James Newell Osterberg, dit Iggy Pop
Chanteur et compositeur de rock américain (Ann Arbor, Michigan, 1947).
« Si je chantais le bonheur et la tranquillité, je ne ferais pas de rock and roll… » Après trente ans de carrière, ce croisement aérien et néandertalien de Noureev (le danseur) et d'Onkr (l'homme préhistorique), rescapé de trois décennies de démesure électrique, d'outrances et de transes, affiche toujours une santé insolente. Iggy peps, Iggy propre, Iggy pape. Iggy rock, surtout. S'il n'en reste qu'un, ultime guerrier d'une croisade désormais dérisoire, ce sera lui. L'iguane aux dons multiples, le clown odieux, le Tarzan au torse torve. Inamovible. Né dans le Michigan, James Newell Osterberg est le fils d'un instituteur, qui fait vivre sa famille dans une caravane entièrement métallique. Plus tard, Iggy prétendra que c'est de cet environnement que lui viendra sa passion pour le… heavy metal. Adolescent, plutôt chétif et maladif, il commence à écrire des poèmes : ses œuvres seront même primées dans le cadre d'un concours organisé par un magazine féminin. Passionné de blues, il s'exile à Chicago et devient batteur d'un groupe professionnel intitulé les Iguanas : il y gagnera son pseudonyme reptilien. En 1968, il fonde son propre groupe, les Stooges, littéralement les Crétins. Iggy chante, Ron Asheton joue de la guitare, son frère Scott de la batterie et Dave Alexander tient la basse.
Hurleur excentrique. Très vite, la rumeur enfle autour de ces fous furieux qui tissent un effarant mur du son sans s'embarrasser d'arrangements ni même de changements d'accords, menés par un hurleur excentrique et littéralement possédé : sur scène, Iggy se lacère le torse avec des tessons de bouteille, danse à demi nu une sorte de ballet démoniaque, se frotte aux spectateurs ou les agresse carrément. Un soir, en plein concert, il se fend la lèvre d'un coup de micro. La photo terrifiera l'Amérique des parents : ce maniaque hirsute et musculeux, debout en caleçon au-dessus d'une marée de mains tendues, dardant sur la foule une langue sanguinolente… Le premier album des Stooges, en 1969, est loin d'être un succès commercial. Il contient pourtant des perles comme 1969, I Wanna Be Your Dog ou No Fun, de véritables hymnes nihilistes qui inspireront, dix ans après, les grands méchants punks. Le second, Fun House, confortera la vision du rock qu'a Iggy : « Juste des guitares qui font brang brang ! » Le groupe dissous, son tapageur leader le réunit en 1973, juste le temps d'un album, désormais mythique, Raw Power. Puis disparaît, avant de revenir flanqué d'un admirateur et protecteur illustre — David Bowie lui-même, qui tirera son poulain de l'asile psychiatrique où il a échoué, usé par les drogues et les excès divers, et produira pour lui, en 1977, les disques de la résurrection, The Idiot et Lust For Life. Une amitié et une collaboration artistique qui ne se démentiront jamais : six ans après, Bowie fera même un tube d'une chanson coécrite avec Iggy, China Girl.
Rien que du rock. « Je suis devenu ce que je suis à cause de Mick Jagger et Jim Morrison. J'ai appris à chanter sur le premier disque des Stones, mais c'est en assistant à un concert des Doors que j'ai eu la révélation : il me fallait absolument être au-devant de la scène. » La scène, il ne l'a jamais quittée, Iggy. Avec des hauts et des bas, des accompagnateurs d'occasion (comme Glen Matlock, l'ex-Sex Pistols ou Ivan Kral, l'ancien du Patti Smith Group) et des disques un peu bradés (il en a publié une bonne douzaine à ce jour, pas tous indispensables). Mais l'homme n'a jamais tourné casaque et demeure, sous ses dehors de marginal entêté, le seul vrai candide d'un genre musical devenu affairiste. Mieux, cinquantenaire, le monsieur Pop du rock redémarre une seconde (ou troisième) carrière. Grâce à la chanson extraite de la bande-son du film d'Emir Kusturica, Arizona Dream, le grand public reconnaît enfin l'olibrius. Ces derniers albums, American Caesar et Naughty Little Dog, ne font pourtant aucune concession aux modes ambiantes : rien que du rock, du pur, du dur. Sur scène, Iggy continue de bomber le torse et de déboutonner ses jeans troués. À l'écran, on l'a vu traverser plusieurs films (dont le très beau Dead Man, de Jim Jarmusch). Mais Iggy ne fait jamais de cinéma. Sa passion, le rock and roll, il la vit avec une naïve sincérité. On l'imagine encore parfaitement, dans vingt ans, le micro à la main, éructer Passenger ou I Wanna Be Your Dog. Comme il dit : « Je suis sûr que cette exposition constante aux amplis et aux guitares électriques a fini par modifier mon métabolisme. Après tout, les chanteurs de rock ne sont rien que des formes inférieures de Superman… ».