Asif Ali Zardari

Abdullah Gül  et Asif Ali Zardari
Abdullah Gül et Asif Ali Zardari

Homme d'État pakistanais (Nawabshah 1955).

1. Dans l'ombre de sa femme, Benazir Bhutto

Fils d'un homme d'affaires de Karachi, Asif Ali Zardari épouse la coprésidente du parti du Peuple pakistanais (PPP), Benazir Bhutto, en 1987, un an avant que celle-ci n'accède au poste de Premier ministre du Pakistan, à la suite de la victoire de son parti aux élections législatives de 1988. Les années qui suivent voient alors sa fortune considérablement augmenter, jusqu’à alimenter des soupçons de corruption, de complicité de meurtre et d’extorsion de fonds, toutes choses pour lesquelles il sera, à plusieurs reprises, incarcéré.

Embrassant la carrière politique, A. Zardari devient membre de l'Assemblée nationale (1990-1996) puis sénateur (1997-1999) et occupe les postes de ministre de l'Environnement (1993-1996) et de l'Investissement (1995-1996) dans le second gouvernement de son épouse. Comme cette dernière, il est écarté des affaires publiques à l’issue coup d’État de Pervez Mucharraf en 1999. Après des années en prison, en 2004 il rejoint sa famille en exil à Londres puis à Dubaï.

De retour dans son pays en octobre 2007, il est élu, au lendemain de l'assassinat de B. Bhutto alors en campagne pour les élections législatives (décembre 2007), à la co-présidence du PPP : il cède le leadership de cette formation à son jeune fils Bilawal Bhutto-Zardari, encore étudiant.

2. À la conquête du pouvoir politique, l'héritier des Bhutto

Personnalité controversée, y compris au sein du PPP, A. Zardari mène ce dernier à la victoire lors des élections législatives de février 2008. Il confie le poste de Premier ministre à un proche, Yousaf Raza Gilani, qu'il place à la tête d'un cabinet de coalition le 24 mars, et prépare avec son allié et rival Nawaz Sharif, de la PML-N (→ Ligue musulmane), la destitution du président Pervez Mucharraf. Blanchi au même moment des accusations de corruption qui lui étaient imputées, il peut dès lors prétendre à de hautes responsabilités publiques. Désireux de mener la procédure parlementaire d'« impeachment » jusqu'à son terme, il contraint P. Mucharraf à démissionner en août et, rompant l'engagement pris auprès des leaders de la PML-N, annonce peu après sa candidature à la magistrature suprême, ce qui précipite l'éclatement de la coalition au pouvoir.

Il n'en est pas moins facilement élu chef de l'État le 6 septembre par les grands électeurs (membres du Parlement et des assemblées provinciales), obtenant 481 suffrages, contre 153 au magistrat Saïd-uz-Zaman Siddiqui de la PML-N et 44 pour Mushahid Hussain, un proche de l'ancien président.

3. Au sommet de l'État, une personnalité contestée

À ce poste, les défis, nombreux, peuvent apparaître à bon droit insurmontables : aggravation rapide et dramatique de la situation économique ; intensification dès l'automne de la menace islamiste, notamment à la frontière avec l'Afghanistan, mais aussi à partir du printemps 2009, jusqu'aux portes d'Islamabad, avec l'avancée des talibans dans la vallée de Swat ; multiplication des attentats, souvent spectaculaires et toujours sanglants ; hostilité de l'armée dont les services secrets, partiellement réformés en novembre 2008, sont impliqués dans la préparation des attentats de Bombay (26-29 novembre) ; contentieux consécutif avec le grand voisin indien et escalade de la tension au tournant 2009 ; enfin crise politique en février-mars.

À la tête d'un pouvoir très affaibli et d'un pays proche du chaos, et malgré une évidente habileté tacticienne, A. Zardari semble ne devoir son maintien qu'au soutien des Américains pour lesquels l'intégrité d'un Pakistan – base arrière de la lutte contre les talibans en Afghanistan –, est une priorité majeure. Son leadership ne cesse de s'amenuiser : en décembre 2009, la Cour suprême invalide l’amnistie décrétée par l’ancien président Mucharraf et qui, entre autres, le concernait. Elle ouvre dans la foulée des procédures sur ses comptes bancaires suisses ainsi que de possibles détournements de fonds dont il se serait rendu coupable.

En avril 2010, l’Assemblée adopte une réforme constitutionnelle (18e amendement qui restore les droits et prérogatives du Parlement, amoindris à l’issue du coup d’État de 1999. Le régime présidentiel appartient dès lors au passé, et c’est le Premier ministre Gilani, respecté pour son intégrité et son attitude consensuelle, qui fait figure d’homme fort du pays. L'absence du chef de l'État au début des dramatiques inondations de la mousson 2010 puis son rejet de la proposition d’union sacrée lancée par N. Sharif en vue de créer une commission indépendante chargée de collecter les fonds destinés à secourir les victimes et financer la reconstruction, enfin l’incurie des services de l’État lors de cette catastrophe humanitaire majeure – la pire qu’ait connue le Pakistan – achèvent de le discréditer auprès d’une population exaspérée.

En octobre 2011, A. Zardari est impliqué dans le « memogate » : le gouvernement pakistanais aurait offert ses services aux États-Unis en échange de leur appui contre la menace de putsch que l’armée ferait planer dans le contexte de l’agitation suscitée dans le pays à l’issue de l’opération d’élimination de Ben Laden par un commando américain au début de mai. Victime d’une crise cardiaque, A. Zardari quitte momentanément la scène politique nationale à la fin de l’année mais, contrairement aux supputations et même aux attentes de l’opinion, ne s’en retire pas. Soigné à Dubaï, il la regagne bientôt, alors que le Premier ministre Gilani, rattrapé par la justice pour obstruction dans les enquêtes concernant la fortune du président en février 2012, est contraint à démissionner en juin. De toute évidence, le nouveau chef du gouvernement, Raja Pervez Ashraf, ne semble guère en mesure de protéger un président plus que jamais menacé par les procédures en cours, le discrédit dont il est l’objet, l’influence des militaires et la demande pressante de changement qui émane du pays.

4. Fin et bilan de mandat (2013)

La nette victoire de la Ligue musulmane de Nawaz Sharif, promu Premier ministre, aux élections générales de mai 2013 puis l’élection à la fin de juillet par le nouveau collège électoral de son successeur à la tête du pays, Mamnoon Hussein, entrepreneur du Sind et homme lige de l’équipe exécutive désormais en place, constituent autant de désaveux cinglants pour A. Zardari et son parti, ramené à l’état de formation régionale et de composante marginale de l’opposition.

Pourtant, ce départ de la scène publique nationale, effectif en septembre 2013, ne s’accomplit pas que dans un climat de complète désapprobation voire de déshonneur : A. Zardari peut en effet se targuer d’être le seul chef d’État pakistanais démocratiquement élu à avoir mené jusqu’à son terme son mandat. Et même si sa présidence reste associée à l’affaiblissement du pays, en elle-même et par elle-même, elle n’en a pas moins contribué à asseoir la normalisation d’un régime jusque là caractérisé par la fréquence des coups d’État et à valider le principe d’alternance comme modalité de succession pacifique au pouvoir.

Pour en savoir plus, voir l'article Pakistan.