Romain Rolland
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain français (Clamecy 1866 – Vézelay 1944).
Issu d'une vieille famille bourguignonne, il est reçu à l'École normale supérieure en 1886. Agrégé d'histoire (1889), il passe deux ans à Rome. Après avoir soutenu à Paris (1895) ses thèses de doctorat – la principale porte sur les Origines du théâtre lyrique moderne : histoire de l'opéra avant Lully et Scarlatti –, il est professeur d'histoire de l'art. Il veut être écrivain et traduire sa vision du monde, qu'exprime, dès 1888, son Credo quia verum : sorti du néant, l'homme participe à l'Être, dont il n'est qu'une parcelle ; la vraie vie est ailleurs, par-delà la mort. À Rome, il a écrit plusieurs pièces, Empédocle, les Baglioni (1891). Il poursuit avec Niobé (1892), Caligula (1893), le Siège de Mantoue (1894). Mais il se fait vraiment connaître en 1895, par Saint Louis. Sa pièce Aert n'est jouée qu'en 1898, au Théâtre de l'Œuvre. Suivent immédiatement les Loups, joués sous le titre Morituri, publiés sous le pseudonyme de « Saint-Just ». C'est le début d'un cycle sur la Révolution : le Triomphe de la raison, Danton (1899), le 14 Juillet (1900) exaltent la foi de l'homme et l'enthousiasme pour la vie. Parallèlement, Rolland essaie de recréer un théâtre populaire (le Théâtre du peuple, essai d'esthétique d'un théâtre nouveau, 1903). Il songe aussi à un roman, que Péguy, éditeur de ses derniers drames et d'une Vie de Beethoven (1903), accepte de publier : Jean-Christophe (1904-1912), en dix volumes, prototype du roman-fleuve. Ce « roman de formation » raconte la vie d'un musicien de génie, qui, après une série d'épreuves, atteint la joie et se fond, au moment de la mort, dans l'immensité de l'Être. Il est aussi « la tragédie d'une génération qui va disparaître » et le cri d'alarme d'un homme qu'effraie la montée des nationalismes et qui plaide la cause de l'Europe. Rolland publie d'autres « vies héroïques » : Michel-Ange (1905), Tolstoï (1911), et des études musicales : Musiciens d'aujourd'hui, Musiciens d'autrefois (1908), Haendel (1910). Le succès de son œuvre lui permet de quitter l'enseignement et de se donner pleinement à sa vocation première.
Il écrit Colas Breugnon, d'une « libre gaieté gauloise », d'une grande verdeur lyrique, dont la publication est retardée par la guerre. Alors en Suisse, où il s'est retiré, Rolland se veut la sentinelle de l'esprit et lance ses appels Au-dessus de la mêlée (1915), condamnés en Allemagne comme en France. En 1917, il adresse un « Salut à la Russie libre et libératrice », la mettant en garde contre les excès. Il rentre en France en 1919 ; sa « Déclaration pour l'Indépendance de l'Esprit » reste sans suite. La guerre lui inspire Liluli, drame philosophique et poétique bouffonnerie (1919), et deux romans qui plaident pour la paix, Clerambault et Pierre et Luce (1920). Déçu par l'intolérance des partis, après une polémique avec Barbusse sur la violence révolutionnaire (1921-1922), il retourne en Suisse et commence un autre cycle romanesque, l'Âme enchantée, qui veut raconter la libération progressive d'une âme peu à peu désenchantée de ses passions terrestres. Il continue son « Théâtre de la Révolution » – le Jeu de l'amour et de la mort (1925), Pâques-Fleuries (1926), les Léonides (1928) – et rédige une œuvre autobiographique, le Voyage intérieur (1926). Intéressé par la philosophie de l'Inde, où il retrouve sa conception « océanique » de la vie, il écrit un Mahatma Gandhi (1923), la Vie de Ramakrishna (1929), la Vie de Vivekananda et l'évangile universel (1930). Le musicologue revient à Beethoven, dont il étudie les Grandes Époques créatrices (1928-1930). La montée du fascisme, puis du nazisme l'entraîne à se faire « compagnon de route ». Il essaie de « concilier la pensée de l'Inde et celle de Moscou ». Son « Adieu au passé » (1931) marque une rupture brutale. Il préside des manifestations internationales antifascistes, refuse le prix Goethe (1933), rend visite à Gorki et rencontre Staline en U.R.S.S. (1935). Les deux derniers volumes de l'Âme enchantée – la Mort d'un monde, l'Annonciatrice (1933) – témoignent de cette période troublée et reflètent, malgré de douloureux débats de conscience que traduit aussi sa dernière pièce, Robespierre (1938), la sympathie croissante de son auteur pour le régime soviétique. Rentré en France (1938), il termine sa vie à Vézelay. À la suite du pacte germano-soviétique, Rolland comprend l'erreur de son engagement partisan et revient à ce qu'il estime être sa vraie vocation, la création intellectuelle. Il rédige ses Mémoires (1939-1942), complète son essai d'autobiographie poétique et morale, le Voyage intérieur (1942), écrit une vie de Péguy (1944) et tente d'achever son grand ouvrage sur Beethoven, la Cathédrale interrompue (1943). Il meurt en 1944, laissant inachevés des Entretiens sur les Évangiles, ainsi qu'une abondante correspondance et un Journal, encore à découvrir.