Héros

Le héros Persée tuant la Gorgone (métope de Sélinonte).
Le héros Persée tuant la Gorgone (métope de Sélinonte).

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Demi-dieu ou mortel d'ascendance demi-divine.

Puis, quand cette race eut également disparu de la terre, Zeus, fils de Cronos, créa, sur la Terre universelle nourricière, une autre race, une quatrième, plus juste et meilleure, une race divine de héros que l'on appelle demi-dieux.

La notion de demi-dieu est statique : est demi-dieu l'enfant né d'un parent divin et d'un parent mortel. Héraclès est un demi-dieu parce que son père est Zeus et sa mère Alcmène ; Énée est un demi-dieu parce que sa mère est Aphrodite et son père Anchise. On naît demi-dieu, on devient héros, même si les destins sont là, qui font (ont fait ?) de ces êtres des héros potentiels. Et encore ! Achille n'a-t-il pas eu le choix entre deux existences, l'une longue et sans gloire, l'autre courte et... héroïque ? Il faut peut-être admettre que les destins « savaient » quel choix ferait le fils de Thétis et de Pélée.

La notion de héros est beaucoup plus complexe et en perpétuelle mutation. Il est cependant possible de cerner quelques caractéristiques propres au héros.

Les caractéristiques

Le héros naît dans des conditions exceptionnelles. Achille échappe de justesse aux flammes, Jason au massacre perpétré par Pélias, Héraclès aux serpents, Thésée est venu au monde pour répondre à un oracle...

Génétiquement, le héros est un humain et, comme tel, soumis aux vicissitudes de tous les hommes, la plus « parfaite » étant la mort ; mais il est doté de pouvoirs qui le distinguent du simple mortel.

Le héros met en exergue ses pouvoirs dans des domaines aussi différents que la guerre (Achille, Ajax), le combat solitaire (Persée, Thésée, Héraclès), la mantique (Trophonios, Amphiaraos), la médecine (Asclépios), la fondation de cité à laquelle le plus souvent il donne son nom (Cadmos), la sauvegarde de la cité (Aglauros)... La liste n'est pas exhaustive.

Il est à remarquer que les héros les plus populaires se sont distingués par des exploits individuels contre des créatures élevées au rang de monstres (Thésée versus Minotaure ; Persée versus Méduse ; Héraclès versus Lion de Némée ; Ulysse versus Polyphème), ou contre une succession de situations hostiles (Jason et la quête de la Toison d'or ; Énée et la quête de la terre promise) – luttes qui mettent en relief leurs vertus, en particulier le courage.

Voir aussi : Monstres

La plupart des héros ont en commun d'être les protégés des dieux (même si certains leur sont défavorables) et d'être des voyageurs, des aventuriers ; l'éloignement de la patrie, de la famille, fait partie de leur initiation. Sans doute leurs exploits correspondent-ils à un fantasme individuel ancré en chacun de nous ? Car ce sont ces prouesses physiques que l'esprit populaire retient, bien plus que leurs causes ou leurs conséquences. Leurs actions visent le bien-être de l'humanité. Ces héros, volontairement ou non, sont des justiciers qui purifient la Terre des êtres qui s'opposent à la civilisation. Mais ils ne sont pas exempts de tares : orgueil démesuré, voire cruauté... Ce qui compte, c'est de vaincre l'ennemi et, pour y parvenir, tous les moyens sont bons, notamment semble-t-il, ceux qui offensent l'honnêteté : Diomède obtient les aveux de Dolon après lui avoir promis la vie sauve et le tue ensuite ; Ulysse envoie Palamède à la mort, après l'avoir faussement accusé ; Achille ne fait preuve d'aucune pietas envers Hector, ni alors qu'il va le tuer et que celui-ci le supplie de n'en rien faire, ni après, en outrageant son cadavre. Sans poursuivre dans les excès du meurtre, évoquons la légèreté de Thésée qui « oublie » Ariane sur l'île de Naxos ; Énée qui abandonne Didon ; Jason qui répudie Médée, à qui il a promis le mariage, pour embrasser un meilleur parti avec la princesse Créüse. Dans un registre similaire, tout exceptionnel qu'il est, le héros est capable de verser des torrents de larmes, notamment après la disparition d'un être cher, ou à l'évocation de souvenirs douloureux.

La mort les ayant débarrassés de ce qu'ils ont d'humain, ces héros peuvent devenir des dieux. Ils accèdent au ciel (apothéose) d'où ils continuent à exercer leur pouvoir bénéfique sur les humains (Amphiaraos, Asclépios). La mort, sans doute, mais pas n'importe laquelle. Les guerriers veulent mourir sur le champ de bataille, non seulement parce qu'ils ont l'arme au poing, mais parce que leur corps, après, ne sera pas perdu : il est nécessaire qu'il y ait reconnaissance du cadavre. Sont significatifs, à cet égard, ces nombreux passages où le héros, craignant de périr en mer – élément conçu alors comme entité informe, abstraite –, se plaint de n'être pas déjà tombé pendant la guerre. Voilà pourquoi les dieux ont provoqué la noyade d'Ajax le Locrien, l'impie, lui qui a si cruellement offensé Athéna, en violant Cassandre dans le temple de la divinité.

N'ont été évoqués ici que les « grands » héros. Il y a de très nombreux héros locaux, notamment en Attique. Leur tombeau est placé sur l'agora et un culte leur est rendu.

Le culte

Le héros a son sanctuaire où le citoyen peut librement se rendre. Il s'agit généralement d'un édifice en marbre plutôt sobre, entouré de colonnes, elles-mêmes ceintes d'un jardin ou d'un mur. La statue du héros n'est pas obligatoire. Devant le monument se trouve un espace réservé pour les sacrifices : les animaux y sont immolés et on fait offrande au héros des mets qu'il appréciait de son vivant, afin de perpétuer son plaisir. L'accomplissement de ces rites, à titre individuel ou collectif, n'est pas gratuit : il vise à se garantir la faveur du héros : on espère ainsi que sa grande force apportera aide et protection. C'est pourquoi les cités tiennent à édifier une tombe à leur héros, même si celui-ci est mort loin de sa patrie : et cela explique que maints d'entre eux ont une tombe ici, des cénotaphes là : Achille, Iolaos, Calchas...

Les Spartiates placent les tombes dans des lieux fréquentés, afin que chacun s'habitue à l'idée de la mort, notamment l'enfant.

Le citoyen peut s'adresser au héros et celui-ci lui répondre, même si certains exigent qu'on passe près de leur sanctuaire dans le plus grand silence. Quoique d'accès libre, l'heroon n'en est pas moins un lieu sacré, au moins chez les Athéniens, témoin ce passage d'Élien où est rapportée l'anecdote suivante : tel est, dit-il, l'excès de la superstition des Athéniens, que s'il arrive à quelqu'un de couper le plus petit arbre dans un bois consacré à un héros, ils le condamnent à la mort. Élien cite le cas d'un certain Atarbe qui a tué un moineau consacré à Asclépios : les Athéniens ne tolèrent pas que ce crime demeure impuni. On a beau démontrer que l'accusé a agi involontairement, ou bien encore sous l'effet d'une folie passagère : rien n'y fait : les Athéniens, jugeant que le respect dû aux choses sacrées doit prévaloir sur ces deux raisons, ne font grâce ni à la folie, ni à l'ignorance : Atarbe est mis à mort.

Les héros n'aiment pas la tempête

Poséidon provoque une tempête qui brise le radeau d'Ulysse. Dans les flots en furie, Ulysse se lamente :

Ah ! de quelles nuées Zeus tend les champs du ciel ! il démonte la mer, où les vents de toute aire s'écrasent en bourrasques ; sur ma tête, voici la mort bien assurée !... Trois fois et quatre fois heureux les Danaens, qui jadis, en servant les Atrides, tombèrent dans la plaine de Troie ! Que j'aurais dû mourir, subir la destinée, le jour où, près du corps d'Achille, les Troyens faisaient pleuvoir sur moi le bronze de leurs piques ! J'eusse alors obtenu ma tombe ; l'Achaïe aurait chanté ma gloire ; mais c'est pitié, la mort où me prend le destin !

Homère

Énée, dont la flotte a été prise dans la tempête voulue par Junon, s'écrie :

Ô trois et quatre fois heureux,

ceux qui, à la face de leurs parents, eurent la chance de mourir sous les hauts murs de Troie ! Ô toi, le plus vaillant des Danaens,

fils de Tydée, que n'ai-je pu hélas mourir dans la plaine d'Ilion et perdre la vie de ta main, là où gît le farouche Hector,

frappé par le trait de l'Éacide, là où gît l'immense Sarpédon, où le Simoïs engloutit et roule en si grand nombre dans ses flots

boucliers et casques de guerriers, et cadavres de héros !

Virgile

Eurybatès fait à Clytemnestre le récit de la tempête essuyée par les Grecs après la chute de Troie :

Ô vicissitudes humaines ! Pyrrhus envie le sort de son père, Ulysse celui d'Ajax, Ménélas celui d'Hector, Agamemnon celui de Priam. Nous appelons heureux ceux qui ont succombé sous les murs de Troie. Ils sont morts en combattant ; la renommée conserve leur mémoire, et la terre conquise par leurs bras leur sert de tombeau. Faut-il mourir sans gloire au milieu des flots ? cet obscur trépas est-il réservé à de braves guerriers ? Perdre ainsi jusqu'au fruit de sa mort ! Qui que tu sois, dieu cruel, dont la colère n'est pas encore désarmée par de si grands malheurs, apaise-toi enfin. Troie elle-même donnerait des larmes à nos désastres. Si ta haine est implacable, si tu as résolu d'anéantir l'armée des Grecs, pourquoi faire périr avec nous ceux pour qui nous périssons ?

Sénèque

Le héros Persée tuant la Gorgone (métope de Sélinonte).
Le héros Persée tuant la Gorgone (métope de Sélinonte).