Napoléon II
dit l'Aiglon
Duc de Reichstadt, roi de Rome, fils de Napoléon Ier et de Marie-Louis de Habsbourg-Lorraine (Paris 1811-Schönbrunn 1832).
1. Introduction
La destinée du jeune homme, qui fut proclamé roi de Rome en naissant, à qui son père Napoléon Ier comptait bien laisser un vaste empire et qui mourut, à vingt et un ans, simple prince autrichien, a quelque chose de mystérieux et de touchant qui a fasciné les poètes et entretenu jusqu'à nos jours une espèce de culte dont témoigne notamment le « retour des cendres » de Napoléon II à Paris, le 15 décembre 1940, cent ans, jour pour jour, après le retour du corps de Napoléon Ier.
2. Héritier de l'Empire français
La naissance aux Tuileries du fils de l'Empereur est saluée, le 20 mars 1811, avec un enthousiasme inouï. Le petit prince aura comme gouvernante Mme de Montesquiou, et les feuilles officielles raconteront, suivant l'habitude, quelques traits enfantins de l'altesse en maillot.
Mais celle-ci n'a pas trois ans quand les Alliés envahissent la France : avant de partir les combattre, en janvier 1814, Napoléon confie son fils – qu'il ne reverra jamais – au patriotisme des officiers de la Garde nationale. Paris étant menacé, l'Empereur prescrit à son frère Jérôme de faire retirer l'impératrice et le roi de Rome au sud de la Loire. De Blois, la mère et le fils gagnent Orléans avant de se diriger vers l'est et de franchir le Rhin à Huningue (avril).
Dans l'acte d'abdication de Fontainebleau (11 avril), l'Empereur réserve les droits du roi de Rome, Marie-Louise étant régente. Les Alliés préféreront traiter avec les Bourbons restaurés. Il en sera de même lors de la seconde abdication (22 juin 1815). Le roi de Rome est alors reconnu par les Chambres des Cent-Jours, sous le nom de Napoléon II.
3. Prisonnier de Metternich
Confié à son grand-père l'empereur d'Autriche François Ier et devenu duc de Reichstadt en 1818, le fils de l'empereur des Français va mener, jusqu'à sa mort prématurée, la vie dorée et fastidieuse d'un prince autrichien, devenu à vingt ans colonel et gouverneur de Graz. Ce beau jeune homme blond, qui promène partout son ennui et probablement aussi la nostalgie de sa naissance, est étroitement surveillé. C'est que, sans qu'il le sache, il inquiète l'Europe de Metternich ; quand, le 11 juin 1817, le duché de Parme est donné en souveraineté à Marie-Louise, la clause de réversibilité dont bénéficie le duc de Reichstadt est rapidement annulée à la demande de Louis XVIII, qui craint de voir un Bonaparte régner en Italie.
4. Le mythe bonapartiste
Depuis la mort de Napoléon Ier, le parti libéral en France tourne volontiers les yeux vers l'Autriche, qui retient en cage « l'Aiglon ». Béranger (les Deux Cousins), A. M. Barthélemy (le Fils de l'homme, 1829), entre autres, exaltent le noble « prisonnier ».
Après la révolution de 1830, le « culte » de Napoléon II prend des proportions considérables ; certains libéraux songent même à appeler au trône le fils du grand Empereur ; en 1831, quelques enthousiastes prononcent son nom quand il est question de donner un roi aux Belges. Mais l'Autriche garde bien son prince ; et c'est à Schönbrunn qu'il meurt, de phtisie, le 22 juillet 1832.
Parmi les poèmes inspirés par sa mort, le Napoléon II de Victor Hugo est l'un des plus beaux : le titre et le mouvement de cette pièce semblent avoir inspiré à Edmond Rostand le drame l'Aiglon (1900), dont la reprise perpétue l'un des épisodes les plus touchants de l'« épopée napoléonienne ».