The Sex Pistols
Groupe britannique de punk formé en 1975 à Londres par John Lydon, alias Johnny Rotten (chant), Steve Jones (guitare), Paul Cook (batterie) et Glen Matlock puis Sid Vicious, mort en 1979, (basse).
En 1973, Malcolm McLaren, propriétaire d'une des boutiques les plus en vue de Kings Road à Londres et manager à ses heures perdues, commence à s'intéresser au groupe formé par deux vieilles connaissances, Paul Cook et Steve Jones. Il leur conseille de prendre comme bassiste Glen Matlock, un jeune homme qui travaille dans son magasin. Les Swankers, ainsi constitués, apprennent péniblement le répertoire de leurs idoles, les Faces et Mott The Hoople. Quelque temps après, McLaren tente de reprendre en main, sans succès, la carrière des New York Dolls, qui se désintègrent définitivement au printemps 1975. Avec les Swankers, il pense tenir sa revanche : un groupe anodin à modeler à sa guise afin d'en faire la formation révolutionnaire de ses rêves. Steve Jones, le chanteur, ne fait pas l'affaire. McLaren l'encourage à prendre la guitare. Reste à trouver l'oiseau rare qui transformera les pathétiques Swankers en fabuleux Sex Pistols.
Profession de foi punk. Au mois d'août 1975, un certain John Lydon, voyou malingre à la langue acérée, traîne à « Sex », la boutique de McLaren, QG de Cook, Jones et Matlock. Impressionnés par son attitude de petite teigne renfrognée, ils décident de l'auditionner. Accoudé au juke-box du magasin, Lydon glapit une version monstrueuse du School's Out d'Alice Cooper. En quelques minutes, les Sex Pistols ont trouvé leur chanteur. Jones le baptise Rotten (pourri) en « hommage » à son caractère infect. Le 6 novembre, les Pistols donnent leur premier concert. La plupart des groupes dont ils font la première partie sont consternés par la violence de leurs prestations scéniques. Pour d'autres, il s'agit d'une révélation. Ainsi Joe Strummer, musicien de pub rock, dissout-il aussitôt son groupe pour monter un ensemble inspiré par les Pistols, Clash … Sans le moindre disque à son actif, la bande de Rotten provoque déjà des remous. En août 1976, les organisateurs du festival punk de Mont-de-Marsan, choqués par leur image, préfèrent se passer de leur présence. Mais, le 20 septembre, les Pistols sont promus officiellement chefs de file du mouvement naissant en assurant la tête d'affiche du premier festival punk de Londres au 100 Club. Sont également présents Subway Sect et Siouxsie and The Banshees, dont le batteur se nomme Sid Vicious. Le même soir, les Sex Pistols jouent à la télévision Anarchy In The UK, véritable profession de foi de Rotten : « Je suis un anarchiste, je suis un antéchrist, je ne sais pas ce que je veux, mais je sais comment l'obtenir… » Plus vomies que chantées par le rocker aux oreilles transpercées d'épingles de nourrice, les paroles sont lancées aux téléspectateurs, comme un avant-goût de la tornade Pistols qui s'apprête à souffler sur l'Angleterre.
Scandale mais succès garanti. Le 8 novembre, les Sex Pistols sont signés sur EMI pour une coquette somme. Pour promotionner le premier single, Anarchy In The UK, Rotten apparaît dans un talk-show et insulte copieusement l'animateur. L'Angleterre est choquée, et les Pistols font la une de tous les quotidiens, devenant le groupe par qui le scandale arrive. Tandis que la plupart des engagements des Pistols sont annulés, EMI résilie son contrat au mois de janvier 1977. Glen Matlock, peu aimé par les autres, qui lui reprochent d'être trop mou, quitte le groupe. Sid Vicious, dangereux délinquant au talent de bassiste inexistant, le remplace. Le 10 mars, A & M signe le groupe pour 75 000 livres sterling. Mais, six jours plus tard, devant les protestations des artistes maison et de la direction américaine du label, le contrat, une fois de plus, est annulé. Pour les Pistols et, surtout, leur roué manager, le bénéfice est net. Finalement, les Sex Pistols signent chez Virgin le 15 mai. Cette fois, c'est la bonne. Début juin, à quelques jours du jubilé de la reine Élisabeth, le scandaleux God Save The Queen (« Longue vie à la reine et au régime fasciste/Elle n'est pas un être humain/Et il n'y a pas d'avenir pour le rêve anglais ») s'arrache comme des petits pains, malgré son interdiction sur les ondes. Dans les jours qui suivent, les membres du groupe sont victimes d'agressions dans les rues de Londres. En août, alors que Pretty Vacant grimpe à l'assaut des charts, les Pistols, bannis de presque partout, entreprennent une tournée secrète sous le nom de Spots (« les Boutons d'acné », mais aussi les initiales de Sex Pistols On Tour). La sortie tant attendue du premier (et unique) album des Pistols est précédée par un nouveau single à polémique, Holidays In The Sun (« Je ne veux pas passer mes vacances au soleil/Je ne veux pas passer un séjour dans le nouveau Belsen »). Never Mind The Bollocks… Here's The Sex Pistols, en dépit du refus de nombreux magasins de présenter le disque (Bollocks signifie « couilles »), arrive directement au sommet du classement des ventes d'albums outre-Manche.
Fin du voyage. Début janvier 1978, les Pistols partent à la conquête de l'Amérique. Mais la fin du voyage ne va pas tarder. Les membres du groupe ne se parlent quasiment plus. Rotten est isolé. McLaren ne supporte pas son intelligence. Cook et Jones, envers qui il n'a cessé de clamer son mépris, le lui rendent bien. Et son seul allié, Sid Vicious, drogué jusqu'aux yeux, n'a d'attention, dans ses rares moments de lucidité, que pour sa compagne, Nancy Spungen, toxicomane elle aussi. Après quelques concerts, les Pistols arrivent le 14 janvier à San Francisco, où ils doivent se produire au Winterland. Ce sera le dernier concert des Pistols. Tandis que Vicious, fidèle à son habitude, offre son torse ensanglanté au public, Rotten jette à la foule (ou à lui-même) : « Vous n'avez jamais eu le sentiment de vous être fait flouer ? ». Et c'est fini. Le soir même, McLaren a donné des ordres d'interdire l'accès de l'hôtel au chanteur qui vient de casser son lucratif jouet. Rotten rentre tant bien que mal à Londres. Le 16, les Sex Pistols sont officiellement déclarés dissous. Sid Vicious fait une overdose, mais survit. Cook et Jones s'envolent pour Rio, à l'invitation de Ronnie Biggs, grand bandit anglais émigré au Brésil, auteur de la fameuse attaque du train postal. Ils enregistrent avec lui le douteux No One Is Innocent. Au printemps, tandis que Rotten, qui a repris son vrai nom (Lydon), monte un nouveau projet, Public Image Limited, Cook, Jones et Vicious jouent avec Johnny Thunders tout en achevant le tournage du long-métrage commandité par McLaren, la Grande Escroquerie du rock'n'roll.
Charognards. En juillet, Vicious, après avoir enregistré une version savoureusement calamiteuse de My Way (version anglaise du Comme d'habitude de Claude François), donne un concert d'adieu à Londres avant de s'installer avec Nancy Spungen au Chelsea Hotel de New York. Le 11 octobre, Spungen est trouvée morte poignardée, aux côtés d'un Vicious hagard ; arrêté pour meurtre, il est placé en centre de désintoxication. McLaren paye une caution pour le faire libérer. Le 2 février 1979, Vicious meurt d'une overdose d'héroïne. La triste saga aurait du se terminer là. Mais McLaren a encore de l'argent à gagner dans l'affaire. Paraissant sous le nom des Sex Pistols, plusieurs singles extraits de la bande originale du film la Grande Escroquerie du rock'n'roll (Something Else et C'mon Everybody par Vicious, Silly Thing par Cook et Jones …) entrent dans les charts au cours de l'année. En août, l'album Some Product, recueil insignifiant d'interviews, est publié, suivi quelques mois plus tard par le plus cynique encore Flogging A Dead Horse (en argot : revendre un cheval mort). Depuis la séparation, les membres du groupe vivent dans l'ombre de la formation exceptionnelle qui fit leur gloire. À part Lydon qui, avec PIL, a connu un succès relatif, les projets divers de Cook ou Jones — Professionnals, Chiefs Of Relief, Chequered Past… — n'ont eu que peu de répercussions. Jones s'installe à Los Angeles au début des années 1980. En 1986, alors que sort sur les écrans le film d'Alex Cox Sid and Nancy, les ex-Pistols gagnent le procès qui les opposait à leur ancien manager. Les rumeurs de reformation, qui n'ont eu d'équivalent dans l'histoire du rock que celle des Beatles, reprennent de plus belle. Lydon s'y refuse catégoriquement. Il faudra attendre dix ans de plus pour que le fantasme ou le cauchemar deviennent réalité. En 1996, quelques mois après les retrouvailles du Fab Four moins un en studio, Lydon, Cook, Jones et le revenant Matlock annoncent leur retour au cours d'une conférence de presse qui ne laisse aucun doute sur leurs motifs profonds : « Nous nous retrouvons, non pas parce que nous nous aimons plus qu'avant ou que l'on en ait spécialement envie, mais parce qu'il y a sûrement encore un peu d'argent à voler », prévient Rotten, son sarcasme intact.