Odilon Redon

Odilon Redon, illustration pour les Fleurs du mal de Baudelaire
Odilon Redon, illustration pour les Fleurs du mal de Baudelaire

Peintre, dessinateur et graveur français (Bordeaux 1840-Paris 1916).

Depuis ses premiers dessins jusqu’aux chefs-d’œuvre de sa maturité, le chemin qu’emprunte Redon est celui de l’intériorisation. Option qui l’oppose à certaines recherches plastiques de son temps, notamment celles des impressionnistes, qu’il accusera d’avoir cultivé un art uniquement visuel. La synthèse de la « réalité vue » et de la « réalité sentie » lui permet de mettre, selon son expression, « la logique du visible au service de l’invisible ». Ses efforts, dans cette perspective de pénétration spirituelle, n’auront pas été vains.

Dès 1855, le jeune homme étudie le dessin à Bordeaux. À Paris, il échoue, en 1858, à l’oral du concours de l’École nationale des beaux-arts (section architecture), puis est déçu par les cours du peintre Léon Gérome (1824-1904), dans l’atelier duquel il est entré comme élève libre. Il retourne à Bordeaux, où deux hommes vont déterminer son orientation future : le botaniste Armand Clavaud, qui, tout en l’informant sur les liens existant entre certaines formes animales et végétales, lui révèle aussi les poètes hindous et les courants littéraires en vogue ; le graveur Rodolphe Bresdin (1825-1885), qui l’initie en 1863 à la technique de l’eau-forte, renforce son attirance pour le romantisme et dirige son attention sur Gustave Moreau et les préraphaélites.

Les "Noirs"

Les premiers dessins dans lesquels il étudie la nature de près, s’exerçant à la restituer avec précision, datent de 1861 et sont exécutés à Peyrelebade, propriété familiale dans le Médoc. À partir de 1865, Redon utilise le fusain pour ses dessins, qui vont, avec les lithographies et les eaux-fortes, constituer sa première époque, dite « des noirs », qui durera 25 ans. Mais sa véritable personnalité ne se révèle qu’après la guerre de 1870, durant laquelle il est mobilisé. Les batailles lui ayant laissé des impressions d’horreur, il se complaît dans les scènes macabres, élaborant des œuvres qui sont comme un miroir de l’homme placé devant l’abîme : la Peur (1872, collection privée), la Folie (1877, collection privée), l’Araignée souriante (1881, musée du Louvre). Bibliques, légendaires ou issus de l’imagination, les sujets entremêlent le réel et le fantastique avec un sens prononcé du drame. Sur les conseils de Henri Fantin-Latour, l’artiste s’adonne à la lithographie et publie en 1879 son premier album, Dans le rêve, suivi de plusieurs autres, dont À Edgar Poe (1882), Hommage à Goya (1885), les Fleurs du Mal (1890), l’Apocalypse de Saint-Jean (1898). Cependant, les « noirs », pour Stéphane Mallarmé « royaux comme de la pourpre », cèdent progressivement la place, après 1890, à la féerie diurne de la couleur. Redon peint alors les Yeux clos (Louvre), qui sont le témoignage de sa plus ardente recherche de l’infini.

Les Pastels

La couleur lui ouvre de nouveaux horizons et il écrira dans son journal (À soi-même, publié en 1922) : « L’art d’un artiste est le chant de sa vie ; mélodie grave ou triste, j’ai dû donner la note gaie dans la couleur. » Quelques années plus tôt, il s’était déjà servi du pastel, qu’il mélangeait avec le fusain, obtenant l’effet désiré pour des motifs d’art sacré. Avec la couleur, l’aspect des êtres et des choses est saisi sous un jour plus apaisé, dans un climat de haute spiritualité. La vivacité des pastels se retrouve accentuée dans les huiles, qui semblent irradier la lumière de l’intérieur : Ève (1904, musée du Louvre), la Naissance de Vénus (1910, Petit Palais, Paris)... Redon trouve la confirmation de ses aspirations chez Delacroix et, curieusement, c’est plusieurs décennies après avoir étudié au Louvre le plafond d’Apollon que le génie du peintre atteint son apogée dans la création de ses propres Chars d’Apollon.

Six ans avant sa mort, Redon décore les murs de la bibliothèque de l’abbaye de Fontfroide, dans l’Aude, de deux puissantes compositions : la Nuit, qui reprend les motifs insolites et sombres de la première époque, et le Jour, hymne à la couleur que traverse le char du dieu Soleil prenant son essor vers les hauteurs, entouré de fleurs, de papillons et de nymphes.