casier judiciaire
Service où sont centralisés et classés les bulletins répertoriant les condamnations pénales d'une personne physique ou d'une personne morale ; dans le langage courant, le bulletin lui-même.
Origine
« Il faut que le ministre de la Justice ait sans cesse à sa disposition la biographie de tout individu traduit devant les tribunaux », affirmait Napoléon. En effet, les juges ont besoin de connaître le passé judiciaire de tout inculpé, tant pour apprécier son degré de culpabilité que pour appliquer les dispositions légales relatives à la récidive ; l’Administration ressent le même besoin lorsqu’il s’agit d’établir les listes électorales et les listes de jurés, ainsi que de nommer les fonctionnaires. C’est pourquoi le Code d’instruction criminelle de 1808 avait institué un système complexe. Les greffiers des juridictions répressives inscrivaient sur des registres spéciaux l’identité de toute personne condamnée à une peine correctionnelle ou à une peine plus forte ; tous les trois mois, ils devaient adresser copie de ces registres aux ministères de la Justice et de la Police générale ; la reproduction de ces copies sur des registres spéciaux constituait les « sommiers » judiciaires. Les greffiers simplifièrent un peu le système en n’adressant les documents prévus qu’au seul ministère de la Police générale, transformé depuis en Préfecture de police. L’accroissement du nombre des registres (plus de 8 millions de copies en 1893) rendit assez rapidement leur consultation difficile. C’est pourquoi l’institution d’un nouveau système se révéla nécessaire. Dès 1850, le ministre de la Justice, Rouher, prescrivit par circulaire l’adoption d’un procédé inventé en 1848 par Bonneville de Marsangy (Mons 1802 - Paris 1894), alors procureur du roi à Versailles ; le casier judiciaire était né.
Régi par des circulaires successives, il reçut la sanction législative le 5 août 1899 et le 11 juillet 1900. Il fait l’objet des articles 768 et suivants du Code de procédure pénale et de la loi du 11 juillet 1975. Mais les anciens sommiers judiciaires n’avaient pas disparu pour autant, les greffiers ayant continué leur transmission à Paris, où un système de fiches classées par ordre alphabétique avait été mis au point par Bertillon. Comme ils n’étaient plus mentionnés dans le Code de procédure pénale de 1958, un décret du 28 décembre 1959 leur a donné une vie nouvelle sous l’appellation de « sommiers de police technique », dont la consultation est exclusivement réservée aux autorités judiciaires ainsi qu’aux services de police et de gendarmerie.
La tenue du casier judiciaire
Les greffiers des juridictions intéressées inscrivent sur des fiches individuelles, appelées bulletins, les condamnations enregistrées. Ces bulletins sont adressés au greffe du tribunal de grande instance dans le ressort duquel le condamné est né ; ils y sont conservés par ordre alphabétique à l’intérieur d’une chemise portant le nom du condamné dans un casier auquel le public n’a pas accès. Un casier central fonctionne à Nantes pour les personnes nées à l’étranger ou dont le lieu de naissance n’est pas connu.
C’est également au casier judiciaire que sont classés les avis de recherche établis par la police. Il y a donc au greffe du tribunal de grande instance du lieu de naissance autant de fiches que de condamnations prononcées contre chaque personne. Il s’agit : 1o des condamnations pénales prononcées contradictoirement, par contumace ou par défaut, avec ou sans sursis, pour crimes et délits ainsi que pour les contraventions de la cinquième classe ; 2o des mesures de sûreté prononcées par les juridictions pour enfants ; 3o des décisions disciplinaires prononcées par l’autorité judiciaire ou par une autorité administrative lorsqu’elles entraînent ou édictent des incapacités ; 4o des jugements prononçant la liquidation des biens, le règlement judiciaire ou la faillite personnelle ; 5o des jugements prononçant la déchéance de la puissance paternelle ou le retrait de tout ou partie des droits qu’elle comporte ; 6o des arrêtés d’expulsion pris contre les étrangers ; 7o certaines condamnations prononcées par des juridictions étrangères. Les greffiers doivent ajouter sur les fiches les grâces, commutations ou réductions de peines, les décisions qui suspendent ou ordonnent l’exécution d’une première condamnation, les arrêtés de mise en liberté conditionnelle ou de révocation d’une telle mesure, les décisions de suspension de peine, les réhabilitations, les décisions qui rapportent ou suspendent les arrêtés d’expulsion, la date d’expiration de la peine et celle du paiement de l’amende. Des duplicata des fiches sont adressés aux autorités militaires si la condamnation est susceptible de modifier les conditions d’incorporation, à l’I. N. S. E. E. si elle comporte ou entraîne privation des droits électoraux et au ministère de la Justice lorsqu’un accord diplomatique avec un pays étranger prévoit l’échange des casiers judiciaires.
Les fiches sont détruites notamment dans les cas suivants : décès du condamné, amnistie, rectification pour erreur, purge de la contumace, révision ou opposition à une condamnation par défaut, constatation par le tribunal de l’amendement d’un mineur. Des auteurs estiment que la destruction des fiches, dans les quatre derniers de ces cas, enlève partiellement au casier judiciaire son caractère de biographie pénale.
Les extraits du casier judiciaire
Trois bulletins peuvent être établis au titre d’extraits du casier judiciaire :
— le bulletin no 1, délivré aux seules autorités judiciaires (magistrats du parquet ou de l’instruction), qui est un extrait intégral des fiches figurant au casier judiciaire au nom d’une personne donnée ;
— le bulletin no 2, délivré dans certains cas aux préfets et aux administrations publiques de l’État, aux autorités militaires, aux juges d’instance, aux tribunaux de commerce, et qui ne mentionne pas certaines condamnations (notamment décisions effacées, condamnations pour contraventions de police, condamnations avec sursis, avec ou sans mise à l’épreuve, lorsque non avenues) [le tribunal qui prononce une condamnation peut en exclure la mention au bulletin no 2] ;
— le bulletin no 3, délivré au seul titulaire du casier et où ne sont inscrites que les condamnations par une juridiction française à des peines privatives de liberté d’une durée supérieure à deux ans lorsqu’elles ne sont pas assorties du sursis ou lorsque celui-ci est révoqué (les exclusions prévues pour le bulletin no 2 sont également applicables au bulletin no 3). À défaut de toute condamnation susceptible de figurer au bulletin, le greffier oblitère le document délivré par une barre transversale, alors que, pour les bulletins no 1 et no 2, il porte la mention « néant ».
Les casiers spéciaux
Les contraventions des quatre premières classes ne figurant pas au casier judiciaire ordinaire, l’Administration a, par deux arrêtés du 9 janvier 1960, créé des casiers judiciaires spéciaux pour les contraventions en matière de circulation routière et pour alcoolisme, pour lesquelles — exceptionnellement — la récidive est appréciée sur le plan national.
Un casier administratif électoral avait été créé, par circulaire, en 1856 et réorganisé en 1875, puis — par voie législative cette fois — en 1899 en vue de contrôler la radiation sur les listes électorales des personnes frappées d’une condamnation entraînant privation perpétuelle ou temporaire des droits électoraux. Le 28 août 1946, le législateur a confié à l’I. N. S. E. E. la tenue d’un fichier général des électeurs et électrices, et supprimé les casiers administratifs tenus dans les sous-préfectures.