mélodrame
Œuvre dramatique accompagnée ou soutenue par de la musique.
L'art de plaire
Le mélodrame est une sorte de drame populaire, généralement en prose, dont la composition vise à des effets assurés auprès d'un public qui en connaît par avance les règles. En effet, si le drame cherche à être à la fois universel et quotidien de façon à toucher le peuple, le mélodrame, genre très codé et manichéen, aux grosses ficelles d'écriture et à visée moralisante (comme le drame bourgeois), est véritablement destiné au peuple. On y trouve toujours les mêmes types de personnages, notamment les méchants (le traître et son confident), les bons (le héros et son acolyte populaire, le niais ou le bouffon, le balourd qui fait rire par ses maladresses) et les victimes (les amoureux qu'une fin heureuse réunit, le père offensé puis rétabli dans ses droits). Le canevas étant invariable – un traître ourdit sa trame et finit par être démasqué par le héros –, le plaisir est dans les nombreuses péripéties et les coups de théâtre.
Plus timide que le drame sur le plan esthétique, le mélodrame s'accommode des unités (d'action, de lieu et de temps), d'un ton uniforme et larmoyant moralisant. Les hardiesses se concentrent sur l'art des plaisirs « machinés » et le pittoresque visuel : les mélodrames sacrifient au merveilleux sous les espèces de tremblements de terre, orages, cyclones, naufrages, incendies, éruptions volcaniques (les Ruines de Pompéi, 1827), nuées, sabbats de sorcières dans les airs (adaptations de Faust). Le mélodrame redécouvre le machinisme baroque mis au service du pathétique.
Le genre dramatique de la Restauration
La Restauration est l'âge d'or du mélodrame : genre optimiste, il exorcise et annule imaginairement les bouleversements de la Révolution, notamment dans les pièces de Pixerécourt (Victor ou l'Enfant de la forêt, 1798 ; les Orphelins du hameau, 1801), Monvel, Anicet-Bourgeois et Féval (le Bossu, 1862), Xavier de Montépin (la Porteuse de pain, 1889) et Dennery, dont les Deux Orphelines (1874) sont encore jouées de nos jours. Même le romantisme, qui le boude et fait de l'« art », n'échappe pas à son attraction, en en retirant une véritable religion de l'intrigue, censée émouvoir d'autant plus qu'elle multiplie les artifices. Victor Hugo ne craint pas de donner ses pièces aux théâtres du « Boulevard du crime » – chef-lieu du mélodrame –, et les grands acteurs romantiques tels que Marie Dorval ou Frédérick Lemaître donneront son panache au mélodrame, le tirant vers une humeur plus nuancée et des pièces moins sommaires, qu'il leur arrive parfois de récrire : en somme, ils le rapprocheront du drame, rendant parfois difficile la distinction entre les deux genres (notamment dans le cas de la Dame aux camélias de Dumas fils).
La postérité du mélodrame
Les codes et l'esthétique du mélodrame ont survécu au xxe s., en particulier dans le théâtre « de boulevard », mais aussi dans le cinéma muet, qui, faute de parole, grossit les effets : ainsi, À travers l'orage (1919), de Griffith, emprunte au mélodrame ses thèmes, péripéties et effets pour nous émouvoir du sort d'une pauvre jeune fille naïve, perdue sous l'orage en forêt. Mais c'est dans la presse dite du cœur et dans les séries familiales des feuilletons télévisés que l'on retrouve avec le plus de netteté l'esprit et le rythme du mélodrame.