Dioscures

Les Dioscures.
Les Dioscures.

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Les deux frères Castor et Pollux, nés à Thérapné (ou à Amyclées) en Laconie.

Sur leur ascendance, les versions diffèrent : chez Homère, ils sont les fils de Léda et du roi de Sparte, Tyndare (d'où leur nom de Tyndarides), et frères d'Hélène et de Clytemnestre ; chez Horace, tous trois, nés le même jour, sont les enfants de Léda et de Zeus. Chez Pindare, seuls Pollux et Hélène sont les enfants de Zeus, Castor ayant eu pour père Tyndare. Aussi Castor n'est-il pas, comme son frère, immortel. Et, selon Ausone, « Ces enfants [Castor, Pollux, Hélène] que tu vois éclore de trois œufs, tu peux affirmer qu'ils sont nés de pères doubles et de doubles mères. Némésis les a engendrés, mais Léda fécondée les a couvés. Tyndare est leur père et Jupiter aussi. L'un [Tyndare] croit l'être, l'autre sait l'être. »

Ils sont armés d'une lance et, sur leurs épaules nues, est attachée une chlamyde flamboyante. Flamboyants également leurs cheveux ; et leurs joues sont dépourvues de toute trace de barbe. Suivant les traditions tardives, ils sont nés, comme leur sœur, d'un œuf ; à leur naissance, ils cassent en deux la coquille et chaque moitié leur sert de couvre-chef. Ils se déplacent sur des coursiers blancs.

Si Castor se distingue dans l'art de dompter et de monter les chevaux, Pollux passe pour un redoutable combattant à mains nues, quoique tous deux soient considérés comme des cavaliers émérites.

Leurs aventures

Leur légende peut se décomposer en trois phases :

Ils délivrent leur sœur Hélène que Thésée a enlevée et cachée dans la ville d’Aphidna, au nord-est d’Athènes. Grâce à l’appui de Ménesthée, le fils de Pétéos, ils établissent en outre à Athènes un régime hostile à Thésée, contraignant celui-ci à s’exiler sur l’île de Scyros, chez le roi Lycomède, son parent qui, néanmoins, l’assassinera.

Ils participent à l’expédition des Argonautes, au côté de Jason. Pollux, dans un affrontement au ceste, tue Amycos, le farouche roi des Bébryces. Ils éloignent une tempête qui menace les navires ; après quoi, les étoiles scintillent au-dessus des mâts et de leurs têtes. Ce qui explique que les deux frères sont parfois représentés montés sur des coursiers blancs, portant lance et casque surmonté d’une étoile. En Colchide, ils fondent la cité de Dioscuries. De retour à Iolcos, ils aident Jason à détrôner Acaste, le fils de Pélias. On a également écrit qu’Orphée, initié aux mystères, a su écarter la tempête dans laquelle est pris le navire des Argonautes ; mais qu’à ce moment, deux étoiles tombent sur la tête de Castor et de Pollux ; ainsi, quand les marins sont victimes d’un grain violent, ils prient les dieux de Samothrace et attribuent à la présence des Dioscures les étoiles qui scintillent dans le ciel.

Ils enlèvent les deux filles du roi Leucippos, Hilæra (ou Hilaira) et Phœbé ; leurs deux fiancés, Idas et Lyncée, les fils d’Apharéos, veulent venger cet affront en se mesurant aux Dioscures. Castor périt (sauf chez Théocrite) dans l’affrontement, mais Pollux, blessé, immortel, est enlevé par son père, Zeus. La mort de son frère étant une source trop grande de chagrin, Pollux supplie son père de lui faire partager le sort de Castor. Zeus trouve un compromis : les inséparables jumeaux vivront ensemble un jour dans le royaume des morts, le lendemain parmi les dieux ; on dit aussi qu’ils passent ensemble un jour chez les dieux, et un jour sur Terre à Thérapné, entre Sparte et Amyclées. Suivant Euripide, Zeus a placé les deux frères parmi les étoiles, ce qui a donné naissance à la constellation des Gémeaux.

Le culte

Le culte des « Frères coiffés de bonnets » – car les Lacédémoniens combattent ainsi couverts – se répand largement, à Sparte notamment, qu'ils protègent et où ils reçoivent les honneurs divins ; ils sont célébrés à travers les théoxénies, et, parce qu'ils sont les inventeurs de la danse guerrière, leur culte est probablement à mettre en relation avec l'initiation aux armes des jeunes Spartiates : avant d'affronter l'ennemi, les flûtistes jouent l'air de Castor. Le culte des Dioscures est étendu dans toute la Grèce, en Italie et en Sicile. La légende veut cependant qu'ils soient ensevelis en Messénie. Ils sont les protecteurs des amitiés fidèles. Poséidon, ou Zeus, en récompense de leur fraternité exemplaire, leur accorde la maîtrise des vents et des vagues ; aussi sont-ils considérés comme les protecteurs des marins, principalement en Italie ; ils s'identifient au feu de Saint-Elme (adaptation chrétienne du mot Hélène, leur sœur) qui apparaît, au haut des mâts ou des vergues, pour signaler la fin d'une tempête. Ils inspirent les poètes et les chantres, et sont à l'origine des jeux gymniques et des danses.

À Rome, à une époque très ancienne, seul Castor bénéficie d'un culte remarquable. On l'honore à l'intérieur du pomoerium, fait notable puisque rares sont les dieux étrangers à pénétrer à l'intérieur de l'enceinte sacrée. Son sanctuaire se trouve proche de la fontaine de Juturne.

Lors de la bataille du lac Régille (499 ou 496 av. J.-C.), qui oppose les Romains aux Latins, les Dioscures sont intervenus pour seconder la cavalerie du commandant en chef des armées de Rome, Aulus Postumius ; ce dernier forme le vœu de leur ériger un temple, en cas de victoire – Castor étant le dieu tutélaire de la ville ennemie, Tusculum ! Selon une autre version, d'origine hellénique, au soir de la bataille, deux cavaliers font boire leur monture à l'eau de la fontaine de Juturne puis, après avoir annoncé la victoire des Romains sur leurs adversaires (la victoire de Pydna suivant d'autres traditions), ils disparaissent comme par enchantement. Cet événement, également cité par Valère Maxime et par Florus, s'est déroulé en 168 av. J.-C. ; le prodige tient au fait que le temple, attenant à la source Juturne, a été ouvert sans intervention humaine. Castor aura donc son temple à l'intérieur du pomoerium, dédié le 15 juillet 484 av. J.-C., soit une quinzaine d'années après l'affrontement. Tibère restaure l'édifice et, en 6 apr. J.-C., il le consacre aux jumeaux.

Si Castor est honoré chez les Romains, alors que son frère est ignoré, c'est qu'il est depuis longtemps considéré comme le patron des cavaliers, et la cavalerie romaine, dont le corps se recrute essentiellement parmi l'aristocratie, est également une force politique, qui joue un rôle important dans l'établissement du régime consulaire. Ce corps d'élite a besoin d'être épaulé par une force divine. Lors des Dioscuries (15 juillet), les cavaliers défilent depuis la porte Capène jusqu'au Forum, ils observent une halte au sanctuaire de Castor.

Variantes

I. L'affrontement entre les Apharides et les Dioscures a une autre origine : les deux frères leur ont volé du bétail en Arcadie, qu'ils ont ensuite mené à Mycènes. Les fils d'Apharéos ont alors mis la cité à sac, et c'est dans la bataille que Castor a perdu la vie.

II. Quand ils ont appris qu'Hélène a été enlevée (par Pâris), ils s'embarquent pour se lancer à sa recherche. Lors d'une escale près de Lesbos, une tempête éclate, à la suite de laquelle ils disparaissent. Malgré les recherches, on ne les retrouve pas ; mais le bruit court qu'ils sont devenus des dieux à la demande de leur sœur Hélène.

Voir aussi : Castor, Pollux, Idas

Hymne aux Dioscures

Je chante les fils de Léda et de Zeus qui porte l'égide ; je chante Castor, et son frère Pollux terrible aux luttes du pugilat, quand le ceste arme de ses lourdes courroies sa redoutable main. Je chante deux ou trois fois les illustres frères que la fille de Thestios enfanta dans Lacédémone, les dieux qui viennent au secours des hommes dans leurs plus grands périls, qui dirigent à travers les mêlées sanglantes les chevaux effarés, et montrent la route aux vaisseaux imprudents qui, malgré les astres contraires, ont affronté la fureur des vents. Déjà les vents, roulant d'énormes masses d'eau sur la poupe du navire, sur sa proue, de tous les côtés, l'ont précipité dans l'abîme creusé entre les vagues ; déjà l'eau s'engouffre dans ses flancs entrouverts ; déjà le mât et les agrès pendent, brisés et en désordre ; des torrents de pluie tombent du ciel obscurci ; la vaste mer résonne, frappée par le souffle redoublé du vent et par la grêle infatigable : c'est alors, ô fils de Léda, que vous aimez à tirer de l'abîme les vaisseaux et les nautoniers qui voient déjà la mort ; les vents s'apaisent à votre voix ; la mer devient calme et unie ; les nuées fuient et se dispersent ; les Ourses brillent au loin dans l'azur, et la Crèche obscure, apparaissant entre les deux Ânes, annonce aux nautoniers qu'ils peuvent reprendre leur course désormais sans péril.

Ô vous, couple secourable, couple cher aux mortels, vous qui domptez les chevaux et faites retentir la lyre mélodieuse, invincibles athlètes et chanteurs harmonieux, nommerai-je Castor le premier dans mes chants, ou commencerai-je par Pollux ? Je veux vous célébrer tous deux, et je chanterai Pollux d'abord.

Le navire Argo, ayant échappé aux rochers errants qui se réunissaient pour détruire les vaisseaux, et à la périlleuse embouchure du Pont-Euxin neigeux, arriva chez les Bébryces, portant les enfants chéris des dieux. Là les héros descendirent en foule du vaisseau de Jason par l'échelle appliquée à chacun de ses bords, et prirent terre au fond d'une baie, sur un rivage abrité du vent. Ils s'occupaient à préparer des lits et faisaient tourner entre leurs mains le bois d'où le feu devait bientôt jaillir. Cependant Castor, l'habile cavalier, et Pollux au regard terrible avaient quitté leurs compagnons, et s'en allaient seuls. Ils regardaient du haut d'une montagne une sauvage forêt où se mêlaient toutes les espèces d'arbres. Au pied d'un rocher escarpé, une source s'offrit à eux, laissant couler en flots intarissables une onde limpide ; au fond brillaient les cailloux, et l'éclat de l'argent se mêlait au reflet du cristal ; à l'entour s'élevaient des pins à la haute cime, et des peupliers, et des platanes, et des cyprès à l'épais feuillage ; et l'herbe s'émaillait de fleurs odoriférantes, chères aux abeilles velues, qui, à la fin du printemps, bourdonnent en foule à travers les prairies. Or, c'était là que vivait, ayant le ciel pour toit, un homme fort et fier de sa force, géant terrible à voir, aux oreilles meurtries par le dur contact du ceste. Sa poitrine monstrueuse, son dos à large surface, arrondissaient leurs formes vigoureuses où la chair avait l'aspect du fer : on eût dit un colosse forgé avec le marteau. Sur ses bras solides, à l'endroit où le membre se rattache à l'épaule, les muscles se voyaient saillants, et semblables à des pierres arrondies qu'un torrent a polies en les roulant longtemps dans ses eaux tourbillonnantes. Une peau de lion, attachée par les pieds, était pendue sur son dos et sur son cou. Pollux, l'athlète souvent couronné, lui parla le premier.

pollux. Sois heureux, ô étranger, et apprends-nous quels hommes habitent ce pays.

amycos. Heureux ! et quel bonheur peuvent m'apporter des hommes que je n'ai jamais vus ?

pollux. N'aie pas peur : tu n'as devant toi ni des hommes méchants, ni des fils d'une méchante race.

amycos. Je ne connais pas la crainte, et ce n'est pas à toi qu'il convient de me donner un semblable conseil.

pollux. Tu es farouche, prompt à t'irriter, facile à la défiance.

amycos. Je suis tel que tu me vois, et je ne vais point fouler la terre qui t'appartient.

pollux. Que n'y vas-tu ? tu reviendrais dans ta demeure comblé des dons de l'hospitalité.

amycos. Garde tes présents pour toi, et n'attends pas que je t'en fasse.

pollux. Mon cher, tu ne nous permettrais donc pas même de nous abreuver de l'eau de cette fontaine ?

amycos. Tu le sauras quand la soif desséchera tes lèvres.

pollux. Est-ce à prix d'or qu'on peut obtenir cette faveur, ou quel autre prix y mets-tu ?

amycos. Lève les mains pour une lutte seul à seul, et combats corps à corps avec un homme.

pollux. Faudra-t-il combattre seulement du poing, ou frapper aussi la jambe des pieds, en luttant avec courage ?

amycos. Il faudra combattre seulement au pugilat, et tu auras à déployer toute ton adresse.

pollux. Quel est donc l'adversaire contre lequel je mesurerai la force de mon bras et la pesanteur de mon ceste ?

amycos. Ton adversaire est devant toi : tu n'auras pas affaire à une femme.

pollux. Et le prix du combat que nous soutiendrons ?

amycos. Vaincu, je t'appartiens ; vainqueur, je suis ton maître.

pollux. C'est ainsi que se font les choses dans les combats des oiseaux à la crête rouge.

amycos. Que notre combat soit un combat de coqs ou un combat de lions, le prix sera celui que j'ai dit.

Ayant ainsi parlé, Amycos porta une conque à ses lèvres, et en tira un son prolongé. À ce bruit, les Bébryces à la longue chevelure accoururent et se rassemblèrent sous les platanes ombreux. Castor, le vaillant guerrier, alla de son côté chercher les héros, hardis passagers du navire magnésien. Les combattants armèrent leurs mains de lanières de cuir, et enroulèrent de longues courroies autour de leurs bras : puis ils s'avancèrent au milieu de l'arène, tous deux respirant le meurtre.

Théocrite

Les Dioscures.
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