intimidation
Action d'intimider quelqu'un par la force, la violence, la ruse.
Outil de propagande qui cherche la cohésion en déstructurant l’autre, l’intimidation suppose une stratégie et une tactique, jouant sur un double registre : la maîtrise des consciences (pénétrer la conscience d’autrui par la manipulation mentale) et celle des mouvements de foule. Qu’il s’agisse de diriger la violence collective contre un seul individu ou de la lui faire redouter, il existe un large spectre d’intimidation (depuis la censure jusqu’à la violence physique) montrant qu’une telle intensité dans la menace n’est pas d’emblée nécessairement atteinte. Toutefois, instiller la peur requiert une action véritablement systémique, afin que la crainte se fasse instrument au service du pouvoir. Une panique purement conjoncturelle est ainsi moins « efficace » qu’une inquiétude permanente.
L’intimidation se met volontiers en scène (comme lors des procès staliniens) ; elle devient tacite lorsqu’elle est intériorisée par sa cible. L’intimidation réussie fait l’économie de tout discours en exerçant son emprise sur tout un peuple, jusqu’à lui faire cultiver la « servitude volontaire », qui mime le consentement. De liberté de choisir et donc de refuser, le consentement devient alors assujettissement. Et l’assujettissement recèle parfois, lui-même, une force d’intimidation. Ce paradoxe est décrit dans l’ouvrage Du consentement de l’historienne et philosophe Geneviève Fraisse : non seulement l’adhésion est alors extorquée, mais elle se grime en revendication d’un choix personnel allant à l’encontre des principes démocratiques. D’intimidée, la « cible » devient intimidante. L’intimidation entretient donc des rapports complexes avec l’autorité : soit qu’elle la conforte en se faisant outil de domination, soit qu’elle l’ébranle en renfermant des potentialités subversives. Dans les deux cas, elle est de nature offensive : il n’y a pas d’intimidation douce ou anodine, même quand on reste en deçà d’atteintes à la personne, à son intégrité physique ou à ses biens.
Véritable acte de combat, l’intimidation se découvre une nouvelle portée avec la torture pratiquée par les démocraties. N’étant plus l’exclusive des régimes totalitaires, elle est le premier pas vers des supplices sophistiqués par leur caractère indirect, visant à « produire le maximum d’inconfort psychique, le prisonnier étant maintenu dans des conditions de détention qui lui donnent, autant que possible, l’impression d’être coupé du monde, tout en l’empêchant de s’acclimater à son nouvel environnement » (Michel Terestchenko, Du bon usage de la torture ou Comment les démocraties justifient l’injustifiable).