Oscar Niemeyer Soares Filho

Architecte et urbaniste brésilien (Rio de Janeiro 1907-Rio de Janeiro 2012).

Les années de formation

Oscar Niemeyer achève ses études en 1934 à la Escola Nacional de Belas Artes de Rio, dont Lucio Costa (1902-1998) est le directeur du département d'architecture. Ce célèbre urbaniste, réunit, en 1936, dans le cadre de la construction du ministère de l'Éducation de Rio une équipe de jeunes architectes dont font partie, entre autres, Affonso Eduardo Reidy (1909-1963) et Oscar Niemeyer. Cette première grande expérience professionnelle offre à ce dernier l'occasion de rencontrer Le Corbusier (1887-1965), qui, de passage à Rio, collabore au projet. La confrontation avec le grand maître français du « style international » marque profondément Niemeyer qui en assimile les théories (tous deux se retrouveront d'ailleurs à New York, dix ans plus tard, dans le cadre de la réalisation du palais de l'O.N.U.).

Le rationalisme revisité

On peut prendre la mesure de cette influence dans les projets que le jeune architecte brésilien réalise les années suivantes : la maternité « Obra do Berco » de Rio (1937) ; un hôtel à Ouro Preto (1938) ; le pavillon brésilien de l'Exposition internationale de New York (1939), avec L. Costa. Néanmoins, de premières démarcations par rapport à l'orthodoxie rationaliste vont bientôt se manifester dans ses réalisations. Celle-ci s'y trouve en effet battue en brèche par sa volonté de mise en adéquation de l'architecture au milieu, et son expression qui laisse libre cours à la spontanéité. Niemeyer pratique notamment une poésie formelle, où l'usage de la courbe fait sourdre du béton des résurgences du baroque brésilien. Ce mélange dorénavant caractéristique de son œuvre, de fonctionnalisme, de mise à profit des potentialités offertes par les matériaux modernes (notamment celles du béton, matériau de prédilection, dont il ne cessera de vanter les mérites) et d'esthétisme, se retrouve dans les nombreuses œuvres suivantes (villa Peixoto à Cataguazès, en 1942, et théâtre de Belo Horizonte, en 1943), et surtout dans les ensembles réalisés à Pampulha (à côté de Belo Horizonte), en 1943 et 1944 : le casino équipé de rampes intérieures, un restaurant avec sa terrasse couverte d'un brise-soleil à double courbure, le yacht-club et, surtout, l'église São Francisco (qui conjugue la tradition des azulejos de sa façade et le modernisme des ondulations paraboliques du voile de béton de sa toiture) ; autant de prémices de partis architecturaux que Niemeyer explorera et revisitera par la suite.

L'architecte de Brasilia

À Pampulha, Niemeyer se lie d'amitié avec Juscelino Kubitschek (1902-1976), député et maire de Belo Horizonte et futur gouverneur de l'État du Minas Geiras. Devenu président de la République brésilienne (1956-1961), ce dernier prend la décision de l'édification d'une nouvelle capitale pour son pays, Brasilia. Costa établit le plan directeur de cette ville surgie de rien et Niemeyer en devient l'architecte des bâtiments publics. De cette expérience architecturale et urbanistique unique vont naître parmi les plus belles œuvres de l'architecture contemporaine : la résidence présidentielle (Pavillon de l'Alvorada [Aurore], 1958) entourée de ses élégantes arcades inversées toutes en finesse ; la cathédrale (1964), au plan circulaire, dont la toiture nervurée s'offre aux cieux comme une gerbe ; la place des Trois Pouvoirs et le siège du Parlement qui, sur une vaste dalle accessible par des rampes en pente douce, juxtapose les coupoles inversées des deux chambres, de part et d'autre de deux tours jumelées rassemblant les locaux administratifs ; le ministère des Affaires étrangères (palais Itamaraty, 1967), etc. La liste est longue des réalisations du prolifique architecte de Brasilia depuis la chapelle de Notre-Dame de Fatima (1958) jusqu'au siège du Procureur général de la République (2002).

L'activité internationale

L'instauration d'un régime militaire au Brésil en 1964 amène ensuite Niemeyer à construire surtout hors de son pays pendant plusieurs années : en Allemagne (Berlin), en Angleterre (Oxford), en Italie (éditions Mondadori, à Milan) et au Portugal (en Algarve), au Proche-Orient (à Tripoli [Liban] et au Neguev), en Algérie (universités à Alger et Constantine). En France, outre diverses opérations d'urbanisme, il réalise le nouveau siège du P.C.F. à Paris (1965-1971), le projet de centre dominicain international de la Sainte-Baume, la Bourse du travail de Bobigny (1978), la maison de la culture du Havre (à partir de 1972), le siège du quotidien l'Humanité à Saint-Denis (1989). Sa carrière est d'une longueur exceptionnelle : il réalise encore de nombreuses œuvres majeures après quatre-vingt ans, comme le Musée de Brasilia (1988), le Mémorial de l'Amérique latine de São Paulo (1989), les tours de logements Charles de Gaulle I et II à Rio (1994), le musée d'Art contemporain de Niterói (1996 ; une des œuvres du Chemin Niemeyer), près de Rio, le musée Oscar Niemeyer de Curitiba (2002) ou le Centre Niemeyer d'Avilès, en Espagne (2011).

Engagement et distinctions

Membre du parti communiste brésilien, il manifesta toujours son soutien aux mouvements de libération et aux partis du gauche du tiers-monde et à leurs leaders (F. Castro, qui lui décerna la médaille José Marti [en principe réservée aux hommes d'État], ou H. Chavez, auquel il fit cadeau d'un projet de monument à la gloire de Simon Bolivar).

O. Niemeyer reçut en 1963 le Prix Lénine pour la Paix et le Pritzker Price (sorte de « Nobel de l'architecture ») en 1988. Il fut élu membre de l'Académie américaine des Arts et des Sciences, fait commandeur de l'ordre de Saint-Grégoire-le-Grand par Jean-Paul II et commandeur de la Légion d'Honneur, en 2007, par l'ambassadeur de France au Brésil à l'occasion de ses cent ans.