Georges Brassens
Auteur-compositeur et chanteur français (Sète, Hérault, 1921-Saint-Gély-du-Fesc, Hérault, 1981).
« Chez moi, le musicien est plus instinctif que le poète », confia Georges Brassens, dont les chansons célèbrent la tendresse et la liberté dans un même amour des mots simples et des gens simples.
L'esprit libertaire
Né le 22 octobre 1921, Georges est le fils d’Elvira et de Jean-Louis Brassens, ouvrier maçon. Il fréquente sans conviction le collège Paul-Valéry de Sète jusqu’en classe de seconde, car, déjà, il joue d’un vieux banjo et, avec ses copains, chante le répertoire de Charles Trenet. Encouragé par son professeur de français, Alphonse Bonnafé, qui lui fait aussi découvrir les grands auteurs, il compose ses premières chansons. Il a 18 ans lorsqu’il débarque chez une tante, à Paris. Entré comme apprenti tourneur chez Renault, à Billancourt, il effare ses compagnons d’atelier en fredonnant le refrain : « Quand Margot dégrafait son corsage / Pour donner la gougoutte à son chat… » (Brave Margot).
Revenu à Sète pendant l’exode, Brassens quitte la France au printemps 1943, mais il ne peut échapper au S.T.O. Profitant d’une permission à Paris, en 1944, il déserte et s’installe chez le couple Planche, dans une impasse du XIVe arrondissement. Entre-temps, il s’est passionné pour la poésie, celle de Villon, de La Fontaine, de Victor Hugo (dont il connaît le Ruy Blas par cœur), de Verlaine, de Mallarmé et de son compatriote sétois, Paul Valéry. Lui-même a déjà publié deux recueils. À la Libération, il commence à faire le tour des éditeurs de chansons – sans succès. Complètement désargenté, il ne doit de survivre qu’aux Planche – il leur dédiera la chanson la Cane de Jeanne (1953). Il se met à la lecture des auteurs anarchistes (Kropotkine) et devient lui-même le rédacteur en chef du journal le Monde libertaire.
Le poète réfractaire
Avec sa première guitare, Brassens fait quelques passages, furtifs et anonymes, dans divers cabarets parisiens, jusqu’à ce jour de 1952 où il obtient un contrat dans le restaurant que tient la chanteuse Patachou, à Montmartre. Il est alors lancé : cette même année, le Gorille sort sur disque, marquant l’acte de naissance de sa carrière de chanteur-compositeur-parolier, mais la chanson reste interdite à la radio jusqu’en 1956. Abandonnant le cabaret, où l’« on a trop l’impression de chanter pour quelques privilégiés qui paient le troubadour », Brassens se réserve pour un tour de chant annuel au music-hall. Son apparition au cinéma (Porte des Lilas, R. Clair, 1957) est sans lendemain. Il veut avant tout rester fidèle à sa personnalité de « réfractaire » comme le dépeint Alphonse Bonnafé : « La célébrité ne mord pas sur lui, pas plus que n’avait fait la misère. » Il protège sa vie avec sa compagne et ménage sa santé quand elle devient fragile.
Brassens va enregistrer 119 chansons et publier douze albums. Il cherche à faire partager sa vision humaniste (les Amoureux des bancs publics, 1953 ; les Copains d’abord, 1964), tout en raillant les tabous de la société française, à commencer par le sexe (la Chasse aux papillons, 1955 ; Cupidon s’en fout, 1976) et la religion (le Mécréant, 1960 ; Tempête dans un bénitier, 1976). Il met aussi en musique de nombreux poètes, surtout Paul Fort (le Petit Cheval, 1952 ; l’Enterrement de Verlaine, 1961), mais aussi Villon (Ballade des dames du temps jadis, 1952), Jammes (la Prière, 1953) ou encore Aragon (Il n’y a pas d’amour heureux, 1954). Derrière des accords à la guitare d’une apparente simplicité, on devine l’influence jazzy d’un Django Reinhardt.
Reconnaissante à un orfèvre du langage, qui manie toujours ce dernier avec justesse, esprit et invention – jusque dans l’usage de la langue verte –, l’Académie française décerne à Brassens, en 1967, son grand prix de poésie. S’il écrit une vingtaine de chansons par an, il en jette la moitié. « Souvent, admet-il, je bute sur un mot. Je garde alors le texte deux ou trois mois jusqu’à ce que je trouve le mot juste. Je suis très exigeant. » Cette exigence vaudra à ses chansons d’être étudiées au lycée et, plus généralement, de faire partie intégrante du patrimoine français. Dès le début des années 1970, Brassens ne publie plus que deux albums, puis il renonce à la scène et limite ses apparitions en public à de rares exceptions. Il meurt le 29 octobre 1981.
Brassens en scène
Jour de consécration pour Georges Brassens le 23 février 1954 : il passe pour la première fois à l’Olympia, le plus célèbre music-hall de Paris. Sur scène, le même rituel se répète toujours. Posant le pied gauche sur un tabouret, sans jamais changer de position, Brassens s’accompagne à la guitare et lui-même est accompagné par son contrebassiste, Nicolas. Entre chaque chanson, il s’accorde avec lui sur celle qui va suivre. Parfois, c’est Nicolas qui, réagissant aux désirs du public, lui en souffle le titre. Brassens boit une gorgée du verre d’eau qui est en permanence à sa disposition – verre d’eau devenu aussi légendaire que la pipe qu’il laisse dans sa loge, mais dont il tire d’avides bouffées aussitôt le récital terminé.