château
Le château de plaisance et d'apparat
Les châteaux de la Renaissance
Les palais italiens
En Italie, dès le début du xve s., les habitations seigneuriales urbaines, jusqu'alors bâties sur le modèle médiéval de la massive maison-tour (San Gimignano, en Toscane, en conserve plusieurs), se transforment : les palais s'articulent autour d'une cour, ordinairement carrée et bordée d'arcades. Le rez-de-chaussée est réservé aux magasins et aux pièces de service ; le second étage, aux greniers et aux appartements secondaires ; les maîtres se réservant le premier étage, auquel on accède par un escalier monumental. Ce modèle trouve son expression la plus aboutie à Florence avec le palais Médicis, élevé de 1446 à 1459 par Michelozzo.
Pendant la seconde moitié du xve s., les architectes florentins contribuent à répandre ce nouveau type de palais en Italie, intégrant les éléments décoratifs locaux et y associant des références à l'antique : l'architecture du Quattrocento voit éclore un humanisme, qui préside, notamment, au plan rationnel de la villa Médicis, résidence de campagne que Laurent le Magnifique se fait construire à Poggio a Caiano.
Les villas de la Renaissance essaiment au siècle suivant, ouvertes sur des jardins souvent agrémentés de fontaines et de fabriques à l'antique. En Vénétie, Palladio leur donne des formes resurgies de la Rome impériale, comme dans la majestueuse villa Rotonda, près de Vicence, au plan carré centré sur un salon circulaire surmonté d'une coupole.
Les châteaux du Val de Loire
En 1494 éclate un conflit entre l'Italie et la France, élargi à l'Europe après l'élection de Charles Quint à la tête du Saint Empire, en 1519. Les troupes françaises découvrent la richesse ornementale de l'architecture lombarde, et Charles VIII et Louis XII ramènent des artistes d'Italie. Le Val de Loire connaît alors une incroyable floraison de châteaux, devenus résidences d'agrément. Parmi les premiers, Chenonceaux, commencé dès 1515 (le pont ne sera jeté sur le Cher qu'en 1555, puis recouvert d'une galerie par Catherine de Médicis en 1559), et Azay-le-Rideau (1519-1527) ont un plan à la régularité tout italienne : rectangulaires, ils sont flanqués de quatre tours rondes, encore médiévales.
Avec François Ier, les demeures royales gagnent un éclat nouveau. À Blois, l'escalier à vis gothique se trouve transformé par un escalier octogonal richement orné et saillant sur la cour. Mais c'est certainement Chambord qui exprime le mieux l'esprit de la première Renaissance française. Bâti de 1519 à 1550, il mêle apports italiens – on attribue à Léonard de Vinci le phénoménal escalier à double révolution – et traditions françaises : les grosses tours rondes flanquent un édifice de plan rectangulaire et symétrique, entourant un donjon carré de même hauteur que l'ensemble ; les toitures d'ardoise sont rythmées par une multitude de lucarnes, cheminées et lanternes ornées de marbres polychromes. François Ier transforme le petit château médiéval de Fontainebleau en un vaste palais, où œuvreront des artistes italiens – le Rosso, Nicolo Dell' Abbate, le Primatice – et il confie la reconstruction du Louvre à Pierre Lescot. Avec ce dernier, féru d'architecture antique, et surtout avec Philibert Delorme, qui conçoit pour Diane de Poitiers le château d'Anet, la Renaissance française entre dans sa période classique.
Les châteaux dans le reste de l’Europe
En Espagne, Philippe II commence en 1562 le palais de l'Escurial, terminé en 1582. C'est alors le plus grand palais d'Europe, relativement austère ; inspiré de modèles italiens, son plan centré autour de l'église est également un symbole voulu par Sa Majesté Très Catholique : il rappelle le gril sur lequel a été supplicié saint Laurent, en mémoire de la victoire de Saint-Quentin, remportée le 10 août 1557, jour de la Saint-Laurent.
L'Allemagne se laisse gagner par l'italianisme, plus en Bavière (résidence de Munich, reconstruite à partir de 1560) et dans le Palatinat (réaménagement du château de Heidelberg en 1556) que dans le Nord et l'Est, où le gothique demeure plus vivace. C'est également le cas de l'Angleterre, où la Renaissance étend son vocabulaire décoratif, mais pénètre plus difficilement les édifices : Hampton Court, élevé à partir de 1515, et Whitehall, commencé en 1530, sont des palais au plan irrégulier et somme toute gothique malgré des éléments renaissants. Quant au chef-d'œuvre de l'architecture élisabéthaine, le château de Longleat, construit en 1572, il conserve, malgré son originalité, son plan symétrique et ses trois ordres superposés, un esprit issu du gothique.
Les palais d’apparat du xviie s.
Avec la Renaissance, le château a bel et bien perdu toute prétention défensive : il ne répond plus qu'à une fonction de plaisir (la chasse, les fêtes) et de prestige, qui ne cesse de s'affirmer, du palais du Luxembourg (Salomon de Brosse réutilise dans ce palais destiné à Marie de Médicis les bossages du palais Pitti, à Florence) au château de Maisons (dû à Mansart) et à Vaux-le-Vicomte (fruit de la collaboration de Le Vau, pour l'architecture, de Le Brun, pour la décoration, et de Le Nôtre, pour les jardins).
Ici, le souci de prestige frise l'arrogance : Louis XIV ne rase pas le château, mais il fait emprisonner Nicolas Fouquet (propriétaire de Vaux-le-Vicomte, et contre lequel il a nombre de griefs) et lui « vole » ses artistes, qui contribuent désormais, en édifiant le palais par excellence, Versailles, à construire le mythe du Roi-Soleil. D'un petit relais de chasse, Louis XIV fait un palais spectaculaire, à la décoration luxueuse, véritable mise en scène du pouvoir du monarque absolu ; les fontaines, statues et motifs décoratifs déclinent la symbolique du soleil et d'Apollon. La plus grande orangerie du monde, une ménagerie, un parc immense, des jardins à la française et des bassins pouvant accueillir des fêtes nautiques s'offrent à l'admiration de la cour et des visiteurs étrangers.
Un tel faste éblouit l'Europe, et cette résidence est imitée – avec des variations traduisant les fluctuations du baroque et du classicisme – de la Suède (palais royal de Stockholm) à la Russie (résidence d'été de Peterhof, palais de Tsarskoïe Selo), des Pays-Bas (château de Het Loo) à l'Autriche (palais de Schönbrunn) et à l'Allemagne (résidence de Würzburg), de l'Angleterre (nouvelle façade de Hampton Court) à l'Espagne (la Granja) et au Portugal (Queluz).
Les palais « intimes » du xviiie s.
En France, à partir de la Régence, on recherche, après le faste du Grand Siècle, l'intimité, avec des demeures de dimensions modestes, ouvertes sur le paysage (Petit Trianon, Bagatelle). Face au baroque du Belvédère viennois, au rococo du palais d'Hiver de Saint-Pétersbourg, l'Angleterre voit se développer des country houses, dans un style néopalladien introduit par Inigo Jones.
Le néoclassicisme connaît une certaine vogue outre-Manche (décor intérieur « à la romaine » de Syon House) comme en France (château de Moncley), où le style pittoresque trouve sa plus belle expression avec le hameau de Marie-Antoinette, qui consacre la mode du retour rousseauiste à la nature.
Les châteaux du xixe s.
La Révolution marque la fin, du moins en France, de la construction des châteaux, privilège nobiliaire, et elle en détruit d'ailleurs un grand nombre. Les privilèges changent de mains, et la bourgeoisie s'intéresse elle aussi aux châteaux : en 1818, un banquier rachète celui de Maisons, qui devient Maisons-Laffitte ; les industriels du xixe s. se font construire de tapageuses bâtisses, anoblies du nom de château.
Napoléon III se contente, en plus de ses ajouts au Louvre, d'entreprendre la restauration de quelques châteaux, dont celle de Pierrefonds, confiée à Viollet-le-Duc, et d'élever, à Biarritz, la villa Eugénie, résidence dont la principale grâce est la vue sur la mer ; plus tard transformé en hôtel, le palais devient palace.
Louis II de Bavière est le dernier grand bâtisseur de châteaux ; celui de Neuschwanstein, commencé en 1869, avec ses tours élancées, évoque, dans son décor alpestre, à la fois Wagner et les frères Grimm.