Ukraine : vie politique depuis 1991

La C.E.I. (Communauté d'États indépendants)
La C.E.I. (Communauté d'États indépendants)

1. L'Ukraine à nouveau indépendante

1.1. Leonid Kravtchouk (1991-1994)

L'indépendance ne devient effective qu'à l'issue d'un référendum, qui se tient le 1er décembre 1991 et qui recueille 90,3 % de « oui ». Organisée le même jour, l'élection présidentielle est remportée par Leonid Kravtchouk, qui a entre-temps quitté le parti communiste, et qui obtient 61,6 % des voix. À partir de 1992, en raison de l'absence de stratégie cohérente de réformes, l'économie ukrainienne sombre rapidement sous les coups de l'hyperinflation et de la chute de la production. La montée de la pauvreté et la baisse considérable du niveau de vie provoquent de graves mécontentements sociaux.

Des élections anticipées sont rendues inévitables par l'obstruction parlementaire et la crise économique. Elles aboutissent à la victoire de l'ancien Premier ministre (octobre 1992-septembre 1993) Leonid Koutchma, qui est élu en juillet 1994 avec 52 % des suffrages sur un programme électoral qui prône un resserrement des liens, notamment économiques, avec la Russie et les pays de l'ex-URSS, programme qui lui vaut le soutien de la plupart des Russes résidant dans les régions orientales et méridionales du pays.

1.2. Leonid Koutchma (1994-2004)

Le président Leonid Koutchma met en place une stratégie active de réformes économiques et lance un plan de stabilisation, soutenu par le FMI. Cependant, les réformes se heurtent à l'opposition du Parlement (Verkhovna Rada), renouvelé au printemps 1994 et dont la majorité est conservatrice. L. Koutchma renforce alors ses pouvoirs grâce à l'adoption, en juin 1996, d'une nouvelle Constitution. Le succès du plan de stabilisation et l’introduction réussie d'une nouvelle monnaie – la hrivna (en remplacement du karbovanets) – permettent d'enrayer la crise économique mais n'annoncent toutefois pas la reprise. L'économie du pays stagne en raison de la lenteur des réformes structurelles (privatisations, réforme fiscale, réorganisation de l'administration) auxquelles le Parlement, dont la majorité conservatrice s'est renforcée suite aux élections législatives de mars 1998, s'oppose.

La crise financière russe d'août 1998 a des répercussions néfastes sur la fragile économie ukrainienne qui replonge dans le marasme. Des réformes en profondeur s'imposent mais la perspective de l'élection présidentielle de l'automne 1999 ne crée pas des conditions propices à l'adoption de mesures nécessaires pour l'amélioration de la situation économique du pays.

Réélu à la présidence de l'Ukraine en novembre 1999 avec 56,2 % des suffrages face au candidat communiste, Piotr Simonenko (soutenu par 37,8 % des électeurs), L. Kouchtma parvient à faire avaliser par le Parlement la candidature de Viktor Iouchtchenko, économiste réformateur et ancien gouverneur de la Banque nationale d'Ukraine, à la tête du gouvernement en décembre 1999. Les réformes économiques reprennent et contribuent au redémarrage de la croissance à partir de 2000. Le conflit qui oppose les députés et le président ne s'apaise pas pour autant : L. Koutchma fait approuver, en avril 2000, par référendum à caractère consultatif une réforme constitutionnelle renforçant ses pouvoirs au détriment de ceux du Parlement. Le Conseil de l'Europe met en doute la légalité du scrutin.

1.3. La politique étrangère ukrainienne

Depuis son indépendance, l'Ukraine exprime sa volonté de mener une politique étrangère « multivectorielle » visant un équilibre entre un ancrage européen et des relations de bon voisinage avec la Russie.

L'intégration aux structures européennes et euro-atlantiques fait partie des priorités des dirigeants ukrainiens depuis le début des années 1990. La relation entre l'Ukraine et l'Union européenne se développe dans le cadre de l'Accord de partenariat et de coopération signé en juin 1994 (entré en vigueur en 1998). En avril 1996, L. Koutchma annonce que l'objectif de son pays est l'adhésion, à terme, à l'UE. L'Ukraine se rapproche de l'OTAN dès 1994 en participant au programme de coopération appelé « Partenariat pour la Paix ». Les relations s'intensifient avec la signature en juillet 1997 de la « Charte de partenariat spécifique » et l'établissement de la Commission OTAN-Ukraine. Après avoir soutenu l'élargissement à l'est de l'organisation en 1999, L. Koutchma affirme, en mai 2002, que l'objectif de l'Ukraine est une intégration pleine et entière à l'OTAN.

Sur le plan militaire, l'Ukraine, héritière d'un arsenal nucléaire important décide d’y renoncer en le restituant à la Russie ou en le détruisant : en décembre 1994, accédant comme État dénucléarisé au traité de non-prolifération (TNP) l’Ukraine signe avec la Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni le mémorandum de Budapest, par lequel ces derniers s’engagent notamment à respecter l’indépendance et l’intégrité territoriale du pays. Signataire du traité START I, l'Ukraine achève le démantèlement de ses lanceurs de missiles en 2001.

Membre-fondateur de la Communauté des États indépendants (CEI), l'Ukraine cherche, depuis l'indépendance, à améliorer ses relations avec la Russie. Au lendemain de la chute de l'URSS, deux questions centrales font obstacle au dialogue entre les deux pays : le statut de la Crimée et le partage de la flotte de la mer Noire dont la principale base navale se situe à Sébastopol. La question de la péninsule de Crimée, rattachée à l'Ukraine en 1954 par Nikita Khrouchtchev, majoritairement peuplée de Russes, cristallise les enjeux géopolitiques qui président aux relations entre les deux pays. Acceptant mal l'idée que la Crimée, territoire que beaucoup en Russie considèrent comme historiquement russe, puisse désormais être en terre étrangère, le Parlement remet en cause en 1992 et en 1993 l'appartenance de la péninsule et de la ville de Sébastopol à l'Ukraine. Lié au litige concernant le sort de la flotte de la mer Noire que la Russie refuse de céder à l'Ukraine, le contentieux provoque de graves tensions diplomatiques au début des années 1990. De 1992 à 1995, les négociations organisées afin de résoudre le problème de la flotte n'aboutissent à aucune solution durable. Ce n'est qu'en mai 1997 que sont signés trois grands accords sur le partage de la flotte de la mer Noire et sur la location pour vingt ans (jusqu'en 2017) du port militaire de Sébastopol à la Russie ainsi que le traité russo-ukrainien d'amitié, de coopération et de partenariat qui réaffirme la reconnaissance par la Russie des frontières de l'Ukraine.

L'accès à la présidence russe de Vladimir Poutine qui affiche sa volonté de renouer le dialogue avec les pays de la CEI, notamment avec l'Ukraine, entraîne un rapprochement entre les deux pays. Y contribuent également la grave crise politique interne que traverse l'Ukraine en 2000, la dégradation de l'image du pays et de celle de L. Koutchma dans les pays occidentaux. En novembre 2000, le président ukrainien est en effet impliqué dans le « scandale des cassettes » – des enregistrements sonores selon lesquels il aurait commandité l'assassinat, en septembre, d'un journaliste d'opposition, Gueorgui Gongadze – qui déclenche un fort mouvement de contestation populaire (« L'Ukraine sans Koutchma »), que le chef de l'État ne parvient pas à enrayer en dépit d'une série d'arrestations début 2001. En 2002, la communauté internationale accuse l'Ukraine d'avoir vendu des radars à l'Iraq, en violation de l'embargo de l'ONU. Affaibli sur la scène politique interne et internationale, L. Koutchma, dont le régime autoritaire, s'appuie sur un réseau d'oligarques liés en partie aux grands groupes énergétiques russes, cherche du soutien auprès de la Russie. En octobre 2000, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Boris Tarassiouk, jugé trop favorable à l'Occident, est limogé. Toute une série d'accords russo-ukrainiens portant notamment sur la coopération spatiale, aéronautique et énergétique est conclue en février 2001. En avril, à la suite de l'adoption par le Parlement d'une motion de censure, les forces politico-oligarchiques obtiennent la démission du Premier ministre, V. Iouchtchenko – qui avait lancé, depuis sa nomination en décembre 1999, plusieurs réformes remettant en cause leurs privilèges –, puis son remplacement par l'un des leurs, Anatoli Kinakh, dirigeant de l'Union des industriels et des entrepreneurs ukrainiens (mai).

En février 2003, les présidents de Russie, Ukraine, Biélorussie et Kazakhstan concluent un accord de principe portant sur la création d'un « espace économique commun ». Mais le rapprochement russo-ukrainien du début des années 2000 est sérieusement entamé à l'automne 2003 suite à l'affaire de Touzla, petite île situé dans le détroit de Kertch (entre la mer d'Azov et la mer Noire). L'initiative russe de construire une digue afin de relier la presqu'île de Taman (Russie) et l'île de Touzla (Ukraine) relance la question des frontières et provoque une grave crise entre les deux pays. Face aux vives protestations des dirigeants ukrainiens, les autorités russes finissent par suspendre la construction de la digue mais obtiennent, selon l'accord signé le 24 décembre par V. Poutine et L. Koutchma, que le détroit soit placé sous une juridiction commune.

2. La « révolution orange » et les tensions avec la Russie

C'est dans un contexte de menaces et d'intimidations à l'encontre des forces politiques de l'opposition que se tiennent les élections législatives du 31 mars 2002. Malgré une forte mobilisation de l'appareil administratif et le soutien de la Russie au bloc électoral pro-présidentiel, Pour une Ukraine Unie, le parti réformateur pro-occidental de l'ex-Premier ministre V. Iouchtchenko, Notre Ukraine, recueille le meilleur score (23,5 % des voix), mais il n'obtient que 112 sièges sur les 450 que compte la Rada. Aucune majorité viable n'étant sortie des urnes, les efforts pour former une coalition échouent.

L'opposition s'organise progressivement autour de l'alliance politique entre V. Iouchtchenko et Ioulia Tymochenko. Figure controversée en raison de son passé de femme d'affaires liée aux milieux des oligarques, cette dernière, qui avait participé au gouvernement Iouchtchenko en tant que vice-Premier ministre en charge du secteur énergétique, s'était alors distinguée en affrontant les clans oligarchiques proches du président. Depuis le limogeage de V. Iouchtchenko, la jeune femme incarne l'aile radicale de l'opposition et tente de convaincre l'ex-Premier ministre de prendre la tête de l'opposition en vue de l'élection présidentielle d'octobre 2004. Ses efforts aboutissent au printemps 2004 à un accord entre la coalition Notre Ukraine et le Bloc Ioulia Tymochenko (BIOUT).

Au terme d'une campagne électorale émaillée d'évènements troublants (dont le mystérieux empoisonnement qui laisse défiguré le candidat de l'opposition), le premier tour de l'élection présidentielle oppose, le 31 octobre, V. Iouchtchenko au Premier ministre, Viktor Ianoukovytch, candidat du pouvoir soutenu par le Kremlin. Marqué par des irrégularités dénoncées par les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le scrutin donne une légère avance à V. Iouchtchenko (39,9 % des voix contre 39,2 % à son rival). Au second tour, le 21 novembre, les sondages de sortie des urnes enregistrent un résultat radicalement différent du décompte officiel des voix, qui donne 3 % d'avance à V. Ianoukovytch. L'allégation de fraude électorale massive dans l'Est ukrainien, bastion de V. Ianoukovytch, confirmée par les observateurs de l'OSCE, provoque le refus de V. Iouchtchenko et de ses partisans d'accepter les résultats. Ce refus donne le signal aux manifestations de masse de l'opposition qui prennent le nom de « révolution orange ».

Le 24 novembre, l'Union européenne et l'OTAN se prononcent pour la révision du scrutin mais la Commission électorale centrale d'Ukraine annonce officiellement la victoire de V. Ianoukovytch (49,4 % contre 46,6 % à son opposant). Les États-Unis ne reconnaissent pas ces résultats ; la Russie manifeste son soutien inconditionnel à V. Ianoukovytch et le félicite de sa victoire. L'investiture du gagnant est toutefois reportée sine die en raison de la plainte déposée par V. Iouchtchenko devant la Cour suprême d'Ukraine.

Sous la pression de plusieurs centaines de milliers de manifestants regroupés sur la place de l'Indépendance à Kiev, de l'accumulation des preuves d'irrégularités entachant le scrutin et du climat de tension grandissant entre d'une part les États-Unis et les pays européens, favorables à un nouveau scrutin, et d'autre part, une Russie mécontente de l'implication des Occidentaux dans la crise, la Cour suprême décide d'invalider le second tour. À l'issue de la répétition du deuxième tour de l'élection, le 26 décembre, sous la surveillance de plus de 12 000 observateurs internationaux, V. Iouchtchenko l'emporte avec 51,9 % des voix devant V. Ianoukovytch (44,2 %), qui tente en vain de faire invalider le résultat.

2.1. L'ère Iouchtchenko

Déclaré vainqueur le 20 janvier 2005, V. Iouchtchenko et son gouvernement formé par I. Tymochenko, font face à d'immenses défis : engager de profondes réformes économiques et sociales pour mettre l'Ukraine – dont un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté – sur le chemin du développement ; lutter contre la corruption et les pratiques opaques des milieux d'affaires qui rongent l'économie ; restaurer l'unité du pays, qui doit par ailleurs trouver un équilibre entre ses deux voisins, l'Europe et la Russie.

Soudé contre le régime précédent, le mouvement « orange » est loin d'être un bloc homogène, et les premières fissures ne tardent pas à apparaître. Dès janvier 2005, la question des « reprivatisations » des entreprises d'État acquises à bas prix, notamment par l'entourage de L. Koutchma, provoque un différend entre le gouvernement qui estime que 3 000 entreprises doivent être reprivatisées et le président qui n'en compte qu'une dizaine. L'entourage de V. Iouchtchenko est ensuite accusé par I. Tymochenko de corruption, notamment P. Porochenko, l'un des hommes d'affaires les plus fortunés d'Ukraine, qui avait été nommé par le président à la tête du Conseil national de sécurité. Alors que le pays est entré dans une phase de ralentissement de la croissance, cette lutte de clans bloque l'action du gouvernement, qui est limogé (tout comme le chef du Conseil national de sécurité) en septembre 2005. Pour obtenir l'investiture parlementaire de son nouveau Premier ministre, Iouryï Iekhanourov, V. Iouchtchenko doit négocier un compromis avec le parti des Régions de V. Ianoukovytch et s'engage, notamment, à étendre la loi d'amnistie aux membres des commissions électorales coupables de manipulations au profit de V. Ianoukovytch en 2004. Par ailleurs, il offre à l'opposition la direction d'une commission spéciale sur la privatisation et la lutte contre la corruption. L'investiture de I. Iekhanourov, obtenue grâce au soutien des députés du parti des Régions, conforte ce dernier.

Aux élections législatives de mars 2006, le parti des Régions obtient 32,1 % des suffrages devant le Bloc Ioulia Tymochenko (BIOUT, 22,2 %), le parti présidentiel Notre Ukraine étant relégué en troisième position avec 13,9 % des voix. Forte de son bon score, I. Tymochenko envisage de revenir au gouvernement. Une coalition gouvernementale « orange », difficilement mise en place après de longues négociations, éclate à nouveau le 6 juillet, jour de l'élection du chef du parti socialiste à la tête de la Rada avec l'aide de l'opposition. Ce rapprochement entre le chef du parti socialiste et le parti des Régions alliés aux communistes fait basculer la majorité à la Rada. V. Ianoukovytch est nommé à la tête d'une nouvelle coalition gouvernementale en août 2006.

Une crise ouverte éclate entre les différentes composantes politiques incapables de coopérer entre elles. En janvier 2007, le ministre des Affaires étrangères Boris Tarassiouk – un proche du président et partisan de l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN – est limogé par le chef du gouvernement. Selon la Constitution, la nomination du chef de la diplomatie relève du président, mais elle doit être approuvée par la Rada. Or, cette dernière refuse d'entériner le choix du président du successeur de Tarassiouk. En mars, le « débauchage » par la majorité parlementaire de 11 députés venant du parti présidentiel Notre Ukraine et du BIOUT ouvre une nouvelle crise. Par ce procédé anticonstitutionnel, le parti des Régions cherche à augmenter ses effectifs à la Rada, afin de pouvoir passer outre les veto présidentiels, voire destituer le président.

Le 2 avril 2007, V. Iouchtchenko dissout la Rada et convoque des élections législatives anticipées. Le parti des Régions remporte le scrutin du 30 septembre avec 34,3 % des voix, suivi de près par le BIOUT, 30,7 % et par Notre Ukraine-Autodéfense patriotique (NU-AP, 14,1 %) du président Iouchtchenko. Après avoir évoqué l'éventualité d'une alliance avec le parti des Régions, V. Iouchtchenko charge les partis du « camp orange » (BIOUT et NU-AP) de négocier un nouvel accord de coalition. À l’issue de longues tractations, une coalition de gouvernement, dirigée par I. Tymochenko, est formée en décembre. Depuis mai 2008, une guerre fratricide oppose le président Iouchtchenko et son Premier ministre I. Tymochenko. Cette dernière accuse notamment la présidence de bloquer l'adoption de lois contre une inflation galopante ; V. Iouchtchenko la soupçonnant de collusion avec Moscou et de chercher à amender la Constitution dans le but d'instaurer un régime parlementaire.

2.2. Entre Russie et Occident

Le rapprochement de l'Ukraine vers les institutions euro-atlantiques connaît de timides avancées, contrariées par les aléas de la vie politique interne, la réticence de la population ukrainienne plutôt favorable à une adhésion à l'Union européenne mais majoritairement opposée à une entrée dans l'OTAN, et par l'hostilité de la Russie, pour laquelle le maintien d'une sphère d'influence sur les marches de son ancien empire demeure la priorité.

Le plan d'action conclu en 2005 dans le cadre de la Politique européenne de voisinage permet d'intensifier le partenariat UE-Ukraine mais n'offre pas de perspective d'adhésion.

La victoire des forces orangistes aux élections législatives du 30 septembre 2007 permet au président Iouchtchenko de relancer le projet d'adhésion à l'OTAN. Toutefois, au sommet de Bucarest (avril 2008), l'Ukraine et la Géorgie doivent se contenter d'une invitation à maintenir leur candidature au Plan d'action en vue de l'adhésion, décision qui n'est pas sans lien avec l'hostilité très forte que suscite en Russie une éventuelle intégration de ces deux pays à l'OTAN.

Fin 2005, usant de l'arme énergétique que constitue l'approvisionnement en gaz, Moscou tente d'imposer à Kiev un quintuplement de ses tarifs et, face au refus ukrainien, suspend ses livraisons pendant plusieurs jours. Finalement, en vertu de l'accord du 4 janvier 2005, elle obtient, en contrepartie du doublement de son tarif, que l'Ukraine la reconnaisse comme son fournisseur exclusif. Outre les différends gaziers, la présence de la flotte russe de la mer Noire en Crimée donne régulièrement lieu à des querelles entre Kiev et Moscou : le montant du loyer que la Russie verse à l'Ukraine et que cette dernière souhaite réviser à la hausse ainsi que le souhait des autorités ukrainiennes de voir la flotte russe quitter définitivement Sébastopol à l'expiration du bail en 2017 sont des sources de tensions entre les deux pays.

Le 16 mai 2008, après quinze années de négociations complexes, l'Ukraine devient le 152e membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Saluée par les pays membres, l'entrée de l'Ukraine à l'OMC suscite quelques craintes à Moscou. En adhérant avant la Russie, qui a présenté sa candidature elle aussi en 1993, l'Ukraine, avec laquelle Moscou doit désormais engager des négociations bilatérales comme avec tous les États-membres, pourrait tenter de freiner le processus d'adhésion russe. Des craintes que V. Iouchtchenko et I. Tymochenko se sont toutefois employés à apaiser, l'un comme l'autre indiquant que l'Ukraine ne bloquerait pas l'adhésion de la Russie malgré les différends commerciaux qui subsistent.

2.3. Les répercussions du conflit russo-géorgien

Le conflit russo-géorgien, qui éclate en août 2008, a d'importantes répercussions en Ukraine. En matière de politique intérieure, il provoque une nouvelle crise entre le président et le gouvernement ukrainiens. Fin août, I. Tymochenko est accusée par l'entourage de V. Iouchtchenko (qui soutient ouvertement la Géorgie) de « haute trahison » et de connivence avec la Russie en raison de sa prise de position, jugée trop souple et tardive, à l'égard des événements dans le Caucase.

Le 3 septembre, après le retrait de son parti, Notre Ukraine-Autodéfense patriotique (NU-AP) de la coalition « orange » pour protester contre l'adoption d'une série de lois facilitant la procédure de destitution du chef de l'État et réduisant ses pouvoirs au profit de ceux du gouvernement, le président Iouchtchenko dénonce un « coup d'État parlementaire » et menace de décréter des élections anticipées. Le 16, la coalition vole en éclat : I. Tymochenko exerce ses fonctions par intérim jusqu'à la formation d'un nouveau gouvernement et le président du Parlement démissionne (le 17). Le 9 octobre, le président dissout le Parlement, ouvrant la voie vers de nouvelles élections législatives anticipées fixées au 7 décembre, alors que sa popularité et celle de son parti, Notre Ukraine, sont au plus bas. Le 11 novembre, confronté au rejet par les députés de son projet de loi sur le financement des élections législatives anticipées, le président annonce le report de celles-ci en 2009. La crise politique prend temporairement fin le 9 décembre 2008 : alors que le pays est durement touché par la crise économique, le président Iouchtchenko et son Premier ministre I. Tymochenko décident de former une nouvelle alliance incluant également le petit parti libéral de Volodymyr Litvine, élu le même jour à la présidence du Parlement.

En matière de politique étrangère, les hostilités russo-géorgiennes exacerbent les tensions avec la Russie. Le soutien inconditionnel de V. Iouchtchenko à son homologue géorgien, Mikhaïl Saakachvili, la publication, le 10 août, d'un communiqué du ministère des Affaires étrangères ukrainien menaçant d'interdire le retour à Sébastopol des navires de la flotte russe de la mer Noire jusqu'au règlement du conflit et la promulgation, le 13 août, par le président Iouchtchenko d'un décret exigeant que l'Ukraine soit informée de toute manœuvre navale ou aérienne au moins 72 heures à l'avance suscitent de très vives réactions de la part de la Russie qui accuse à son tour l'Ukraine d'avoir livré des armes à la Géorgie avant le conflit.

Les événements dans le Caucase incitent l'Union européenne à renforcer ses liens avec l'Ukraine. Elle lui propose, lors du sommet UE-Ukraine qui se tient à Paris le 9 septembre 2008, de signer un accord d'association qui devrait être conclu en 2009 et qui doit remplacer l'Accord de partenariat et de coopération mis en œuvre en 1998. Le Partenariat oriental lancé par l'UE à Prague en mai 2009 vise à approfondir les relations politiques et économiques avec six pays de l'ex-URSS, dont l'Ukraine.

2.4. L'Ukraine dans l'impasse ?

Durant les premiers mois de 2009, l'Ukraine est à nouveau déstabilisée par des relations tendues avec la Russie et par une crise politique interne qui ne cesse de s'aggraver. Un nouveau différend gazier éclate en janvier 2009 entre Moscou et Kiev. En raison d'un conflit sur les prix du gaz pour 2009 et sur les arriérés de paiement, la Russie suspend le 1er janvier ses livraisons de gaz à sa voisine. Le 7, elle interrompt le transit vers les pays européens accusant l'Ukraine de siphonner le gaz qui leur est destiné. Après trois semaines de crise qui affecte lourdement les pays d'Europe orientale, privés de gaz, les livraisons reprennent le 20 janvier suite à la signature d'un accord entre les sociétés énergétiques des deux pays, Gazprom et Naftogaz. Le contrat, conclu pour une période de dix ans, prévoit que le prix du gaz acheté par l'Ukraine à Gazprom et le prix du transit payé par la Russie à l'Ukraine seront alignés sur les tarifs européens à partir de 2010. Un rabais de 20 % sur le prix du gaz est toutefois accordé à l'Ukraine pour 2009 en contrepartie de la non-augmentation du prix du transit payé par la Russie en 2008. Signé à Moscou en présence de I. Tymochenko et du Premier ministre russe, V. Poutine, l'accord est vivement critiqué par le président ukrainien, notamment parce qu'il entraîne un doublement du tarif payé par l'Ukraine. Soupçonnée de chercher l'appui de Moscou pour l'élection présidentielle qui doit avoir lieu début 2010, I. Tymochenko se voit également reprocher sa politique économique, le président Iouchtchenko n'hésitant pas à rendre le Premier ministre personnellement responsable de la crise qui frappe le pays.

Depuis le début de l'année 2009, les démissions ou destitutions s'enchaînent tant au sein du gouvernement que dans l'entourage du président ukrainien. Le 12 février, Viktor Pynzenyk, le ministre des Finances démissionne en raison de désaccords avec I. Tymochenko concernant la politique économique du pays. Le 3 mars, le Parlement vote la destitution du ministre des Affaires étrangères, Volodymyr Ogryzko, jugé responsable, entre autres, de la détérioration des relations avec la Russie. Le 12 mai, c'est au tour du ministre de l'Intérieur, Iouryï Loutsenko, de présenter sa démission suite à une altercation que lui et son fils auraient eue avec les forces de police de l'aéroport de Francfort (Allemagne) qui les auraient empêchés de monter à bord d'un avion en raison, selon la presse allemande, de leur état d'ivresse avancé. Le 19 mai, Viktor Baloga, chef de l'Administration présidentielle depuis septembre 2006, démissionne de ses fonctions en raison de désaccords avec le président ukrainien. En juin, le ministre de la Défense I. Iekhanourov est limogé pour cause de corruption et de malversations.

2.5. La revanche de Ianoukovytch

Lancée en octobre 2009, la campagne électorale se déroule sur fond de rivalité politique chronique entre le président sortant et le Premier ministre I. Tymochenko, de grave crise économique et de règlements de compte entre les principaux prétendants.

La course à la présidentielle débute par un scandale, le parti des Régions dirigé par V. Ianoukovytch accusant plusieurs membres de l’équipe de I. Tymochenko d’être impliqués dans des affaires de pédophilie et de viol.

En novembre, l’épidémie de grippe A/H1N1 qui se propage en Ukraine est instrumentalisée par les principaux candidats, les uns et les autres se reprochant mutuellement de ne pas avoir pris les mesures préventives appropriées ou de semer la panique au sein de la population à des fins électorales.

La question de la gestion de la crise financière qui frappe durement le pays (le PIB de l’Ukraine a chuté de 15 % en 2009) est une autre pomme de discorde entre les candidats à l’élection présidentielle.

Le président sortant V. Iouchtchenko, qui a déçu l’électorat ukrainien par ses promesses de réformes non tenues, ne récolte que 4,5 % des suffrages lors du premier tour du scrutin qui a lieu le 17 janvier 2010. Il est largement devancé par ses deux principaux rivaux, V. Ianoukovytch qui arrive en tête du premier tour avec 35,3 % des votes et I. Tymochenko qui se place en deuxième position avec 25 % des suffrages. À l’issue du second tour organisé le 7 février 2010, V. Ianoukovytch remporte l’élection de justesse avec 48,9 % des votes. Distancée de seulement quelques points, I. Tymochenko, soutenue par 45,4 % des électeurs, a du mal à accepter sa défaite. Son équipe de campagne juge le scrutin frauduleux, des allégations qui ne sont toutefois pas retenues par les observateurs internationaux de l’OSCE et de l’Union européenne qui qualifient l’élection de transparente et honnête. Évincée par une motion de censure déposée contre son gouvernement, elle quitte son poste de Premier ministre (4 mars).

3. La présidence Ianoukovytch

L’arrivée au pouvoir de Viktor Ianoukovytch a de multiples répercussions sur la vie politique intérieure de l’Ukraine et sur les relations de cette dernière avec ses partenaires internationaux.

3.1. Le recul de la démocratie

En matière de politique intérieure, les initiatives prises par le nouveau pouvoir entraînent un recul de la démocratie en Ukraine. L’un des évènements les plus marquants des premiers mois de la nouvelle présidence est l’annulation, le 1er octobre 2010, par la Cour suprême de la réforme constitutionnelle adoptée en décembre 2004 (lors de la révolution orange) qui avait accru les pouvoirs du Parlement au détriment de ceux du président. L'Ukraine retrouve donc un régime présidentiel fort, gage de stabilité politique selon l’entourage de V. Ianoukovytch mais perçu comme une dérive autoritaire du pouvoir par les membres de l’opposition.

Ceux-ci en sont d’autant plus convaincus que, depuis 2010, plusieurs d’entre eux font l’objet de poursuites judiciaires, jugées exagérées, pour abus de pouvoir ou détournement de fonds publics. C’est notamment le cas de I. Tymochenko, l’ancien Premier ministre et actuel chef de file de l’opposition est accusée, entre autres, d’abus de pouvoir lors de la conclusion de contrats gaziers avec la Russie en 2009. S’estimant victime d’un complot visant à l’écarter durablement de la scène politique en prévision des prochaines élections législatives (2012) et présidentielles (2015), I. Tymochenko dément formellement ces accusations et dépose un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme. Les États-Unis et l’UE expriment également leurs inquiétudes face à ces actions pénales contre l’opposition, qualifiées de « disproportionnées » et de « politiquement motivées ».

Mais malgré les pressions internationales, I. Tymochenko, dont le procès début en juin 2011, est incarcérée en août puis condamnée en octobre à 7 ans d’emprisonnement. En décembre, alors que son état de santé est jugé précaire depuis plusieurs mois et que son appel est rejeté par la justice ukrainienne, elle est transférée dans une prison de la région de Kharkiv à l’Est du pays.

Depuis l’arrivée de V. Ianoukovytch à la tête de l’État ukrainien, l’évolution politique interne du pays est aussi marquée par des discriminations persistantes à l’encontre de certaines minorités ethniques (Roms et Tatars de Crimée notamment), un niveau élevé de corruption ou encore des défaillances observées lors du déroulement des élections locales fin octobre 2010. Selon plusieurs ONG de défense des droits de l’homme et des journalistes ukrainiens, les atteintes à la liberté d’expression et de la presse se sont multipliées depuis 2010. C’est ce que confirme l’organisation Freedom House dans son rapport 2011 sur la liberté dans le monde : l’Ukraine perd son statut de « pays libre » qu’elle avait obtenu en 2006 et qu’elle était le seul des États issus de l’ex-URSS à détenir.

Sans atteindre une majorité absolue, le parti présidentiel vient en tête des élections législatives d’octobre 2012 avec 30 % des voix et 185 sièges sur 450, tandis que son allié, le parti communiste d’Ukraine, remporte 13 % des suffrages et 32 sièges.

Ne parvenant pas à percer, la principale coalition de l’opposition, réunie dans le mouvement Batkivchtchyna (« Mère Patrie ») de I. Tymochenko – dont la condamnation a été confirmée en août –, arrive en seconde position en recueillant 25,5 % des suffrages et en faisant élire 101 députés.

Le camp des opposants est toutefois renforcé par l’entrée au Parlement de deux formations. L’Alliance démocratique ukrainienne pour les réformes (UDAR), issue en 2010, sous la direction du champion du monde de boxe Vitaliï Klytchko, de « Nouveau Pays », un petit parti proeuropéen présent depuis 2005, remporte ainsi 40 sièges (14 % des voix). Le parti nationaliste Svoboda (« Liberté »), né de la transformation d’un groupe d’extrême droite, le parti social-national d’Ukraine actif depuis 1991, accède aussi pour la première fois à la chambre avec 37 sièges. Par ailleurs, 43 députés sans étiquette sont également élus.

Le scrutin est jugé plutôt positivement par la mission d’observation de l’OSCE qui relève cependant plusieurs irrégularités et de possibles manipulations, émettant des critiques concernant notamment l’enregistrement des résultats et l’accès de l’opposition aux médias.

3.2. Le rapprochement avec la Russie et la poursuite du dialogue avec l'Union européenne

En politique étrangère, V. Ianoukovytch renoue d’emblée le dialogue avec la Russie qui s’était sensiblement détérioré sous la présidence Iouchtchenko (2004-2009). Le 21 avril 2010, le président ukrainien signe avec son homologue russe, Dmitri Medvedev, l’accord de Kharkiv : Kiev obtient une réduction de 30 % sur le prix du gaz pour les dix ans à venir en échange d’une prolongation, jusqu’en 2042, de la location par la Russie de la base navale de Sébastopol (Crimée).

Au lendemain de l'élection de V. Ianoukovytch, le rapprochement avec la Russie est très rapide et la coopération bilatérale s’intensifie dans de nombreux domaines (politique, économique, culturel, religieux). Le resserrement des liens avec Moscou est facilité par l’infléchissement de la position des autorités ukrainiennes sur la plupart des contentieux qui avaient provoqué de graves crises entre les deux pays durant le mandat de V. Iouchtchenko. La langue russe retrouve une place importante dans toutes les sphères de la vie publique ukrainienne (administration, médias, enseignement). Les querelles historiographiques à propos de la grande famine des années 1930 s'apaisent : si V. Iouchtchenko la qualifiait de génocide contre le peuple ukrainien, V. Ianoukovytch la considère comme une tragédie qui a touché l’ensemble des peuples appartenant à l’époque à l’espace soviétique.

Le frein que Kiev entend mettre au partenariat avec l’OTAN est également une source de satisfaction en Russie : la coopération entre l'Ukraine et l'Alliance atlantique se poursuit mais la question d’une éventuelle adhésion du pays à l’OTAN n’est plus d’actualité, le Parlement ukrainien ayant adopté à l’été 2010 une loi sur les fondements de la politique intérieure et extérieure du pays qui stipule le statut hors-bloc de l’Ukraine.

Mais le dialogue renoué avec Moscou n’entraîne pas la disparition de toutes les tensions entre les deux États : le refus de l’Ukraine d’adhérer à l’union douanière formée par la Russie, le Kazakhstan et la Biélorussie, ou encore l’insistance dont Kiev fait preuve pour obtenir une nouvelle réévaluation à la baisse des tarifs du gaz demeurent des sujets de désaccord avec le voisin russe. Par ailleurs, ce dernier accepte mal que l’Ukraine continue d’œuvrer pour s’intégrer à l’Union européenne.

En effet, s’il souhaite des relations apaisées avec Moscou, V. Ianoukovytch n’entend pas pour autant renoncer à la poursuite du dialogue et de la coopération avec Bruxelles. Le président ukrainien a rappelé, à maintes reprises depuis son élection, que l’adhésion de l’Ukraine à l’UE restait l’objectif prioritaire. Les négociations bilatérales (entamées en 2007) pour la conclusion d’un nouvel accord d’association et la création d’une zone de libre-échange progressent de manière significative depuis 2010. L’approfondissement des liens entre Kiev et Bruxelles est toutefois freiné par l’évolution politique interne du pays.

Les discussions reprennent en 2012 et, le 30 mars, l’accord est ainsi paraphé. Mais sa signature, qui pourrait intervenir lors d’un troisième sommet sur le « partenariat oriental » de l’UE fixé pour les 28-29 novembre 2013 à Vilnius, dépend toujours des efforts fournis par Kiev pour faire respecter l’État de droit et rompre résolument avec ses pratiques de « justice sélective ». Le sort réservé à l’opposante I. Tymochenko semble alors constituer la principale pierre d’achoppement.

3.3. La mobilisation de l’opposition et la chute de V. Ianoukovytch

Le dilemme entre un rapprochement de l’Ukraine avec l’Europe et son retour dans le giron russe est au cœur d’une crise politique sans précédent depuis la « révolution orange » de 2004.

Tergiversant face à ces deux options qu’il refuse d’opposer, le président ukrainien annonce, le 21 novembre 2013, qu’il suspend la signature de l’accord d’association avec l’UE. Auparavant, le Parlement avait écarté un éventuel transfert en Allemagne de I. Tymochenko pour qu’elle y reçoive des soins médicaux. La volte-face du président ukrainien est confirmée et justifiée lors du sommet de Vilnius la semaine suivante.

En cédant à l’influence de la Russie – qui se défend d’avoir fait pression sur Kiev – dont l’offre d’aide économique et financière reste plus avantageuse à court terme que celle de Bruxelles (et du FMI) assortie d’exigences politiques et d’importantes réformes structurelles, V. Ianoukovytch déclenche une réaction populaire massive.

Mobilisés en grande partie à travers les réseaux sociaux, des milliers d’Ukrainiens proeuropéens investissent le centre de Kiev à partir du 24 novembre. Les étudiants semblent être en première ligne d’un mouvement qui rassemble notamment d'anciens activistes et des déçus de la « révolution orange » et les partisans de I. Tymochenko – qui a appelé à manifester dès le 22 novembre avant d’exhorter les dirigeants européens à signer sans conditions un accord au cas où le gouvernement changerait d’avis –, ou de ses alliés de la coalition Batkivchtchyna. Ce mouvement rallie également les opposants réunis derrière V. Klytchko, propulsé comme l’un des principaux leaders du mouvement, mais aussi les nationalistes antirusses du parti Svoboda.

Gagnant d’autres villes du pays, la contestation s’amplifie et s’organise au cours des semaines suivantes. Les manifestants exigent la démission du président et la convocation d’élections générales anticipées ; mais, faute d’une majorité suffisante contre lui, le gouvernement échappe à une motion de défiance le 3 décembre, tandis qu’il tente également de mobiliser ses partisans, ravivant les divisions du pays qui s’étaient déjà creusées lors de la « révolution orange ». Derrière le rapprochement avec l’Europe, c’est l’adoption de normes et de valeurs démocratiques contre les dérives autoritaires d’un pouvoir oligarchique accusé de corruption qui vient au premier plan des revendications.

Le 17 décembre, V. Ianoukovytch finit par signer avec V. Poutine un accord prévoyant une aide russe de 15 milliards de dollars et la réduction d’un tiers du tarif de ses livraisons de gaz à l’Ukraine, le justifiant, sans en dévoiler la contrepartie, par son moindre coût social et ses avantages économiques.

Si leur nombre tend à faiblir, les manifestants de la place de l’Indépendance (Maïdan Nezaleznosti) maintiennent leur mobilisation et de nouveaux rassemblements massifs ont lieu à partir de janvier 2014 à la suite de violences policières puis de l’adoption d’une législation très sévère visant àempêcher les manifestations. Face à l’aggravation du conflit, le Parlement accepte finalement d’abroger ces lois et le gouvernement présente sa démission.

Mais malgré ces signes d’apaisement, les affrontements se poursuivent entre les manifestants retranchés derrière leurs barricades et les forces spéciales anti-émeutes (Berkout) qui tentent de les déloger. La violence atteint son paroxysme les 18-20 février avec quelque 80 morts et de très nombreux blessés.

Après de nouvelles concessions accordées à l’opposition, le cours des événements bascule dans la journée du 22 février. Lâché par une partie de son camp, dont le parti des Régions et alors que que l’armée affirme sa neutralité, V. Ianoukovytch, qui a quitté la capitale, est destitué par la Rada par 328 voix sur 450. I. Tymochenko est libérée et de hauts responsables, dont le ministre de l’Intérieur, sont limogés et remplacés. Le rétablissement de la Constitution révisée de 2004 limitant les prérogatives de l’exécutif est également adopté par le Parlement dont le nouveau président, issu de la mouvance Batkivchtchyna, assume par intérim les fonctions de chef de l’État dans l’attente d’une élection présidentielle prévue en mai.

4. Une alternance politique sous haute tension

4.1. De l’annexion de la Crimée à la sécession du Donbass

Alors que la tension monte en Crimée, où se mobilisent des activistes prorusses avec le soutien direct de Moscou, un gouvernement provisoire, composé de représentants du parti Batkivchtchyna, de Svoboda, de personnalités sans affiliation ainsi que de figures du mouvement de contestation, est présenté le 26 février à la foule rassemblée sur la place de l’Indépendance avant d’être investi par le Parlement par 331 députés. Arseni Iatseniouk, ancien ministre de l’Économie puis des Affaires étrangères et l’un des principaux chefs de file de l’opposition (Batkivchtchyna), en prend la direction.

Déclarant ce gouvernement « illégitime », Moscou réagit brutalement en encourageant directement la sécession de la Crimée (dont 58 % de la population est russe). Après un simulacre de référendum en faveur de son rattachement à la Fédération de Russie, la Crimée est annexée le 18 mars.

Cette atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine en violation des accords internationaux (dont le Mémorandum de Budapest signé en 1994), est aggravée dans les semaines qui suivent avec l’extension du séparatisme dans la partie orientale et russophone du pays, abritant la plus forte minorité russe (38 %-39 %). Dans les oblasts de Donetsk, épicentre du conflit, et de Louhansk, des milices soutenues ou encadrées par des bataillons aguerris et lourdement armés en provenance de Russie (qui nie son implication) prennent le contrôle des bâtiments administratifs dans plusieurs villes : outre les deux capitales régionales, Sloviansk devient l’un des bastions des sécessionnistes. Avec la mort d’une trentaine de manifestants prorusses dans un incendie à Odessa le 2 mai, les affrontements menacent de s’étendre plus au sud. À l’issue de « référendums » dont la crédibilité est plus douteuse encore que celle du plébiscite organisé précédemment en Crimée, les deux régions proclament leur autodétermination puis leur unification au sein d’une « République de Nouvelle Russie » le 24 mai. Malgré la mobilisation des forces armées loyalistes contre les groupes séparatistes (qualifiés officiellement de « terroristes »), les autorités ukrainiennes paraissent impuissantes à enrayer cette nouvelle sécession et des affrontements de plus en plus violents font plusieurs morts dans les deux camps.

Accusée d’encourager ces divisions pour déstabiliser le pays et en empêcher la démocratisation, la Russie est suspendue du G8 et soumise à des sanctions financières prises par les États-Unis et l’UE. Mais, faisant fi de ces dernières, V. Poutine, poursuivant l'un de ses desseins stratégiques de recréer une aire de tutelle russe autour de son pays, souffle le chaud et le froid : en attisant les tensions par une propagande active contre les « fascistes » qui auraient pris le pouvoir à Kiev et par des manœuvres militaires dans les régions frontalières, tout en affirmant simultanément que la voie diplomatique reste ouverte avec, en filigrane, une possible résolution du conflit par la négociation qui conduirait à une fédéralisation de l’Ukraine ; enfin, l’accord signé avec Ianoukovytch en décembre ayant été annulé, en menaçant de suspendre ses livraisons de gaz, après avoir quasiment multiplié le prix par deux et exigé le paiement des arriérés.

Au bord de la faillite, l'Ukraine obtient une aide extérieure du FMI et de Washington, tandis que l’accord d’association avec l’UE est relancé.

4.2. L’élection de Petro Porochenko

C’est dans ce contexte que les autorités ukrainiennes parviennent malgré tout à convoquer comme prévu l’élection présidentielle le 25 mai. Vingt-et-un candidats sont finalement enregistrés par la Commission électorale centrale, parmi lesquels Petro Porochenko, ancien ministre (sous les présidences de V. Iouchtchenko et de V. Ianoukovytch) et prospère homme d’affaires, et I. Tymochenko. S’étant désisté en faveur du premier, V. Klytchko est élu maire de Kiev à l’issue d’élections municipales tenues simultanément dans plusieurs villes du pays. S’il ne peut être organisé ni en Crimée ni dans la plupart des districts des régions de Donetsk (14 sur 22) et de Louhansk (10 sur 12) en raison des intimidations et de l’insécurité, le scrutin se déroule dans des conditions jugées globalement satisfaisantes, en présence de plus d’un millier d’observateurs internationaux de l’OSCE.

Dans ces circonstances exceptionnelles et face à l’urgence de la situation, les Ukrainiens apportent leur soutien à P. Porochenko qui l’emporte dès le premier tour avec 54,7 % des suffrages devant I. Tymochenko (12,8 %) et Oleh Liachko (parti radical, 8,3 %). Ses scores varient de 30 % à plus de 70 % mais il arrive en tête dans 185 circonscriptions sur 186, y compris dans la région de Kharkiv, la seule où le candidat officiel du parti des Régions, Mykhaïlo Dobkine (3 % des voix), parvient à tirer son épingle du jeu avec 26 % des suffrages ; son principal rival, Serhiï Tihipko (5,3 %), le devance largement dans les régions orientales et méridionales. Quant aux candidats ultranationalistes (de Svoboda et de Pravyï Sektor), ils obtiennent moins de 2 % des suffrages.

Toutefois, si cette victoire est indéniable et massive, la distribution des voix et la participation (environ 59 % en moyenne au niveau national) confirment le clivage entre les régions de l’Ouest – où la mobilisation des électeurs est la plus forte (autour de 80 % dans la région de Lviv) et où P. Porochenko obtient ses meilleurs résultats – et celles de l’Est et du Sud, dans lesquelles l’abstention, nettement plus élevée (de l’ordre de 50 à 60 % selon les circonscriptions), augmente par rapport à l’élection de 2010, notamment dans les districts où V. Ianoukovytch avaient recueilli le plus de suffrages.

Investi le 7 juin en présence de plusieurs dirigeants d’Europe de l’Est et du vice-président américain Joe Biden, le nouveau président ukrainien s’engage à préserver l’unité du pays en lançant un appel en faveur d’une résolution pacifique du conflit par une décentralisation accrue (mais excluant une fédéralisation) et confirme le « choix européen » de l’Ukraine.

4.3. Un conflit en voie d’internationalisation

L’élection de P. Porochenko ne freine pas les séparatistes de Donetsk et de Louhansk qui, grâce au soutien de moins en moins déguisé de la Russie, parviennent à contrecarrer une armée ukrainienne mal préparée. Les hostilités prennent dès lors la forme d’une véritable guerre ouverte, marquée notamment par la destruction, le 17 juillet, d’un avion civil de la Malaysia Airlines avec 298 personnes à bord et dont les deux camps se rejettent la responsabilité puis, au mois d’août, par la déroute des forces régulières ukrainiennes à Ilovaïsk. Le cessez-le-feu décidé à la suite de cette bataille meurtrière, dans le cadre du protocole de Minsk signé avec la médiation de l’OSCE le 5 septembre, est plusieurs fois violé. Le nombre de morts est estimé par les Nations unies à plus de 4 000 après six mois de conflit, dont environ 300 depuis cette trêve fragile. Plus de 900 000 personnes ont dû fuir les zones de combat, soit à l'intérieur du pays soit en Russie.

À une troisième vague de sanctions européennes visant des entreprises et des dignitaires russes, V. Poutine répond par des mesures de rétorsion touchant notamment les produits agro-alimentaires en provenance de l’UE ; le contentieux entre Gazprom et les autorités de Kiev est toutefois provisoirement aplani le 30 octobre avec la médiation de la Commission européenne.

4.4. Premières réformes et élections parlementaires

Le 16 septembre 2014, l’accord d’association entre l’Ukraine et l’UE est ratifié, mais, pour satisfaire aux exigences de la Russie, ses clauses commerciales n'entreront en vigueur qu’en 2016. Conformément à l’accord du 5 septembre, un statut spécial est également accordé pour une période de trois ans aux régions sécessionnistes. Par ailleurs, le 17 septembre, la Rada adopte une loi destinée à purger l’administration et les ministères des pratiques de corruption.

Le 26 octobre, les élections législatives organisées selon le mode de scrutin toujours en vigueur, mi proportionnel, mi majoritaire, donnent la victoire au parti présidentiel (Bloc P. Porochenko, 149 députés), suivi du Front populaire créé par le Premier ministre et le président de la Rada sortants, A. Iatseniouk et Oleksandr Turchynov (82 sièges). Le bloc Opposition (héritier du parti des Régions, absent du scrutin), arrive en troisième position avec 40 représentants devant l’Union Samopomich (« Auto-aide »), nouveau parti libéral démocratique fondé en 2012 par le maire de Lviv, Andriï Sadovyï, qui obtient 32 sièges. Viennent ensuite le parti radical (22 sièges) et Batkivchtchyna de I. Tymochenko, qui, avec moins de 6 % des suffrages, ne compte plus que 19 députés. Tandis que les ultra-nationalistes (Svoboda, Pravyï Sektor) obtiennent moins de 5 % des suffrages au niveau national, seuil minimal pour obtenir des sièges à la proportionnelle, le parti communiste disparaît de la scène politique. 77 députés sans étiquette sont également élus.

Si le scrutin consacre la victoire des proeuropéens et constitue un succès pour le Premier ministre qui est reconduit dans ses fonctions, les différences régionales apparues lors de l’élection présidentielle ne disparaissent pas : le bloc Opposition arrive en tête dans l’est du pays, où l’abstention est également plus forte que dans l’Ouest.

5. Vers un nouveau « conflit gelé » ?

En violation du protocole de Minsk, qui prévoyait des élections locales dans le cadre de la loi sur le statut spécial des deux territoires, les deux républiques autoproclamées organisent leurs propres scrutins le 2 novembre 2014, avec l'assentiment de Moscou. Les chefs sécessionnistes, Oleksandr Zakhartchenko à Donetsk et Ihor Plotnytskyï à Louhansk, confortent leur position. La situation se tend alors de plus belle entraînant la reprise des combats, l’annonce par Kiev d’une révision de ses engagements, dont l’arrêt de tout financement public de ces régions, l’envoi de renforts dans le but d’isoler les forces séparatistes et d’en empêcher la propagation vers le nord-est (Kharkiv) et, surtout, le sud-est (Marioupol). À la suite de l’entrée sur le territoire ukrainien de chars et pièces d'artillerie en provenance de Russie, la Mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine, déployée depuis juillet, ne peut que constater les risques d’escalade malgré l’obtention d’une nouvelle trêve le 9 décembre.

Le 12 février 2015, un nouvel accord est signé à Minsk impliquant la Russie, l’Ukraine, la France, l’Allemagne et les séparatistes ukrainiens : sont prévus notamment le retrait des armes lourdes dans chaque camp, le rétablissement du contrôle par l’État de sa frontière ainsi qu’une réforme constitutionnelle, en vue d’une décentralisation et d’une dévolution partielle au profit des régions orientales. Cette dernière disposition est approuvée par la Cour suprême en juillet mais son adoption est reportée et l’application de ces accords de Minsk II – dont dépend notamment la levée des sanctions européennes et américaines à l’encontre de la Russie – est très lente, le cessez-le-feu étant violé à de multiples reprises au cours de l’année. Parallèlement, l’appui logistique et financier des États-Unis à l’armée ukrainienne et la collaboration avec l’OTAN sont renforcés, tandis que Moscou, en dépit de ses dénégations officielles, continue de soutenir militairement les forces séparatistes et de consolider sa présence de l’autre côté de la frontière, qui est devenue l’une des zones les plus minées du monde selon l’ONU. Le processus de Minsk piétine et le seul résultat tangible est l’échange de quelque 300 prisonniers en décembre 2017.

6. Un pouvoir de plus en plus contesté malgré les réformes

Sur le plan intérieur, la fragilité économique et financière de l’Ukraine nécessite de nouvelles aides de l’UE et du FMI et une renégociation de sa dette, alors que l’accord d’association avec l’UE entre en vigueur (volet commercial et à titre provisoire) en janvier 2016.

Mais la lenteur des mesures anti-corruption et les accusations de collusion avec un pouvoir oligarchique parallèle qui s’est reconstitué affaiblissent le gouvernement qui échappe de justesse à une motion de censure en février et conduisent finalement à la démission d’A. Iatseniouk ; Volodymyr Hroïsman, président de la Rada et allié du président Porochenko, lui succède en avril. Ce remaniement ne freine cependant pas l’impopularité croissante des dirigeants en place.

La situation économique générale du pays se stabilise pourtant en 2016-2018, après la sévère récession de 2014-2015 : le retour à la croissance (2-3 %), la réduction de l’inflation (bien que forte) après la flambée de 2015, l’augmentation des salaires et la reprise des échanges avec l’UE, en sont les signes les plus apparents, tandis que le taux de chômage se maintient autour de 9 %, un niveau deux fois plus élevé cependant que dans la Pologne voisine devenue l’une des principales destinations des travailleurs émigrants.

Le rapport annuel (novembre 2018) surl’application de l’accord d’association avec l’UE (intégralement et définitivement entré en vigueur depuis septembre 2017) constate les progrès réalisés dans les domaines économique et social – dont les mesures d’assainissement du système bancaire et le lancement de la réforme du système de santé –, mais pointe les insuffisances, tout d’abord en matière judiciaire. En témoignent la mise en cause de l’indépendance des organes chargés de la lutte contre la corruption, l’enlisement des enquêtes, bloquées au niveau des tribunaux ordinaires, ou les attaques contre des militants de la société civile. La création en juin 2018 d’une Haute cour anticorruption ne permet pas de dissiper la défiance.

Briguant un nouveau mandat en 2019, le président sortant mise avant tout sur le sentiment nationaliste, dans un contexte marqué par des tensions politiques, militaires et commerciales persistantes avec la Russie. Cette dernière est définie comme « puissance occupante » dans la loi sur la réintégration du Donbass (février 2018), et le traité d'amitié russo-ukrainien de 1997 n’est pas renouvelé.

De son côté, renforçant sa présence militaire en mer Noire et « officialisant » l’annexion de la Crimée en inaugurant (mai 2018) le pont de Kertch la reliant à la péninsule, la Russie n’hésite pas à perturber les flux maritimes en provenance ou à destination des ports ukrainiens sur la mer d’Azov, comme en témoigne notamment l’arraisonnement (novembre), dans le détroit de Kertch, de trois navires de guerre partis d’Odessa pour rejoindre Marioupol.

Si la rupture entre l’Église orthodoxe ukrainienne et le patriarcat de Moscou en décembre peut être brandie par P. Porochenko comme une victoire, celle-ci reste surtout symbolique. À la fin de l’année 2018, l’Ukraine entre ainsi dans une période de campagne électorale périlleuse pour le pouvoir en place.

6.1. La victoire de Volodymyr Zelenskyï

Placé en tête par les sondages, le comédien Volodymyr Zelenskyï, devenu populaire grâce à une série télévisée satirique dans laquelle il incarne un professeur d’histoire propulsé à la tête du pays, devance largement ses concurrents au premier tour de l’élection présidentielle (mars-avril 2019), en obtenant plus de 30 % des suffrages, loin devant neuf candidats dont ses deux principaux adversaires, le président sortant (15,9  %) et Yulia Tymoshenko (13,4 %).

Sans expérience politique ni parti – si ce n’est la formation créée en mars et baptisée du nom de la série qui l’a rendu célèbre, « Serviteur du peuple » –, évitant les médias traditionnels, il parvient à percer en s’appuyant sur les réseaux sociaux, mais montre également sa pugnacité lors du grand débat entre les deux tours, organisé dans le stade de Kiev et retransmis par les principales chaînes de télévision. Très sommaire, son programme prévoit surtout un renforcement de la lutte contre la corruption, la poursuite du rapprochement avec l’UE, mais aussi une modération des positions antirusses du gouvernement et la reprise des discussions avec Moscou. Malgré les mises en garde contre le « saut dans l’inconnu » que représenterait son élection, il s’impose massivement au second tour face à P. Porochenko, avec 73 % des suffrages, et entre en fonctions le 20 mai 2019. Ses partisans remportent les élections législatives anticipées de juillet avec 254 sièges sur 450 avant la formation d’un nouveau gouvernement, dont la direction est confiée à Oleksi Hontcharouk.