Pervez Mucharraf
Général et homme d'État pakistanais (New Delhi 1943).
1. Un putchiste en quête de légitimité
Né dans une famille de fonctionnaires de la région de Delhi, qui émigre à Karachi après la partition, il intègre l'armée pakistanaise en 1964 et s'illustre dans les guerres avec l'Inde de 1965 et 1971. Général (1998) puis chef d'état-major des armées (avril 1999), il supervise les opérations du conflit de Kargil de mai à juillet puis, après le fiasco de cette nouvelle initiative au Cachemire, en octobre 1999 renverse le Premier ministre Nawaz Sharif et s'empare du pouvoir.
Devenu chef de l'exécutif, il suspend les assemblées avant de se proclamer président de la République en juin 2001. Faisant mine de se rallier, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, au combat visant à renverser le régime des talibans en Afghanistan il s'emploie à démanteler au Pakistan les infrastructures servant de base à l'islamisme militant, redorant ainsi auprès de la communauté internationale le blason de son pays, terni par les essais nucléaires de 1998 et sa prise du pouvoir en 1999. Ce faisant, il trouve auprès des puissances occidentales, notamment des États-Unis, un appréciable soutien diplomatique et financier.
En avril 2002, le référendum qu'il organise sous forme de plébiscite pour légitimer son statut de président et continuer à exercer le pouvoir pendant les cinq années qui suivront les élections législatives prévues pour octobre, entaché d'irrégularités, et boudé par les électeurs, est un échec, qu'il finit par reconnaître publiquement. Mais la consultation populaire d'octobre 2002 place en tête le parti qui le soutient, la Ligue musulmane du Pakistan (PLM-Q), et lui permet de former une coalition majoritaire.
2. La cible de tous les mécontentements
Toutefois, face à la paralysie des institutions organisée par l'opposition en guise de protestation contre les irrégularités du scrutin et l'autoritarisme du régime, Pervez Mucharraf signe à la fin de 2003 un accord avec de petites formations islamistes, ce qui lui permet d'obtenir la confiance des assemblées nationales et provinciales ainsi que le vote d'un amendement légitimant a posteriori le coup d'État de 1999, puis, en 2004, un blanc-seing pour cumuler ses fonctions de président et de chef des armées jusqu'en 2007.
Sa lutte (bien qu'ambiguë et inaboutie) contre les fondamentalistes, son alliance (concrète mais refoulée) avec Washington, de même que les tentatives qu'il mène (sans grand succès tangible) pour rapprocher son pays de l'Inde et d'Israël, entre autres, lui valent l'hostilité croissante des islamistes ainsi que près d'une dizaine de tentatives d'assassinat.
Les ratés d'une croissance économique qui ne s'accompagne nullement d'une diminution de la pauvreté et de la corruption, l'absence de tout signe fort de retour à la démocratie et l'incurie du gouvernement face aux conséquences du grave tremblement de terre d'octobre 2005 dans le nord du pays achèvent de lui aliéner la population civile.
De fait, l'année 2007 est celle de toutes les contestations :
– mécontentement populaire lié à la hausse des prix, révolte des islamistes (guérilla continue au Nord-Waziristan et affrontements autour de la mosquée Rouge d'Islamabad, puis séries d'opérations de déstabilisation et d'attentats après son assaut par les forces de l'ordre en juillet),
– bras de fer avec la Cour suprême que les démocrates appuient dans son refus de permettre au président de renouveler son mandat tant qu'il le cumule avec la fonction de chef des armées,
– inquiétude et irritation de Washington face à la dégradation de la situation intérieure,
– retour en définitive concédé des deux anciens Premiers ministres et leaders de l'opposition exilés, Benazir Bhutto et Nawaz Sharif, dans le cadre de la préparation des élections législatives prévues pour janvier 2008.
Finalement réélu par les assemblées en octobre 2007, Pervez Mucharraf impose le 3 novembre l'état d'urgence, qu'il lève le 16 décembre, après avoir été confirmé dans ses fonctions le 24 novembre par une Cour suprême qu'il a épurée – et peuplée de ses partisans. Il quitte néanmoins l'habit de chef des armées le 28 novembre, sans toutefois relâcher la pression sur les juges et les opposants. Mais il demeure impuissant à contenir les violences qui font rage à la fois sur la frontière nord-ouest et dans les grandes villes pendant la campagne électorale (assassinat de B. Bhutto le 27 décembre lors d'un meeting à Rawalpindi).
En août 2008, lâché par les États-Unis et devenu pour l'opinion publique pakistanaise et la coalition au pouvoir un obstacle à la transition démocratique, Pervez Mucharraf, après avoir tenté coûte que coûte de se maintenir à la magistrature suprême, annonce sa démission pour éviter une procédure de destitution.
Après son inculpation en mars 2014, son procès est ajourné à plusieurs reprises jusqu’au verdict prononcé en décembre 2019 le condamnant à mort par contumace pour haute trahison alors qu’il est exilé à Dubaï depuis 2016 et hospitalisé. La sentence est toutefois annulée par la Haute Cour de Lahore en janvier 2020.
Pour en savoir plus, voir l'article Pakistan.