Achille

Achille retirant la flèche mortelle.
Achille retirant la flèche mortelle.

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Fils de Pélée (donc descendant direct de Zeus) et de Thétis, et roi de Thessalie.

C'est le tombeau du vaillant Achille, que les Grecs ont élevé pour effrayer les Troyens et leurs descendants. Ils l'ont élevé près du rivage, afin que la mer pût honorer de ses gémissements le fils de la divine Thétis.

Pour savoir si l'enfant qu'elle a mis au monde est d'essence divine, c'est-à-dire immortel, Thétis brûle son corps à la flamme d'un brasier, puis, durant le jour, elle l'oint d'ambroisie : ainsi se tiendra éloignée de lui l'odieuse vieillesse, qu'il a héritée de son père, un simple mortel. L'expérience nocturne est sur le point de se renouveler lorsque Pélée apparaît ; il pousse un cri en voyant le bébé qui se contorsionne dans les flammes, obligeant ainsi sa femme à interrompre ses pratiques. Thétis abandonne le nouveau-né à Pélée et retourne auprès des Néréides. Pélée confie alors son fils au Centaure Chiron, sur le mont Pélion. Mais la légende la plus connue est sans doute la suivante : si Thétis tient à rendre son fils immortel, plutôt que de le soumettre aux flammes, pourquoi ne pas le tremper dans le Styx ? Forte de ce conseil, que lui donne Pélée, la Néréide plonge le nouveau-né dans le fleuve des Enfers, aux eaux miraculeuses ; mais le talon, par lequel la mère tient l'enfant, n'est pas immergé et reste vulnérable ; Thétis confie ensuite son fils au Centaure Chiron.

Voir aussi : Pélée, Thétis, Chiron

Ses enfances et son destin

Le Centaure éduque l'enfant : il lui donne le nom d'Achille, qui s'appelait avant Ligyron ; il lui apprend à se tenir à cheval, à chasser, avec le sourire, le loup et le lion, l'ours et le sanglier, animaux dont le cœur et la moelle sont sa nourriture quotidienne ; il le rend confiant devant les dangers des forêts et des torrents ; il lui enseigne l'art de manier l'arc, l'épée et le javelot, mais aussi celui du bouclier protecteur ; son corps devient insensible à la chaleur extrême, au froid le plus aigu, à la dureté du roc sur lequel le maître et l'élève passent la nuit. Chiron lui montre comment escalader la montagne la plus haute, la plus abrupte. À douze ans, Achille court plus vite que les biches et les chevaux, et il est un lutteur accompli. Quand son protégé hésite devant une difficulté, Chiron le menace, le raille : la honte éprouvée alors décuple la fierté d'Achille et, par là même, ses capacités. À ces travaux guerriers et « corporels », le Centaure ajoute ceux de l'esprit. C'est ainsi qu'Achille apprend à jouer de la lyre ; il découvre le secret des plantes et des herbes qui guérissent. Phénix lui enseigne l'éloquence et l'art de la guerre.

De sa mère, la déesse aux pieds d'argent, Achille sait quels sont ses deux destins possibles : ou vivre une vie courte et pleine de gloire, ou bien vivre une vie longue et médiocre. Achille choisit la gloire. Ce sera à la tête de cinquante navires, d'une armée de Myrmidons et d'Achéens qu'il se lancera à l'assaut de Troie.

Achille-Pyrrha

Alors qu'Achille a neuf ans, le devin Calchas prédit à Thétis d'une part que les Grecs ne pourront jamais s'emparer de Troie sans l'aide de son fils, d'autre part que son fils trouvera la mort dans cette guerre. À Thétis, cette dernière pensée est insupportable : elle l'envoie à Scyros, à la cour de Lycomède, déguisé en fille parmi les filles du roi, sous le nom de Pyrrha. Après l'enlèvement d'Hélène, Lacédémone entre en effervescence et tous les héros, qu'ils soient de Mycènes, d'Élide, de Laconie, d'Achaïe prennent les armes. Seul Achille manque à l'appel : de ses mains fines, il manie la laine et s'adonne aux travaux légers des vierges auxquelles il ressemble.

Mais, homme malgré tout, Achille-Pyrrha se prend d'affection pour Déidamie, une des filles de Lycomède à laquelle il révèle sa véritable identité ; il la rend enceinte de Pyrrhus, appelé aussi Néoptolème. Cependant les Grecs ont appris du devin Calchas où se il trouve. Ulysse et Diomède se rendent donc à Scyros, avec le prétexte d'observer les abords de Troie et de connaître les préparatifs des ennemis. Parmi les cadeaux destinés aux princesses, Ulysse a camouflé un superbe bouclier. Quand Achille-Pyrrha l'aperçoit, il sent une espèce de vigueur envahir son être tout entier. Il se fait aussitôt connaître. Alors qu'Agamemnon commande l'armée tout entière, Achille est amiral de la flotte ; il est alors âgé de quinze ans.

La guerre de Troie

Avec ses compagnons, Achille rejoint les années grecques devant Troie. Ses cinquante nefs, de cinquante guerriers chacune, sont commandée par cinq chefs valeureux : Ménesthios, Eudore, Pisandre, Phénix, Alcimédon.

Thétis donne à son fils une armure impénétrable forgée par Héphaïstos lui-même, ainsi que quatre chevaux immortels.

À Troie, les choses ne sont pas simples. Agamemnon, qui a fait sa prisonnière de Chryséis, une jeune Troyenne, est contraint par Apollon de la rendre à son père. Agamemnon se tourne alors vers une autre jeune fille, Briséis, captive d'Achille. Achille, à son tour, doit s'incliner devant la pression de la déesse Athéna, et céder Briséis à Agamemnon, qui n'hésite pas à lui déclarer qu'il lui est le plus odieux des rois issus de Zeus. Achille s'enferme alors dans sa baraque et refuse de combattre. Mais Thétis intervient auprès de Zeus : l'affront fait à son fils doit être lavé. Aussitôt la situation de l'armée grecque se détériore au profit de celle du camp troyen.

Agamemnon dépêche une ambassade composée d'Ajax et d'Ulysse et guidée par Phénix ; les trois hommes ont pour mission de persuader Achille de reprendre le combat : lui seront offertes des sommes d'argent importantes, des femmes, sept villes de Messénie, mais aussi Briséis. Achille, qui estime avoir été trop souvent dupé, envoie Agamemnon au diable, lui et ses présents. En refusant les offrandes, Achille montre, cette fois du moins, qu'il n'est pas un dieu dont on gagne les faveurs.

Patrocle et Hector

C'est alors que Patrocle, son plus cher ami, son amant, lui demande s'il peut prendre le commandement des hommes sur l'un de ses chevaux immortels, et recouvert de son armure miraculeuse. Permission lui est accordée.

Mais Patrocle, après s'être défait de nombreux ennemis, succombe sous les coups d'Hector qu'Apollon a peut être secondé. La nouvelle de sa mort bouleverse Achille : il se résout à reprendre les armes. Thétis lui donne une nouvelle armure, forgée par Héphaïstos, – protection superbe, d'argent et d'airain, qu'il revêt en éprouvant un immense chagrin, tandis qu'une solitude invincible lui broie le cœur.

Iris le convainc de se rendre dans le camp troyen et de récupérer la dépouille mortelle de Patrocle. Achille se jette alors dans la bataille, semant l'épouvante chez les ennemis, car à lui seul il est capable de faire tomber Troie. Il élimine un grand nombre de Troyens. Il combat également Énée poussé contre lui par Apollon ; mais Énée, cher à Poséidon, est finalement sauvé. Il se mesure à Hector en combat singulier et le tue. Mais cette mort ne lui suffit pas : il perce les tendons du cadavre entre chevilles et talons, y passe des courroies et les attache à son attelage ; il remonte ensuite sur son char et traîne le corps d'Hector dans la poussière, avec le projet d'abandonner ce qu'il en restera à des chiens. Le sort qu'Achille a réservé au fils de Priam finit par indigner les dieux. Par leur volonté, Priam, escorté d'Hermès, se rend dans le camp grec, et réclame le corps de son fils Hector. Achille, sensible à la douleur d'un père, fût-il son ennemi, mais aussi parce que Zeus le lui a demandé, accepte les présents du vieux Priam en échange d'Hector.

Sa mort

Achille tombe amoureux de Polyxène, la fille de Priam qui lui accorde de l'épouser. Mais, au beau milieu de la cérémonie du mariage, Pâris, désirant venger la mort de son frère Hector, et peut-être guidé par Apollon, décoche une flèche empoisonnée sur Achille, l'atteignant au talon – son point faible. Achille meurt aux portes Scées, au pied des remparts de Troie.

Ulysse et Ajax Télamon recueillent sa dépouille. Polyxène est immolée sur son tombeau, à Sigée. Le corps du héros est brûlé, ses os lavés avec du vin et oint de parfums. Ses cendres, réunies dans une urne d'argent et d'or – elle-même placée dans un vase d'or confectionné par Héphaïstos –, sont mêlées à celles de son ami Patrocle, ainsi que celui-ci en a formé le vœu. Dans une seconde urne, on dépose les restes d'Antiloque, autre grand ami d'Achille. Puis on érige un tertre sur le promontoire de l'Hellespont. Sa mère organise des jeux funèbres en son honneur, où s'affrontent maints soldats parmi les plus braves ; Thétis elle-même récompense les vainqueurs en leur offrant des objets précieux ayant appartenu à son fils. Les armes d'Achille reviendront au plus courageux des guerriers grecs. Et Poséidon console Thétis, affirmant qu'Achille n'est pas mort : par ses soins, il se trouve dans une île du Pont-Euxin : bientôt il sera un dieu, et honoré comme tel par les populations locales.

Les Muses de l'Hélicon chantent longtemps sur son tombeau des thrènes à sa mémoire glorieuse ; ainsi les dieux immortels manifestent leur désir d'accorder à ce vaillant guerrier, même après sa mort, les hymnes des déesses. Si Achille est grandement honoré en Épire, il est également vénéré en Laconie, car c'est un dieu que les dieux ont fait de lui, par pitié pour Thétis.

Le héros

Achille incarne aux yeux des Grecs, plus que tout autre sans doute, le héros par excellence dont les vertus l'assimilent à un demi-dieu ; héros archaïque dont le dévouement aux armes le condamnent à mourir prématurément pour sa plus grande gloire. (En 336 av. J.-C., à l'âge de vingt ans, Alexandre de Macédoine, montant sur le trône, fait d'Achille son modèle – même s'il prétend descendre d'Héraclès et des Éacides. Il se vante d'avoir Héraclès pour ascendant paternel et de descendre d'Achille par sa mère). Courageux, fort, beau, coléreux parfois, le Péléide n'en demeure pas moins humain : jamais l'amitié qui le lie à Patrocle ne se dément ; même s'il ne peut se soustraire à la volonté de Zeus, n'éprouve-t-il pas de la pitié face à Priam venu le supplier de lui rendre le corps de son fils ? Reste-t-il insensible lorsque Nestor le prie de venger son fils, tué par Memnon ? Humain aussi pour, précisément, avoir obéi au dieu des dieux dont Thétis, sa mère, s'est faite le porte-parole.

Voir aussi : Colère d'Achille, Agamemnon, Héros

Variantes : La naissance d'Achille

I. Achille est le septième des enfants de Thétis, les six premiers n'ayant pas survécu au traitement immortalisant infligé par leur mère.

II. Pour Homère, Apollonios, Apollodore et Pindare, Thétis a un seul enfant :

Le fils unique, que Thétis l'immortelle avait mis au monde à Phthie, périt à la guerre, par la blessure d'une flèche, et causa le deuil des Danaens lorsqu'il fut brûlé sur le bûcher.

III. Achille est le fils de Déjanire, la fille du roi de Scyros.

Variante : Les différents noms d'Achille

La version la plus courante veut qu'à la cour du roi Lycomède, Achille se fasse appeler Pyrrhos, ou Pyrrha, nom à mettre en relation avec la couleur de feu de ses cheveux. Le roi lui imposait le nom de Cercuras (ou Cercyséra) ; mais Issa désigne aussi Achille à cette époque.

Variante : Le refus d'Achille de participer à la guerre de Troie

Il est invraisemblable que Pélée accepte que son fils soit envoyé, en cachette, à Scyros, et ce, afin d'éviter la guerre et ses dangers, alors que Télamon, de son côté, exhorte Ajax au combat ; Achille non plus ne supporterait d'être camouflé dans un gynécée, abandonnant aux autres les louanges et la gloire, car, précisément, son désir de gloire est vraiment très grand.

Voir aussi : Lycomède

Variantes : La mort d'Achille

I. Après la mort d'Hector, Achille se vante d'avoir pris Troie à lui tout seul, ce qui ne plaît pas du tout à Apollon. Le dieu, ayant pris l'aspect de Pâris, le touche d'une flèche au talon, endroit vulnérable.

II. La fête de l'Apollon de Thymbra est l'occasion d'une trêve entre les deux camps. Priam fait venir Achille qui est amoureux de sa fille Polyxène. Au courant de la venue prochaine de leur ennemi, Pâris et Déiphobe lui tendent un piège. Tandis que Pâris se cache, Déiphobe accueille Achille comme un frère dans le temple du dieu. Il le serre contre lui, suffisamment longtemps pour permettre à Pâris de sortir de sa cachette, armé d'un poignard. Deux coups de lame dans les flancs ont raison du héros. Ensuite les Grecs rachètent sa dépouille, avec l'argent que les Troyens ont donné à Achille lui-même pour qu'il consente à leur rendre le cadavre d'Hector.

III. Il ne fait aucun doute qu'Apollon, seul, tue Achille, pour l'empêcher de se jeter à l'assaut de la citadelle : Grecs et Troyens combattent avec une ardeur égale. Autour d'Achille, ce ne sont que cadavres et sang ruisselant. Comme il s'apprête à faire tomber les remparts de la citadelle, Apollon quitte l'Olympe, irrité qu'un seul homme puisse causer la mort de tant de braves guerriers. Le dieu se campe devant Achille et lui recommande de rebrousser chemin, sous peine de s'attirer les colères divines. Mais le Péléide, peut-être parce que c'est son destin de mourir, ordonne à Apollon de disparaître, le menaçant même de le frapper. Puis, sans plus tarder, il se remet à combattre ses ennemis, laissant derrière lui un dieu pantois et courroucé à la fois par tant d'impiété. Devenu invisible, Apollon lui perce le talon d'une de ses flèches. Achille, mourant, jette de terribles imprécations contre le traître qui l'a frappé ; il se rappelle la prédiction de sa mère, qui est de périr près des portes Scées, touché parla flèche divine. De rage, il arrache le trait et le lance au loin. Les vents recueillent la flèche et la déposent dans le carquois du dieu qui remonte vers l'Olympe.

IV. À Troie, Achille refuse de se jeter dans la bataille, moins parce que Briséis lui a été enlevée par Agamemnon, que parce qu'il est amoureux de Polyxène, la fille de son ennemi Priam et ce, d'autant plus qu'Hécube, la mère de la jeune fille, la lui a promise en mariage. Achille songe même à rentrer chez lui, avec ses Myrmidons. Un prince thrace, Héber, vient le trouver sous sa tente ; comment Achille peut-il rester tranquillement assis, alors que ses amis tombent en nombre sur le champ de bataille ? Héber a beau le traiter de lâche et de traître, le Péléide demeure sourd à ses paroles ; et ce ne sont pas non plus Diomède, ni Nestor, ni Agamemnon, ni même la mort de Patrocle qui ont raison de sa passivité. Ce qui décide finalement Achille à reprendre les armes, c'est le grand carnage que fait Troïlos des Achéens, au point que la situation des Grecs devient inquiétante : Agamemnon vient supplier Achille de se joindre à eux. Achille accepte, et tue Troïlos. Sa participation au combat rend Hécube folle de rage et Priam imagine mal devenir le beau-père du meurtrier de son fils. La reine alors décide de tendre un piège au Péléide ; elle met Pâris dans la confidence, et compte sur lui pour qu'il venge la mort de son frère. Hécube dépêche ensuite des messagers auprès d'Achille : il est prié de se rendre dans le temple d'Apollon, où son union avec Polyxène sera évoquée. Achille est si amoureux qu'il ne se doute de rien en se rendant au temple, accompagné par son ami Antigonos, le fils de Nestor. Mais Pâris a judicieusement disposé de nombreux hommes sur le lieu du rendez-vous et tous s'abattent en masse sur les deux Grecs, qu'après un rude combat ils finissent par massacrer. Pâris, rageur, mutile le cadavre d'Achille. Après sa mort, les Achéens sont désespérés et songent à s'en aller.

Variantes : Ce qui est arrivé après la mort d'Achille

I. Les Muses n'honorent pas la mémoire d'Achille ; seules les Néréides se lamentent. Mais on a dit aussi, sans doute en se référant à Homère, que les Muses, ici, se confondent avec les nymphes.

II. Achille rejoint les Champs Élysées, où il prend Médée pour compagne et où, finalement, il regrette de n'avoir pas choisi la vie longue et médiocre qui lui a été proposée : « À présent je comprends combien la gloire est inutile », parce que si les vivants se distinguent par leur beauté, leur courage, leur force..., rien ne ressemble plus à un mort qu'un autre mort.

III. Après la mort de Déiphobe, Achille est tombé amoureux d'Hélène que sa mère et Aphrodite lui ont fait rencontrer ; Pausanias souligne toutefois qu'Achille ne figure pas dans la liste « officielle » des prétendants. Iphigénie aurait aussi été sa compagne.

IV. Thétis supplie Poséidon de créer une île où Achille et Hélène pourront s'aimer en toute quiétude. Le dieu fait surgir l'île de Leuké (la « Blanche »), dans le Pont. C'est là que leurs noces sont célébrées en présence de Poséidon, d'Amphitrite et des Néréides, et de tous les fleuves. L'accès à l'île est rigoureusement interdit aux navigateurs. Achille et Hélène ont un fils, Euphorion. Cette île est également connue sous le nom d'« île d'Achille ».

Voir aussi : Euphorion

Achille contre le Xanthe

Le fleuve se gonfla en bouillonnant, et, furieux, il roula ses eaux bouleversées, soulevant tous les cadavres dont il était plein, et qu'avait faits Achille, et les rejetant sur ses bords en mugissant comme un taureau. Mais il sauvait ceux qui vivaient encore, en les cachant parmi ses belles eaux, dans ses tourbillons profonds.

Et l'eau tumultueuse et terrible montait autour d'Achille en heurtant son bouclier avec fureur, et il chancelait sur ses pieds. Et, alors, il saisit des deux mains un grand orme qui, tombant déraciné, en déchirant toute la berge, amassa ses branches épaisses en travers du courant, et, couché tout entier, fit un pont sur le fleuve. Et Achille, sautant de là hors du gouffre, s'élança, épouvanté, dans la plaine. Mais le grand fleuve ne s'arrêta point, et il assombrit la cime de ses flots, afin d'éloigner le divin Achille du combat, et de reculer la chute d'Ilion.

Et le Péléide fuyait par bonds d'un jet de lance, avec l'impétuosité de l'aigle noir, de l'aigle chasseur, le plus fort et le plus rapide des oiseaux. C'est ainsi qu'il fuyait. Et l'airain retentissait horriblement sur sa poitrine ; et il se dérobait en courant, mais le fleuve le poursuivait toujours à grand bruit

[...] Le fleuve pressait toujours Achille, malgré sa rapidité, car les dieux sont plus puissants que les hommes. Et toutes les fois que le divin et rapide Achille tentait de s'arrêter, afin de voir si tous les Immortels qui habitent le large Ouranos voulaient l'épouvanter, autant de fois l'eau du fleuve divin se déroulait pardessus ses épaules. Et, triste dans son cœur, il bondissait vers les hauteurs ; mais le Xanthe furieux heurtait obliquement ses genoux et dérobait le fond sous ses pieds. Et le Péléide hurla vers le large Ouranos :

— Père Zeus ! aucun des Dieux ne veut-il me délivrer de ce fleuve, moi, misérable ! Je subirais ensuite ma destinée. Certes, nul d'entre les Ouraniens n'est plus coupable que ma mère bien-aimée qui m'a menti, disant que je devais périr par les flèches rapides d'Apollon sous les murs des Troyens cuirassés. Plût aux Dieux que Hector, le plus brave des hommes nourris ici, m'eût tué ! Un brave au moins eût tué un brave. Et, maintenant, voici que ma destinée est de subir une mort honteuse, étouffé dans ce grand fleuve, comme un petit porcher qu'un torrent a noyé, tandis qu'il le traversait par un mauvais temps !

Homère

Achille retirant la flèche mortelle.
Achille retirant la flèche mortelle.