massacre du 17 octobre 1961

Manifestation du 17 octobre 1961 à Paris
Manifestation du 17 octobre 1961 à Paris

Répression sanglante d'une manifestation pacifique organisée par le Front de libération nationale (FLN) en faveur de l'indépendance de l'Algérie à Paris, au cours de laquelle des dizaines à des centaines d'Algériens ont trouvé la mort sous les coups des forces de police alors dirigées par Maurice Papon.

1. Le contexte

À la date du 17 octobre 1961, les négociations entre le Front de libération nationale (FLN) et le gouvernement français, ouvertes depuis le 7 avril à Évian, sont déjà suffisamment entamées et laissent entrevoir un aboutissement proche – un cessez-le-feu puis l’instauration d’un État algérien indépendant. Au cœur des pourparlers, figurent les conditions exactes de l’indépendance. Dans cette perspective, chacune des deux parties, le FLN comme la France, cherche à ménager un rapport de forces.

2. Les mouvements nationalistes algériens

Le FLN se trouve en complète rivalité avec le Mouvement national algérien (MNA) fondé en 1954 par Messali Hadj – autre organisation nationaliste algérienne issue de l’éclatement du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD).

Le FLN prend le contrôle de l’encaissement de l’« impôt » révolutionnaire prélevé sur la communauté algérienne de métropole (estimée dans le département de la Seine à 150 000 personnes en 1961). Il a engagé, depuis avril 1961, une série d’assassinats de responsables messalites. Principal pourvoyeur du soutien financier à la « guerre de libération », le FLN entend se positionner par rapport au Gouvernement provisoire de République algérienne (GPRA) dans la conquête du pouvoir, alors que se dessine l’indépendance.

3. L’action du préfet de police Maurice Papon

Maurice Papon, préfet de Constantine de 1956 à 1958 où il a créé les « détachements opérationnels de protection » spécialisés dans l'investigation et les interrogatoires – autrement dit la torture –, est nommé préfet de Paris (mars 1958) avec pour mission d'imprimer un nouvel élan à la lutte contre le FLN dans la capitale.

S’appuyant sur la méthode éprouvée dans l’Est algérien, Papon met en place dans la capitale française une répression violente. Le 1er septembre 1958, un couvre-feu est instauré pour les Algériens. Créée en 1959 à l’initiative du Premier ministre Michel Debré, la Force de police auxiliaire (FPA), composée de harkis (musulmans algériens volontaires), applique ses méthodes d’infiltration et de recueil de renseignements en recourant de manière systématique à la torture. Ces opérations se déroulent à partir des implantations de la FPA dans les XIIIe et XVIIIe (quartier de la Goutte d’Or) arrondissements de Paris.

4. Les faits

En août 1961, face à l’intensification des rafles et des perquisitions au sein de la communauté algérienne, le FLN décide de reprendre sa campagne d’attentats : onze policiers français sont tués entre la fin août et le début octobre 1961. En réponse à ses hommes qui veulent se faire justice eux-mêmes, le préfet de police les engage « à porter dix coups pour un coup reçu » et impose, le 5 octobre, un couvre-feu aux « Français musulmans d’Algérie » de la région parisienne entre 20 h 30 et 5 h 30.

Le FLN choisit de boycotter le couvre-feu et organise le soir du 17 octobre un défilé pacifique, à Paris, réunissant l’ensemble de la communauté algérienne, y compris les femmes et les enfants, ayant reçu pour mot d’ordre de ne répondre à aucune provocation.

La répression de la manifestation, menée par Maurice Papon, atteint une violence extrême avec un bilan de 32 à 285 morts selon les sources (3 reconnus officiellement), tués par balle ou précipités dans la Seine. Sur les 22 000 manifestants, plus de 11 000 sont arrêtés et transférés dans plusieurs lieux d’internement (Palais des Sports, Parc des expositions de la porte de Versailles, stade de Coubertin, centre d’identification de Vincennes) où ils sont soumis, pendant plusieurs jours, à des violences policières.

5. La censure et l’oubli

Plusieurs témoignages contredisant la version officielle paraissent dans les jours qui suivent, notamment celui des journalistes de l’Humanité ou les photographies du reporter Elie Kagan – rejoints peu après par une partie de la presse française.

Mais la préfecture de police de Paris saisit sans tarder les publications dénonçant la violence de la répression et les autorités françaises déboutent les quelques parlementaires (Gaston Defferre, Eugène Claudius-Petit) de leur demande de création d’une commission d’enquête.

À cette censure imposée par l’État s’ajoute l’oubli. La mémoire de la répression du 17 octobre 1961 est occultée par un autre événement dramatique qui a davantage marqué l’opinion : la mort, le 8 février 1962, de huit personnes (une neuvième décèdera plus tard), des suites d'une charge de la police dans la bouche de métro Charonne, lors d’une manifestation organisée par le parti communiste français (PCF) pour exiger la fin de la guerre en Algérie et des agissements de l'Organisation armée secrète (OAS).

Pour en savoir plus, voir les articles France : vie politique depuis 1958, guerre d’Algérie, histoire de l'Algérie, Algérie : vie politique depuis 1962, Ve République.