Louis XVII
Second fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette (Versailles 1785-Paris 1795).
Duc de Normandie, devenu Dauphin à la mort de son frère aîné (4 juin 1789), Louis Charles fut enfermé avec sa famille dans la prison du Temple. Devenu roi après l'exécution de Louis XVI, il succomba au manque d'hygiène à l'âge de dix ans, le 20 prairial an III (8 juin 1795). Il fut enterré secrètement, mais les doutes aussitôt émis sur l'identité du mort, et fondés sur l'hypothèse d'une évasion du jeune prisonnier, sont à l'origine de la « question Louis XVII », qui suscita maints imposteurs.
La question Louis XVII
Séparé de sa mère par décret de la Commune le 3 juillet 1793, Louis XVII fut confié à la garde du couple Simon, jusqu'au 19 janvier 1794. Après cette date commencent le silence et le doute. Doute sur l'état de santé du petit Capet, sur l'endroit de la tour où il fut détenu, sur son existence même.
Genèse de la question
Dès la chute de Robespierre, des bruits coururent. C'est une note manuscrite de Barras, le premier à pénétrer dans la tour le 10 thermidor an II (28 juillet 1794), qui le révèle : « Le Comité de salut public me fit prévenir qu'on annonçait l'évasion des prisonniers du Temple qui étaient sous ma responsabilité. » La question Louis XVII venait de surgir, et avec quelque raison, puisque l'enfant que Barras découvrit, un grand adolescent déjà miné par la maladie, ne ressemblait guère au jeune garçon vif et en bonne santé dont les Simon s'acharnaient à faire un sans-culotte. L'importance que représentait Louis XVII comme otage politique avait-elle poussé un des chefs d'une faction républicaine à s'emparer de sa personne ? Divers préparatifs constatés dans la prison et changements opérés dans le personnel ou dans les municipaux de garde montrent qu'on s'intéressait de près au fils Capet. Hébert, maître du Temple dès l'été 1793, fut le premier à changer les dispositions concernant les survivants de la famille royale, puis à demander leur transfert dans une prison ordinaire – ce qui lui fut refusé.
D'aucuns firent aussi porter le soupçon sur Robespierre. Lui seul parmi les chefs révolutionnaires, pendant les six premiers mois de 1794, aurait eu les moyens de l'entreprise. On lit ainsi, sous la plume d'un membre du réseau d'espionnage d'Antraigues : « Robespierre emmena le roi Louis XVII à Meudon dans la nuit du 23 au 24. » On comprit le 24 mai, mais il semble bien qu'il faille entendre le 24 prairial, soit le 12 juin 1794. Trois jours avant cette date, Claude François Payan, un séide de Maximilien, avait en effet rédigé dans un petit carnet un projet en dix points, qui semble bien concerner un plan d'évasion du Temple.
On peut être sûr d'une chose, en tout cas : s'il y a eu évasion, ce ne sont pas les royalistes qui en sont les auteurs. L'histoire de leurs complots pour délivrer la famille royale n'est qu'une longue suite d'essais manqués, mal préparés et mal financés.
Si l'on admet la sortie du Temple du jeune Louis Charles, il faut savoir si l'on a des traces de lui par la suite. On a parlé d'une arrivée en Suisse, d'un séjour en Caroline du Sud, d'une tentative de reconnaissance en France au début de la Restauration. Après 1815, en revanche, il ne pouvait plus être question de reconnaissance pour le neveu de Louis XVIII.
Leurres et prétendants
La question de la survie du fils de Louis XVI fut une gêne pour tous les gouvernements successifs. Leur politique, suivie avec beaucoup de persévérance, fut alors de susciter des « leurres », dont certains, plus doués que d'autres, devinrent des prétendants. À partir de 1795, date du décès officiel de Louis XVII, et au cours des années suivantes, on envoya sur les routes de France des enfants, dont les convoyeurs laissaient entendre que, peut-être, il s'agissait du jeune roi sauvé du Temple. En Vendée, en Auvergne, en Alsace, dans d'autres régions encore il y en eut. La psychose une fois créée, il ne restait plus à des personnages hardis qu'à s'engouffrer dans la brèche grande ouverte. Ce fut alors la succession des faux dauphins.
En 1798, Jean-Marie Hervagault, un habitué des changements d'identité, fut le premier à défrayer la chronique et à avoir un petit cercle de partisans. Sous la Restauration, on relève le nom de Mathurin Bruneau, dont on fit le procès en 1817 ; ancien sabotier promu marquis de Pomponne aux armées de Napoléon, il était l'un des sosies de Louis XVII. Sous le règne de Louis-Philippe apparurent le baron de Richemont et surtout Karl Wilhelm Naundorff. Si le premier, fils de boucher, fut assez facilement démasqué, le second posa problème aux historiens et, en Suisse, on a constamment confondu Naundorff (arrivé à Genève en 1797) avec Louis XVII.
Actualité de la question
On pouvait croire l'énigme ensevelie sous la poussière des siècles. Or, elle a connu un regain d'actualité en l'an 2000, lorsqu'on a procédé à l'analyse de l'A.D.N. d'un cœur présenté comme celui qu'avait prélevé le Dr Pelletan au moment de l'autopsie de l'enfant du Temple et que les héritiers du docteur avaient remis, en 1895, à la famille de Bourbon-Parme. Le résultat fut largement médiatisé : ce cœur était celui de Louis XVII et ce dernier, par conséquent, était bien mort au Temple. En réalité, ce qui avait été établi, c'est que le cœur était celui d'un enfant « apparenté à la reine Marie-Antoinette », dont on possédait le propre A.D.N. Sans compter un certain nombre de rejetons Habsbourg, l'enfant pouvait être Louis Joseph, le frère aîné, dont le cœur se trouvait en 1817 à la mairie du Ve arrondissement à Paris – d'où il disparut ensuite. Si l'on ajoute que le cœur analysé présente quelques différences anatomiques avec celui dont on disposait en 1895 (ainsi, il est moins haut de 2 cm), on a les prémices d'un rebondissement de l'affaire pour ceux qui ne se rallieraient pas à l'opinion exprimée en son temps par Chateaubriand : « Je crois Louis XVII mort depuis de longues années, et quand même le fils infortuné de Louis XVI vivrait encore, comme il lui serait impossible de prouver l'identité de sa personne, il ne pourrait rien réclamer. ».