l'Impératrice rouge
The Scarlet Empress
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».
Drame historique de Josef von Sternberg, avec Marlene Dietrich (Sophia Frederica, alias Catherine II), John Lodge (le comte Alexei), Sam Jaffe (le grand-duc Pierre), Louise Dresser (l'impératrice Elizabeth), Maria Sieber (Sophia enfant), sir C. Aubrey Smith (le prince August), Ruthelma Stevens (la comtesse Elisabeth), Olive Tell (la princesse Johanna), Gavin Gordon (Gregory Orloff).
- Scénario : Manuel Komroff, d'après le Journal de Catherine de Russie
- Photographie : Bert Glennon
- Décor : Hans Dreier, Richard Kollorsz, Peter Ballbusch
- Musique : John M. Leipold, W. Franke Harling, J. von Sternberg, d'après Tchaïkovski, Mendelssohn, Wagner
- Montage : J. von Sternberg
- Production : Paramount
- Pays : États-Unis
- Date de sortie : 1934
- Son : noir et blanc
- Durée : 1 h 45
Résumé
La jeune princesse prussienne Sophia Frederica est livrée, à seize ans, par sa famille, à un époux dégénéré, le grand-duc Pierre, neveu et héritier d'Elizabeth, impératrice de toutes les Russies. Elle reçoit un prénom russe, Catherine. Pour se venger du comte Alexei, qu'elle aimait et qui l'a trahie, elle se donne au capitaine des gardes du palais, Orloff. Quand Pierre hérite du trône et projette de la faire disparaître, elle investit le palais à la tête de ses troupes, soutenue par l'Église et l'armée, tandis qu'Orloff assassine le grand-duc. Montée sur un cheval blanc, elle gravit les marches qui conduisent au trône et devient l'impératrice Catherine II.
Commentaire
Suprématie de la mise en scène
Sixième des sept films que Marlene Dietrich tourna sous la direction de Sternberg, c'est aussi celui qui magnifie le plus l'actrice, par les costumes, la lumière et la situation. Bien qu'inspiré par le Journal de l'impératrice Catherine II de Russie, le scénario n'est qu'un prétexte au déploiement des fastes de la mise en scène : l'univers de l'Impératrice rouge ne renvoie qu'à lui-même et au monde de Sternberg. Tous les détails, des sculptures et icônes à la musique qu'il dirigea lui-même, sont issus de l'imagination d'un auteur visionnaire. Le trajet du film n'est rien d'autre que la transformation d'une jeune fille pleine de vie en une figure idéale : en haut des marches qui conduisent au trône, au dernier plan du film, Marlene/Catherine (elle a même perdu son prénom) s'intègre au décor du palais dans une posture sculpturale.
Le désir et le regard sont les moteurs du propos et de l'esthétique de Sternberg. Par le regard, le désir transforme l'autre en objet. Si Marlene n'incarne pas ici une prostituée ou une chanteuse de cabaret, elle n'en est pas moins une femme qui se détruit et perd son identité. N'ayant pu retenir le désir du comte Alexei, Catherine s'attribue le rôle viril pour mieux gouverner le désir des hommes et s'offrir en objet d'admiration pour tout un peuple. Contrairement à la thématique classique du cinéma occidental, où l'homme se perd en idéalisant la femme, c'est ici celle-ci qui aspire à répondre au fantasme masculin, quitte à s'y perdre. Les moments les plus sublimes sont aussi ceux où les personnages tendent à l'anéantissement.
Voir aussi, sur Catherine II, l'Aigle noir, Scandale à la cour et la Grande Catherine.