Adolfo Suárez
Homme politique espagnol (Cebreros, province d'Ávila, 1932-Madrid 2014).
1. L’homme de la transition démocratique
Gouverneur civil de Ségovie en 1968, directeur général de la Radio-télévision espagnole (1969-1973), il entre en 1975, en tant que « ministre secrétaire général du Mouvement » (phalangiste) dans le dernier gouvernement de Franco, présidé par le très conservateur Carlos Arias Navarro.
Après la mort du Caudillo, il est choisi en juillet 1976 par le roi Juan Carlos pour diriger la transition démocratique de l’Espagne. Réformateur résolu à mener jusqu’au bout cette mission, il accomplit sa tâche en étroite collaboration avec le souverain avec une grande habileté politique en respectant un certain nombre d’étapes afin d’empêcher tout retour en arrière, n’hésitant pas à mettre ses adversaires devant le fait accompli.
2. Les étapes de la démocratisation
Après avoir obtenu l’autodissolution des Cortes franquistes en leur faisant adopter la loi sur la réforme politique (novembre 1976) posant les premiers fondements du nouvel État de droit, il s’assure de la loyauté de l’armée grâce à l’appui du roi et en remaniant son état-major mais sans pour autant la purger.
La légalisation des partis politiques ayant débuté en février 1977, le président du gouvernement franchit une étape critique en avril de la même année en permettant, à l’issue de discussions secrètes, celle du parti communiste (PCE). Son secrétaire général Santiago Carrillo devient alors l’un de ses plus sûrs alliés, alors que pour A. Suárez comme pour J. Carlos, la priorité absolue est d’éviter une polarisation de la société espagnole qui ressusciterait le spectre de la guerre civile.
Ce danger semble écarté à l’issue des premières élections législatives (15 juin) : l’Union du centre démocratique (UCD), coalition de forces modérées et centristes fondée avec peine par A. Suárez, l’emporte avec 34,5 % des suffrages et 165 sièges sur 350 devant le parti socialiste (PSOE, 24,4 % et 103 sièges). La droite conservatrice héritière du franquisme, rassemblée dans l’Alliance populaire, n’obtient que 8 % des voix et 16 sièges, tandis que le PCE arrive en quatrième position avec 6 % des suffrages devant les divers partis catalans et basques qui ont accepté les conditions de la démocratisation.
Une autre tâche essentielle du président du gouvernement est en effet la reconnaissance des « nationalités », mais dans le cadre de la monarchie et d’un État unitaire. Les négociations avec les nationalistes modérés conduisent ainsi à l’adoption de nouveaux statuts d’autonomie pour la Catalogne et le Pays-Basque en 1979.
Par ailleurs, le pacte de la Moncloa conclu en octobre 1977 avec les syndicats réformistes et les partis permet de désamorcer les tensions sur le terrain économique et social.
L’approbation par référendum de la nouvelle Constitution (1978) avec le soutien de la plupart des formations politiques puis les élections de 1979 légitiment et enracinent la « transition ». Le président du gouvernement sort vainqueur du scrutin : l’UCD vient en tête avec 35 % des voix et 168 sièges devant le PSOE (30,5 % et 121 députés). La droite est alors défaite tandis que le PCE remporte 10 % des suffrages.
3. Le retrait de la vie politique
Cette « politique de la concorde » prend fin avec la démission volontaire de A. Suárez en 1981 en raison des dissensions naissantes dans son propre camp. Alors que les conservateurs se sont réorganisés au sein de l’Alliance populaire, son nouveau parti, le Centre démocratique et social (CDS), ne rencontre pas le succès escompté aux élections législatives de 1982 (6,4 % des voix) qui portent au pouvoir les socialistes. Il quitte la présidence du CDS et se retire de la vie politique en 1991.
Pour en savoir plus, voir l'article Espagne : vie politique depuis 1976.