les Temps modernes
Modern Times
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».
Comédie de Charlie Chaplin, avec Charlie Chaplin (Charlot), Paulette Goddard (la gamine), Henry Bergman (le propriétaire du cabaret), Chester Conklin (le mécanicien), Allan Garcia, Stanley Sanford, Hank Mann.
- Scénario : Charlie Chaplin
- Musique : C. Chaplin
- Photographie : Rollie Totheroh, Ira Morgan
- Décor : Charles D. Hall
- Production : C. Chaplin (United Artists)
- Pays : États-Unis
- Date de sortie : 1936
- Son : noir et blanc
- Durée : 1 h 25
Résumé
Charlot travaille à la chaîne dans une usine soumise aux lois implacables de la taylorisation : il obéit au rythme des machines, même dans ses instants de détente, avant de le détraquer par une surenchère somnambulique. Tenu pour fou, puis pour guéri, il est chômeur, mais rencontre « la gamine », une orpheline sans ressources. Devenu veilleur de nuit dans un grand magasin, il la fait profiter, une nuit, du luxe rassemblé aux étages, mais on l'arrête comme complice d'un cambriolage survenu au rez-de-chaussée (et qu'il a cru empêcher). À sa sortie de prison, la gamine le fait engager, malgré sa maladresse, comme serveur dans un restaurant où elle est danseuse. Il y débute même comme chanteur non-sensique (première incursion de Charlot dans le sonore !). Mais l'orpheline est poursuivie par la police pour vagabondage : il l'aide à s'échapper et tous deux « prennent la route » en un final justement célèbre.
Commentaire
Plus tendre que féroce
La satire du machinisme est à la fois exacte et anticipatrice (l'apparition du visage du directeur, la machine à « manger vite » où Charlot sert de cobaye). Mais sa férocité est atténuée par la tendresse flagrante qui émane d'autres scènes (la liaison de Chaplin avec sa jeune interprète y est sûrement pour beaucoup), tendresse nullement mièvre, mais qui prête au héros un halo onirique rare dans ses autres films : il glisse à travers d'énormes roues comme sur un édredon, il veut rendre à un camion le drapeau rouge qu'il a perdu et se retrouve pris pour le chef d'une manifestation ouvrière ! La partie de patins à roulettes dans le grand magasin est le symbole de cette volonté d'échapper à la misère par une extrême légèreté. Si « la gamine », victime d'une société trop lourde, apporte la joie dans son pitoyable intérieur, il sacrifie son emploi, si précaire soit-il, à la fuite avec celle qu'il aime.
Les Temps modernes se recommande en outre, après les Lumières de la ville, comme l'un des plus intéressants exemples du génie plasticien de Chaplin : décors comportant une grande profondeur de champ, associations visuelles – comme le paquebot passant lors de l'apparition de « la gamine » –, netteté extrême des gris de l'usine et du soleil de la rue.