guerre russo-japonaise (février 1904-septembre 1905)
Conflit qui opposa la Russie et le Japon et qui se termina par la victoire de ce dernier, consacrée par le traité de Portsmouth.
Les origines
Inquiets de l'expansion du Japon attestée par la victoire de ce pays sur la Chine en 1895, les grandes puissances européennes s'attachent à limiter le débordement de l'Empire nippon. Profitant de ce climat politique, la Russie marque, au début du siècle, sa volonté d'affermir sa situation en Extrême-Orient : en 1898, elle occupe en Mandchourie la presqu'île du Liaodong, le port de Dalian (Dalian) , convoité par les Japonais, et Port-Arthur ; en 1903, l'amiral Alekseïev prend le titre de vice-roi des possessions russes en Mandchourie. Pour s'opposer à cette avance russe dans une zone jugée vitale pour ses intérêts, le Japon, qui, en 1902, s'est allié à l'Angleterre, remet en 1904 une sorte d'ultimatum à Moscou, dont la seule réponse est de poursuivre le renforcement des garnisons russes au moyen du Transsibérien (dont le débit demeurait toujours très lent).
La guerre
La prise de Port-Arthur
Au soir du 8 février 1904, sans aucun préavis, l'escadre japonaise de l'amiral Togo Heihachiro ouvre le feu et coule trois bâtiments russes au mouillage devant Port-Arthur, dont Togo organise aussitôt le blocus. Maître de la mer, le Japon déclare le 10 février la guerre à la Russie qui va subir une suite quasi ininterrompue de revers. La campagne débute par le débarquement en Corée de la Ire armée japonaise (Kuroki), qui occupe Séoul et remonte vers le Yalu (20 février), qu'elle franchit le 1er mai. Ce mouvement est complété du 5 au 25 mai par le débarquement entre Port-Arthur et le Yalu de trois autres armées japonaises, les IIe (Oku), IIIe (Nogi) et IVe (Nozdu), aux ordres du maréchal Oyama Iwao, commandant en chef.
Tandis que la IIIe armée met le siège devant Port-Arthur, qui, après de vaines tentatives de sortie de l'escadre russe (14 avril et 10 août), tombera le 2 janvier 1905, les trois autres armées marchent en direction de Liaoyang, où se replient les forces russes. Du côté russe, deux conceptions s'affrontent, celle de l'amiral Alekseïev, qui veut, à tout prix, sauver Port-Arthur, et celle du ministre de la Guerre Kouropatkine, envoyé en mission en Mandchourie et partisan d'une manœuvre en retraite qui donnerait aux renforts le temps d'arriver. Après le combat malheureux de Wafangou (aujourd'hui Fuxian) les 14 et 15 juin, la saison des pluies arrête quelque temps les opérations, tandis que la maîtrise de la mer se renforce pour les Japonais par la destruction, le 14 août, de l'escadre russe de Vladivostok.
Le 26 août, la bataille reprend sur les positions de Liaoyang, où s'affrontent 140 000 Russes et 160 000 Japonais. Après plus de dix jours de combat, les Russes ne peuvent empêcher les Japonais d'entrer le 3 septembre à Liaoyang et se replient en direction de Moukden. Le retentissement de cette bataille, livrée presque à égalité de moyens, sera considérable dans tout l'Extrême-Orient, où, pour la première fois, des Européens sont battus en rase campagne par des Asiatiques. Après un nouvel engagement sur le Shahe (10-18 octobre) pour freiner l'avance japonaise, les Russes se replient sans encombre ; l'amiral Alekseïev est rappelé à Moscou, et le général Kouropatkine est nommé commandant en chef. L'hiver 1904-1905, particulièrement froid, constitue une sorte de trêve durant laquelle les deux armées, épuisées, renforcent leurs positions. Les Russes se retranchent autour de Moukden, où le maréchal Oyama dirige aussi la IIIe armée Nogi, libérée par la capitulation de Port-Arthur le 2 janvier.
La bataille de Moukden
Le 20 février commence la bataille pour Moukden, dont l'ampleur marque un tournant de l'histoire militaire qui déjà annonce la Première Guerre mondiale. Le front russe, commandé par Kouropatkine, a été sensiblement renforcé grâce au Transsibérien, dont le rythme a atteint le rythme de trois à dix trains par jour. Étendu sur 80 km de part et d'autre de la voie ferrée de Moukden, il comporte une triple ligne de tranchées qui relient entre eux une vingtaine de redoutes et cinq forts ; 300 000 soldats russes, appuyés par un millier de canons, sont répartis entre la IIe (Kaulbars), la IIIe (Bilderling) et la Ire armée (Linevitch) ; la cavalerie est aux ordres du général Rennenkampf. En face, le maréchal japonais Oyama dispose de forces sensiblement égales : ses quatre armées sont déployées sur un front de 65 km devant Moukden. Au cours de quinze jours de combat furieux, qui causent des pertes considérables de part et d'autre, aucun résultat décisif n'est obtenu. En revanche, les mouvements d'encerclement à grande distance, conduits d'abord par la gauche (Nogi), puis par la droite japonaise (Nozu), obligent les Russes à abandonner leurs positions défensives, puis à évacuer Moukden le 9 mars et à entamer une longue retraite de 100 km vers le nord, qui consacre l'indiscutable victoire des Japonais. Les pertes ont été très lourdes des deux côtés (96 000 Russes, dont 20 000 prisonniers, et 70 000 Japonais), et les forces du maréchal Oyama sont hors d'état de poursuivre.
La défaite des Russes
Quelque temps plus tard, la guerre sur mer s'achève, elle aussi par un désastre pour les Russes. Au cours de l'hiver 1904-1905, l'amirauté avait décidé d'envoyer en Extrême-Orient sa flotte de la Baltique, commandée alors par l'amiral Rojdestvenski (1848-1909). Celle-ci mettra huit long mois à parvenir en Extrême-Orient, après de pénibles incidents avec les Anglais (alliés des Japonais) à hauteur du Dogger Bank en octobre 1904 (incident de Hull) et après de longues escales à Madagascar et en Indochine (dans la baie de Cam Ranh), qui mettent la France en position difficile. À son arrivée dans le détroit de Corée, l'escadre russe (12 cuirassés, 8 croiseurs, 9 torpilleurs) sera détruite en vue de l'île de Tsushima les 27 et 28 mai 1905 par la flotte japonaise, qui, aux ordres de l'amiral Togo, rassemble 12 cuirassés, 16 croiseurs et 65 torpilleurs. (→ bataille de Tsushima).
La paix de Portsmouth
Dans cette situation critique, les Russes se décident à traiter. Grâce à la médiation de l'Angleterre, de la France et du président des États-Unis Theodore Roosevelt, ils obtiennent un armistice, qui précède le traité de paix signé le 5 septembre 1905 à Portsmouth. La Russie reconnaissait au Japon un droit de protectorat sur la Corée, lui cédait Port-Arthur, Dairen et ses droits sur le territoire du Liaodong, le chemin de fer Sud-Mandchourien ainsi que la partie de l'île de Sakhaline située au sud du cinquantième parallèle. Sur le plan militaire, cette guerre, qui avait vu la première apparition en force de la mitrailleuse et du canon à tir rapide, donnait au feu une importance désormais capitale, qu'allaient consacrer les fronts continus de 1914-1918. Dans le domaine politique, le traité de Portsmouth marquait un arrêt brutal de l'expansion russe vers l'Orient et témoignait, sur le plan international, de l'ascension du Japon au rang de grande puissance.
Pour en savoir plus, voir l'article histoire du Japon.