans le New Hampshire, avant de faire longtemps jeu quasiment égal avec celle que le parti cherche pourtant à imposer comme sa candidate officielle. Il faut attendre juin pour qu’elle obtienne une majorité de délégués à la convention démocrate et que B. Sanders jette l’éponge pour officialiser son ralliement. H. Clinton devient dès lors la première femme d’une grande formation américaine à briguer la présidence et pouvoir légitimement espérer la décrocher. Si, à l’issue de cette longue et intense bataille interne, elle infléchit quelque peu vers la gauche son programme très modéré, sa réorientation ne convainc pas le gros des troupes, galvanisées par le discours progressiste du sénateur du Vermont, et n’efface pas, bien au contraire, l’image négative qui lui est désormais en partie à nouveau accolée.
À l’été, son adversaire républicain, D. Trump, a donc beau jeu de vitupérer ces défauts, réels ou supposés, et de capitaliser sur la défiance qu’elle peut inspirer, quand elle, de son côté, utilise le caractère insaisissable de la personnalité de son challenger, l’hétérodoxie de ce qui lui tient lieu de programme, et les vagues de protestation que suscitent nombre de ses propos, pour transformer le scrutin en référendum sur la légitimité de ce dernier. Portée par des sondages favorables, une presse écrite vent debout contre son rival, des confrontations concluantes lors des débats télévisés et, entre autres, le soutien d’un couple Obama redevenu fort populaire, appuyée par des moyens considérables et une logistique rodée, elle pâtit néanmoins du soupçon entretenu sur son intégrité et sa santé, d’un manque de charisme manifeste, d’une stratégie de campagne trop ciblée contre son concurrent et sur des catégories bien déterminées d’électeurs, au détriment de la prise en compte des aspirations, insatisfactions et inquiétudes générales. Les fuites du staff démocrate orchestrées par des pirates informatiques identifiés comme russes, au même titre que les ultimes rebondissements de l’affaire de sa boîte mail privée portent un coup fatal à la dynamique qui se dessine enfin au cours du mois d’octobre ; ils comptent sans doute pour beaucoup dans l’échec final, aussi inattendu que cruel : avec près de 3 millions de voix de plus que D. Trump à l’échelle du pays, H. Clinton trébuche de peu dans les États pivots, rate plus nettement la majorité au collège électoral, et ne réalise pas son rêve de succéder à B. Obama, de pérenniser son héritage, et de crever le dernier « plafond de verre. »
Pour en savoir plus, voir l'article États-Unis : vie politique depuis 1945.