Viktor Fedorovytch Ianoukovytch ou Viktor Fedorovitch Ianoukovitch

Homme d'État ukrainien (Ienakiieve, oblast de Donetsk, 1950).

1. Chef de file des conservateurs russophones

Fils d’un mécanicien et d’une infirmière décédée deux ans après sa naissance, il connaît une enfance difficile, entachée par deux séjours en prison pour cambriolage et coups et blessures à la fin des années 1960. Entré à l’usine comme ouvrier, il occupe différents postes de direction dans la région de Donetsk jusqu’en 1996, avant de se lancer dans les affaires publiques.

Gouverneur de Donetsk (1997-2002), Premier ministre depuis novembre 2002, il élu à la présidence du parti des Régions – formation considérée comme pro-russe, majoritaire dans l’est du pays où son électorat est russophone – en 2003.

2. Candidat malheureux à l'élection présidentielle de 2004

V. Ianoukovitch se présente, avec le soutien du Kremlin soucieux de préserver ses intérêts dans la République slave voisine, à l'élection présidentielle de 2004. Il devance de quelques points le candidat de l’opposition, réformateur partisan de l'intégration de l'Ukraine à l'Union européenne, Viktor Iouchtchenko, au deuxième tour, le 31 novembre. L'allégation de fraude électorale massive dans l'Est ukrainien confirmée par les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), provoque le refus de son adversaire et de ses partisans d'accepter les résultats. Ce refus donne le signal aux manifestations de masse de l'opposition qui prennent le nom de « révolution orange ».

À l'issue de la répétition du deuxième tour de l'élection, le 26 décembre, sous la surveillance de plus de 12 000 observateurs internationaux, V. Ianoukovitch est alors battu par son adversaire qui obtient 51,9 % des voix contre 44,2 % ; il tente de faire invalider le résultat avant de concéder sa défaite durant l'hiver sous la pression conjointe de la Cour suprême et de la rue, puis quitte son poste de Premier ministre (janvier 2005).

3. En lutte contre les orangistes

Ayant retrouvé son fauteuil vingt mois plus tard (août 2006), après la victoire de son parti aux élections législatives de mars, et disposant de 260 députés (sur 450) à la Rada, il cherche à constituer une majorité des deux tiers nécessaire pour entamer une procédure de destitution du président. Ce dernier dissout la Rada (2 avril 2007). Après avoir qualifié d'« anticonstitutionnel » le décret présidentiel de dissolution, V. Ianoukovitch finit par accepter le principe d'élections législatives anticipées (30 septembre 2007), à l'issue desquelles, malgré la victoire du parti des Régions, c'est Ioulia Tymochenko, sa rivale, qui est désignée (6 décembre) pour diriger la nouvelle coalition de gouvernement, Bloc d'Ioula Tymochenko (BIOUT) et Notre Ukraine-Autodéfense patriotique (NU-AP).

4. La revanche

Derechef leader de l'opposition, V. Ianoukovitch obtient sa revanche sur les « orangistes » en étant élu, le 7 février 2010, à la tête de l'État avec 48,9 % des suffrages devant I. Tymochenko (45,4 %).

Son élection et la conclusion de l’accord de Kharkiv (avril 2010) qui prévoit une réduction de 30 % sur le prix du gaz pour les dix ans à venir en échange d’une prolongation, jusqu’en 2042, de la location par la Russie de la base navale de Sébastopol (Crimée), permettent un certain apaisement des tensions avec Moscou, qui étaient récurrentes sous la présidence Iouchtchenko.

Mais V. Ianoukovytch ne renonce pas pour autant à la poursuite du dialogue et de la coopération avec l’Union européenne : l'intégration de l'Ukraine dans l'UE reste officiellement l’objectif prioritaire et les négociations entamées en 2007 pour la conclusion d’un nouvel accord d’association et la création d’une zone de libre-échange progressent. L'approfondissement des liens entre Kiev et Bruxelles est toutefois compromis par l’évolution politique interne du pays.

5. La dérive autoritaire et la chute

Le renforcement des pouvoirs présidentiels au détriment de ceux du Parlement, les multiples procédures judiciaires lancées contre les représentants de l’opposition (notamment Ioulia Tymochenko) ou encore l’accroissement du contrôle des médias par le pouvoir témoignent d’un recul de la démocratie dans le pays depuis l’arrivée au pouvoir de V. Ianoukovytch.

Sa décision en novembre 2013 de suspendre finalement la signature de l’accord d’association avec l’Union européenne au profit d’un rapprochement avec la Russie déclenche un vaste mouvement de protestation. L’accord signé avec V. Poutine le 17 décembre qui prévoit une importante aide financière et une réduction du tarif gazier doit permettre à l’Ukraine de parer au plus pressé pour affronter la profonde crise économique que traverse le pays ; mais, accusé par l’opposition de s’être « vendu » à Moscou, le président voit son pouvoir fortement ébranlé. Engageant une épreuve de force avec les manifestants tout en semblant leur accorder des concessions, il est finalement lâché par une partie de son camp. Déclaré par une large majorité de députés dans l’incapacité d’assumer ses fonctions alors qu’il a quitté la capitale, il est ainsi destitué de fait par le Parlement le 22 février 2014.

Pour en savoir plus, voir l'article Ukraine : vie politique depuis 1991.