Henri Giraud
Général français (Paris 1879-Dijon 1949).
1. Le valeureux soldat
Sorti de Saint-Cyr dans l'infanterie en 1900, il est blessé et fait prisonnier près de Guise (1914). Il s'évade, regagne la France et se bat à Malmaison (1917).
Appelé au Maroc par Lyautey, Giraud se distingue dans la campagne du Rif (1922-1926), puis dans la réduction des dernières poches de dissidence (Tafilalet, 1932 ; Haut Atlas, 1933).
Commandant la VIe région à Metz en 1936, il est à la tête de la VIIe armée en 1939 et entre avec elle en Belgique le 10 mai 1940. Le 15 mai, après la percée allemande de la Meuse, il remplace Corap à la tête de la IXe armée, mais est fait prisonnier le 18, à Wassigny, et emmené à Königstein (Saxe), d'où il s'évade en avril 1942.
2. Commandant en chef civil et militaire de l'Afrique française
Passé à Gibraltar, puis à Alger, en novembre 1942, il assume, à la mort de Darlan, le commandement en chef civil et militaire de l'Afrique française. D'emblée, il bénéficie d'une position supérieure à celle de son prédécesseur. Il a également la confiance des Alliés, en particulier des Américains, et le soutien de l'armée et des communautés européennes, sans avoir à se laver du reproche d'avoir servi le maréchal Pétain et pratiqué une politique de collaboration avec les Allemands.
En accord avec son entourage, Giraud se refuse à préjuger de l'avenir politique de la France avant la fin de la guerre. Il envisage simplement de recourir au moment de la Libération à la loi Tréveneuc de 1872 permettant aux conseillers généraux de désigner un gouvernement provisoire. Cette solution interviendrait alors dans le cadre d'une large réconciliation, dont seraient exclus les communistes. Rejetant l'aspect institutionnel au second plan, Giraud entend consacrer tous ses efforts à l'entrée de l'Afrique dans la guerre. Sa politique se résume en une formule brève : « Un seul but, la victoire ! ».
Cette orientation conduit à des négociations immédiates avec les Alliés, menée en grande partie par Jean Monnet. Dès janvier 1943, par les accords d'Anfa, les Américains acceptent de réarmer 8 divisions dont 3 blindées, de mettre sur pied 17 groupes aériens et d'assurer la refonte et la modernisation des bâtiments les plus récents de la marine française comme le cuirassé Richelieu, les croiseurs de type Montcalm ou Triomphant, indépendamment de la livraison d'unités légères. La France pourra participer ainsi, de manière modeste mais efficace, aux combats destinés à libérer le pays et à entraîner la chute des puissances de l'Axe.
3. Le duel Giraud-de Gaulle
Fort de sa position, Giraud peut écarter une offre de rapprochement du général de Gaulle Il est vrai que cette offre est conçue comme une offre de subordination de l'autorité d'Alger à une France libre qui bénéficie d'une large antériorité, qui n'a jamais cessé le combat et dont les membres sont exempts de compromission à l'égard d'un régime né de la défaite. De Gaulle reproche encore à celui qui devient son rival de rejeter le politique au second plan, d'établir une confusion fâcheuse entre le civil et le militaire et de se placer dans la dépendance des Américains. Lors de la conférence de Casablanca, les Alliés, Roosevelt en particulier, tentent de mettre fin au différend et d'aboutir à une entente entre les deux groupes. Il faut l'ultimatum en règle de Churchill, menaçant de supprimer son soutien à la France libre, pour obliger de Gaulle à se rendre au Maroc, dans un « territoire français » occupé par « les étrangers ».
Malgré une poignée de mains destinée aux photographes, la rencontre Giraud-de Gaulle du 24 janvier est entièrement négative. Pour Giraud, la France doit se réhabiliter par les armes et son avenir politique ne se dessinera qu'après la capitulation de l'Allemagne. Pour de Gaulle, la tâche primordiale est politique : il faut amener les Alliés à reconnaître l'autorité de la France combattante avant même la Libération.
4. Le rapprochement avant …
Le rapprochement finit par intervenir au printemps, avec l'arrivée de de Gaulle à Alger, le 30 mai 1943. Pour des raisons diverses, les deux hommes ont intérêt à ce rapprochement. Au lendemain de la victoire de Tunisie, où l'armée d'Afrique avait joué un rôle important, Giraud bénéficie d'un prestige et d'une base matérielle supérieur à son rival. En revanche, sa position politique s'affaiblit. Peu nombreux au départ, les gaullistes d'Alger ont su gagner en influence en s'appuyant notamment sur l'hostilité des Israélites, des communistes et de la gauche au pouvoir de Giraud. Ils ont obligé Giraud, par son discours du 13 mars 1943, à effectuer un virage démocratique et à rompre avec l'héritage de Vichy. Cette déclaration eut pour seul résultat d'indisposer ses partisans, sans donner satisfaction à ses adversaires.
5. …l'élimination
En principe, Giraud et de Gaulle se trouvent sur un pied d'égalité. Ils bénéficient de la même autorité, au sein du conseil d'Empire rebaptisé en Comité français de libération nationale (CFLN). Toutefois, dès le départ, l'homme du 18 juin démontre son évidente supériorité manœuvrière sur son rival. Il fait entrer dans le conseil ses fidèles de la France libre, tout en obtenant le départ des anciens « proconsuls » de Vichy comme Noguès, Boisson, Peyrouton. Il impose une épuration de l'armée.
Au lendemain, enfin, de la libération de la Corse, menée par Giraud seul, de Gaulle lui reproche d'avoir agi sans en référer au Comité et réussit le 9 novembre 1943 à l'écarter de la coprésidence du CFLN.
Privé de toute autorité politique, Giraud est relégué dans les fonctions purement symboliques d'inspecteur général de l'armée. Ainsi disparaît de la scène un valeureux soldat, dénué de tout sens politique, mais qui a eu le mérite d'obtenir des Alliés, le réarmement des forces françaises d'Afrique.
Revenu en France, Giraud assume jusqu'en 1948 la vice-présidence du Conseil supérieur de la guerre. Il a écrit : Mes évasions (1946) et Un seul but, la victoire (1949). Il est inhumé aux Invalides.
Pour en savoir plus, voir les articles Histoire de la France, Seconde Guerre mondiale.