Prince Rogers Nelson, dit Prince

Chanteur, multi-instrumentiste, compositeur et producteur de funk américain (Minneapolis, Minnesota, 1958-Chanhassen, Minnesota, 2016).

Quel est le point commun entre Joey Coco, Jamie Starr, Christopher et Love Symbol ? Ne cherchez pas, c'est le même homme : « l'artiste jadis connu sous le nom de Prince », formule sous laquelle il aimait, il y a encore peu, à se faire désigner. Car Prince — il faut bien l'appeler par son vrai prénom — adore autant les sobriquets qu'il déteste les étiquettes. On a tenté d'en coller plusieurs sur sa musique, techno, soul, funk, rock, new jack, etc. On lui a même trouvé une kyrielle d'inspirateurs, de Charlie Chaplin (pour la silhouette) à Jimi Hendrix (pour la guitare), de James Brown (pour les entrechats) aux Beatles (pour les mélodies), en passant par Little Richard (pour l'androgynie) et Sly Stone (pour la fusion musicale). Mais force est de reconnaître que le bonhomme est unique.

Génie musical. Rendons à Prince ce qui lui appartient : un prolixe génie musical, une rare maîtrise de sa carrière, un talent inné de provocateur. Ajoutons à cela un showman spectaculaire, un musicien virtuose et un chanteur hors du commun… Prince Roger Nelson, c'est donc son vrai nom, est né et a vécu à Minneapolis. Son père, John Nelson, était pianiste et compositeur de jazz. Sa mère, Matti, métisse à la peau claire, était chanteuse. Il a treize ans quand ses parents divorcent. Il s'installe alors chez un copain de lycée, André Anderson, dit Cymone. Avec lui, il fonde son premier groupe, Grand Central, rebaptisé Champagne en 1974. Parallèlement, Prince passe tout son temps libre dans un studio d'enregistrement que lui prête le nommé Chris Moon, un Anglais installé à Minneapolis. En échange, il met en musique les textes de Moon. C'est là, après force nuits blanches, qu'il apprend seul les rudiments de la technique d'enregistrement et se met à jouer d'une dizaine d'instruments. Il a à peine vingt ans quand sort son premier disque, For You. Fait rare pour un artiste débutant, Prince a exigé et obtenu un contrôle total sur son enregistrement : il le produit lui-même et y joue de tous les instruments. La chanson Soft And Wet (paroles de Moon) obtient un petit succès encourageant. Le deuxième album, sans titre, confirme en octobre 1979 tous les espoirs avec le hit I Wanna Be Your Lover. Prince adopte alors une image ouvertement sexuelle et délibérément provocatrice. En bikini, bas résille et imperméable de satyre, il chante des odes à la masturbation ou à l'inceste. C'est en cet équipage qu'il se produit sur scène pour promouvoir son nouvel album au titre explicite, Dirty Mind … et prend un bide à Paris, au Palace, devant une poignée de spectateurs égarés. Le quatrième album, Controversy, paraît en octobre 1981. C'est l'époque où Prince commence à multiplier ses activités, en composant et produisant d'autres groupes et artistes, de préférence des créatures sexy, sur lesquels il appose sa griffe princière : The Time (où l'on retrouve Morris Day, ex-batteur de Champagne), Vanity 6, remplacée par Appollonia 6, The Family, puis plus tard Jill Jones, Taja Sevelle ou Dale. Son propre orchestre se nomme désormais The Revolution et comprend des musiciens mixtes et spectaculaires, comme la batteuse-chanteuse Sheila E., le duo guitare-claviers Wendy Malvoin et Lisa Coleman — elles enregistreront par la suite des disques — ou le claviériste Dr Fink.

Exploration. Le double album 1999, sorti en octobre 1982, renferme le premier véritable tube du héros, la chanson Little Red Corvette. Mais c'est avec le film Purple Rain et sa bande-son que Prince rencontre enfin un succès mondial, en été 1984 : une épopée à sa gloire, vaguement autobiographique, tournée dans le style des films de Presley et réalisée par Albert Magnoli. Prince, star du septième art ? Malgré plusieurs récidives (Under The Cherry Moon, une comédie musicale en noir et blanc, ou Graffiti Bridge, sorte de remake de Purple Rain accompagné d'un double album du même nom), le citoyen pourpre de Minneapolis ne réussira jamais à se faire prendre au sérieux comme comédien. L'acteur, c'est sur scène qu'il le fait le mieux. La preuve, le film Sign O'The Times, témoignage de sa grandiose tournée et du disque (tout aussi mémorable) du même nom. Entre-temps, Prince a publié deux albums, Around The World In A Day et Parade (avec le single Kiss), dans lesquels il explore toutes les palettes d'un funk-rock psychédélique baroque et bigarré. Le disque suivant, Lovesexy, marque les penchants du compositeur pour une musique plus ambitieuse, lorgnant du côté de Miles Davis, de Frank Zappa ou de Carlos Santana, sa véritable idole guitaristique. Prince aime le pouvoir et le mystère. Depuis ses somptueux studios de Paisley Park, une véritable forteresse multimédia qu'il s'est fait construire dans les environs de Minneapolis, il règne sur une armée de musiciens, techniciens, ingénieurs du son, costumiers, etc., tel un suzerain maniaque et omniprésent. Sa pseudo-rivalité avec Michael Jackson, ses conquêtes féminines, qu'on prétend aussi nombreuses que les chansons inédites qui dorment dans ses coffres-forts, entretiennent la légende. D'autant qu'il n'accorde que de rarissimes interviews. Le Black Album, un disque mythique que l'auteur fera retirer immédiatement de la vente en raison de problèmes avec sa maison de disques, battra avant d'être réédité des records de vente en édition pirate. Pas comme la B.O. du film Batman, qu'il signe de son nom, bien qu'on entende peu de sa musique dans le long-métrage.

« Love symbol ». Toujours en raison de problèmes contractuels, Prince déclare un jour que désormais il ne veut plus qu'on l'appelle Prince et se choisit en guise d'état civil une sorte de signe imprononçable qui mêle les symboles de la féminité et de la masculinité (le « love symbol »). Avec son nouveau groupe The New Power Generation, qui comprend la chanteuse Mavis Stapple, il publie sous des labels différents plusieurs disques inégaux (Diamonds And Pearls en 1991, Come en 1994, ou The Gold Experience en 1995), tournant toujours autour de ses thèmes de prédilection, Dieu, le sexe, le futur. Et obtient encore quelques tubes avec Cream et The Most Beautiful Girl In The World.

En novembre 1996, Prince signe son œuvre la plus ambitieuse depuis Sign O'The Times : Emancipation, album de trois CD, se présente comme un kaléidoscope musical totalement flamboyant. Aux dernières nouvelles, notre super-Éros a convolé en justes noces avec sa choriste-danseuse Mayté. Le fluet souverain du funk, quelle que soit la façon dont on le nomme, n'a nullement l'intention de quitter son trône. Un jour, notre Prince reviendra.

Prince décède le 21 avril 2016 à Paisley Park, son complexe de studios d'enregistrements près de sa ville natale de Minneapolis.

Prince, interview
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