Allemagne : géographie physique
1. Trois grandes unités de relief et de structure
L'Allemagne s'étend sur trois des grandes régions naturelles de l'Europe : les Alpes et leur avant-pays ; le Mittelgebirge européen (ou Europe hercynienne ou moyenne) ; la grande plaine du Nord. Mais les nuances sont nombreuses et les petites unités, innombrables : le morcellement physique qui caractérise le monde germanique a contribué au maintien des particularismes régionaux. Certes le Rhin traverse les trois régions, mais il n'a pas engendré de capitale comparable à Paris ou à Londres.
Les principaux sommets d'Allemagne
Les principaux sommets d'Allemagne | ||
Sommet | Chaîne ou massif | Altitude |
Zugspitze | Alpes | 2 963 m |
Mädelegabel | Alpes de l'Allgäu | 2 645 m |
Feldberg | Forêt-Noire | 1 493 m |
Brocken | Harz | 1 142 m |
Lemberg | Jura souabe | 1 015 m |
Feldberg | Taunus | 880 m |
Hochwald | Hunsrück | 818 m |
Hohe Acht | Eifel | 747 m |
La diversité du relief est grande. Mis à part la plaine du Nord, les grandes unités de relief sont absentes. Le fractionnement en plateaux, bassins et vallées a contribué sans doute à la régionalisation. Le morcellement politique, sans aller jusqu'au déterminisme géographique, était favorisé par la nature physique. Il est impossible d'exprimer l'Allemagne à travers une forme de paysage dominante, comme c'est le cas pour les Pays-Bas. Trois types de paysages se partagent, du sud au nord, le territoire. L'Allemagne alpine est représentée par la Bavière, où la forme de plateau est prédominante. Elle ne dispose que d'un mince liséré des Préalpes calcaires. L'Allemagne moyenne (Mittelgebirge) prolonge la Bavière vers le nord et l'ouest. Une série de montagnes moyennes, séparées par des vallées et bassins, découpe le relief en unités qui s'articulent de manière fort diverse. Le passage au troisième type se fait par l'intermédiaire d'une zone où la pédologie joue un rôle aussi important que le relief. Le lœss fertile déroule un ruban presque continu d'ouest en est au pied des massifs montagneux. Il fait la transition avec la plaine du Nord, où la monotonie topographique est remplacée par la variété pédologique.
Ainsi l'Allemagne est formée de trois ensembles morphologiques diversifiés : zone alpine, zone hercynienne de la moyenne montagne, zone quaternaire de la grande plaine du Nord. L'artère fluviale maîtresse, le Rhin, traverse ces trois ensembles et contribue à les rapprocher, sinon à les unir sur le plan économique. L'originalité du Rhin vient de ce fait capital pour l'histoire et l'économie de l'Allemagne. Nul autre fleuve ne lui est comparable. L'Elbe n'atteint point le domaine alpin. Contrairement au Rhin, qui naît en Suisse alémanique, l'Elbe prend sa source en territoire slave. Quant à l'Oder, elle est encore plus slave que l'Elbe. Le Danube ressemble plus à l'Oder et à l'Elbe qu'au Rhin. Né en Allemagne du Sud, il traverse les pays magyar, slave et roumain, sans contribuer d'une manière dynamique à l'unification des espaces économiques. L'étude physique ne peut négliger ces quatre grands fleuves, d'autant plus qu'aucun n'a joué d'une manière permanente le rôle de frontière au cours de l'histoire. Cependant, leur rôle ne s'est accru qu'à une époque relativement récente, avec l'aménagement de grands axes fluviaux.
1.1. Le littoral et la plaine du Nord
Le littoral
Zone longtemps répulsive, le littoral vaut surtout par ses nombreux et profonds estuaires. Il se prolonge vers l'intérieur par une plaine qui ne cesse de s'élargir. De 150 km à l'ouest, elle passe à près de 300 km à la hauteur de Kiel. La presqu'île du Jutland, qui la prolonge vers le nord, présente encore les mêmes paysages. Les indentations entre la mer et la terre sont, du fait des vicissitudes géologiques et des jeux de la marée, subtiles et complexes. Dollart, golfe du Jade, baie de la Weser, de Kiel, baie de Lübeck, pour ne nommer que les principales, ont donné naissance à des activités multiples, montrant la prédominance des estuaires et des baies sur les portions de littoral basses et rectilignes. Le littoral de la mer du Nord porte les stigmates des assauts dévastateurs des marées-tempêtes qui, du xie au xvie siècle, ont rompu le cordon dunaire en un chapelet d'îles (Frise), ouvert les golfes de Dollart (1277) et de Jade (1511). Entre la Geest et les estrans luisants de vase s'intercalent de fertiles polders argileux (Marschen) endigués dès le xie siècle. Plus découpée, agrémentée de dunes et de falaises, la côte balte offre de multiples abris naturels où se blottissent des stations balnéaires, en Schleswig-Holstein ; au-delà, au Mecklembourg, la côte régularisée n'offre guère de havres naturels. Le monde germanique septentrional a ses foyers les plus actifs dans ces régions.
Le littoral est caractérisé par les plages de sable ou les Marschen. Ces dernières résultent de l'exhaussement des alluvions apportées à la mer par les fleuves littoraux. Constituées par le Schlick (slikke), où l'on retrouve argiles et sables, les Marschen subissent les assauts des tempêtes marines. Les chenaux de marée entaillent le Schlick, que les hommes essaient de rehausser en construisant des réseaux de piquets reliés par des fascines. Comme les polders, les Marschen sont susceptibles d'être envahies par les plus hautes marées. Dès le Moyen Âge, les habitants ont entrepris la construction de digues ; rarement elles ont été insubmersibles. Les Seemarschen sont des polders littoraux. Le long des fleuves se déroulent les Flussmarschen (Elbe, Ems).
Le littoral est précédé par un chapelet d'îles (îles frisonnes orientales et septentrionales). Elles sont le reste d'un ancien littoral submergé lors de la remontée de la mer consécutive à la fonte des glaces quaternaires. Certaines sont d'anciens cordons dunaires qui ont résisté à la submersion. Les Halligen sont des portions d'anciennes Marschen démantelées par les eaux marines lors de leur invasion. Elles sont sans aucune défense, étant entièrement plates. Les tempêtes exceptionnelles les submergent partiellement ou totalement. Pour se protéger, les hommes ont construit leurs habitations sur des tertres artificiels appelés Warften, ou Wurten. Entre les îles et le continent, la Wattenmeer découvre deux fois par jour sur quelques kilomètres. Le milieu littoral et insulaire est un milieu rude, constamment confronté aux forces déchaînées de la nature, et où les caractères se trempent.
Les grands estuaires correspondent à des accidents structuraux. Leur ampleur est liée à la subsidence qui affecte la mer du Nord. L'île de Helgoland est la seule île rocheuse, composée de sédiments mésozoïques. La marée se fait sentir loin à l'intérieur des terres, jusqu'à Hambourg et Brême. L'envasement des estuaires a entraîné l'édification d'avant-ports et nécessite d'importants travaux de dragage pour permettre l'accès des grands navires à Hambourg et Brême.
La plaine du Nord
L'ossature de la plaine du Nord est constituée par un socle de roches anciennes, qui a reçu, à l'époque primaire, une couverture sédimentaire où les formations salifères et gypseuses forment les éléments les plus originaux (mer du Zechstein). D'autres dépôts salifères datent du Permien. Des masses considérables de sédiments plus récents recouvrent ces couches salifères. Leur plasticité et les efforts tectoniques (phases saxoniennes) les ont amenées à la surface ou près de celle-ci. Les « dômes » salifères (Salzstöcke) sont fréquents de part et d'autre de l'Elbe inférieure. Sel et potasse sont d'exploitation relativement aisée. Le pétrole et le gaz naturel se trouvent dans les roches du Zechstein et du Crétacé. Après diverses phases tectoniques secondaires (saxoniennes), le Tertiaire est marqué par la formation de gigantesques bassins, qui, en partie, sont comblés par des débris végétaux, dont la carbonisation détermina la formation de lignite. Le gisement le plus important est localisé dans la « baie » de Cologne, autour du massif de la Ville. Ces gisements prennent une importance grandissante vers l'est, vers l'Allemagne orientale. C'est également au Tertiaire que s'individualise la dépression westphalienne, ou bassin de Münster. Un vaste compartiment du complexe varisque effondré est recouvert de roches crétacées, elles-mêmes recouvertes presque partout par des éléments des glaciations quaternaires. Les altitudes n'atteignent pas 200 m. Le drainage se fait vers le nord, mais aussi, par la Lippe, vers le Rhin, ce qui souligne les liens particuliers de la Westphalie avec le monde rhénan.
La fin du Tertiaire est marquée par un refroidissement de l'atmosphère, qui mène aux glaciations quaternaires. L'inlandsis scandinave, franchissant l'actuelle mer Baltique, recouvrait de sa masse gigantesque la plus grande partie de la plaine. Les avancées et les retraits successifs des glaciers déterminèrent la morphologie de détail, très complexe, de cette plaine. Les accumulations se firent devant le front glaciaire lors des périodes de stabilité. De vastes surfaces de sables (Geest) ont été aménagées par les eaux issues des glaciers. À l'arrière des moraines frontales, le glacier, après son retrait, découvre la moraine de fond constituée par des éléments hétérogènes. La nature des matériaux est très variable. Les moraines constituent souvent des barrages retenant les eaux de ruissellement ; elles ont donné naissance à des milliers de lacs, qui, par leur scintillement, égaient le paysage. On distingue trois grandes glaciations. La glaciation de l'Elster correspond à la glaciation alpine de Mindel ; celle de la Saale équivaut à celle du Riss ; la période de la Vistule correspond, enfin, à la glaciation du Würm.
La plaine est marquée par deux grands alignements morainiques. Le südlicher Landrücken, formant un vaste arc de cercle et englobant la Lüneburger Heide, est souligné, en contrebas, par une zone déprimée occupée par l'Aller et la Weser moyenne. Zone mal drainée, ce couloir transversal est le type de l'Urstromtal, où les eaux issues des glaciers s'accumulèrent avant de trouver une issue d'écoulement.
Le baltischer Landrücken date de la glaciation Vistule-Würm et présente des formes plus fraîches. La topographie est vallonnée ; le paysage de collines domine. Dans le Schleswig-Holstein, les alignements sont de direction nord-sud ; ils s'incurvent vers l'est en une direction ouest-est. La couverture forestière, la multitude de lacs, la variété topographique ont amené l'appellation de Holsteinische Schweiz pour la région située entre Kiel et Lübeck.
La pédologie, plus que la topographie et la morphologie, distingue les aspects naturels dans la plaine. Le paysan a introduit des distinctions fondées sur la nature physique des sols.
La Geest est le paysage des plaines ou plateaux de sables. Elle s'oppose à la Marsch (ou polder), ainsi qu'aux Moore (tourbières). La Geest a souvent été assimilée à la lande (Landes de Lüneburg). Pour les paysans des Marschen, la Geest signifie tout ce qui entoure la Marsch. Le paysage de Geest est particulièrement développé en Basse-Saxe. Les Moore se sont développées dans les dépressions fluviales ou à proximité de la mer. La genèse des tourbières est liée à celle des autres formes glaciaires. Si la Geest domine à l'est de l'Elbe, les tourbières, par contre, sont plus étendues à l'ouest de cette dernière. La plus grande, celle de Bourtrange, occupe 1 400 km2, dont 1 000 en Allemagne même, le reste dans les Pays-Bas. L'épaisseur de tourbe oscille entre 4 et 6 m, mais exceptionnellement peut atteindre 22 m. L'exploitation des tourbières passe par leur drainage. L'utilisation de la tourbe comme combustible a contribué à la mise en valeur de nombreuses tourbières. La colonisation agricole médiévale a réalisé la mise en cultures des zones essentiellement périphériques (Moorhufendörfer). Geest et Moor sont deux milieux physiques quasiment opposés. Alors que le premier souffre de la sécheresse, le second pâtit des excès d'humidité.
1.2. La moyenne montagne, les vallées et les bassins
En allant vers le sud, on traverse, tout d'abord, un ruban plus ou moins continu de sols lœssiques : les Börden. Les terroirs de lœss débutent aux environs d'Aix-la-Chapelle et se poursuivent jusque dans l'est de l'Allemagne, se déroulant au pied des Mittelgebirge, à l'exception de quelques petites interruptions. Le lœss d'origine périglaciaire date des dernières glaciations. Les Börden les plus célèbres sont celles de Bergheim, Düren, Jülich à l'ouest du Rhin, Hanovre et Minden à l'est. Là se trouvent les grandes régions céréalières et betteravières (betterave à sucre).
Le Massif schisteux rhénan
La moyenne montagne ne présente pas un aspect continu et homogène. Le Massif schisteux rhénan est l'élément essentiel, mais offre des paysages variés. Il se fractionne, grâce au découpement dû aux vallées et, secondairement, à la nature des roches, en une série d'unités naturelles : Eifel, Hunsrück, Taunus, Westerwald, Siebengebirge, Bergisches Land, Sauerland, Siegerland. Les vallées entaillent profondément les massifs, ce qui n'exclut pas la formation de méandres pittoresques et grandioses. Moselle, Rhin, Lahn, Sieg, Wupper, Ruhr font affleurer les roches essentiellement schisteuses. Les sommets correspondent à des arêtes formées de roches plus dures, les quartzites. L'orogenèse hercynienne a été suivie par une phase de pénéplanation. L'altitude actuelle est le résultat de soulèvements inégaux datant du Tertiaire ; bien des compartiments ont vu continuer ces derniers jusqu'au début du Quaternaire. Les mouvements tertiaires ont été accompagnés d'effondrements et de manifestations volcaniques. Dômes, coulées basaltiques, plateaux de tufs ont déterminé les paysages souvent pittoresques de l'Eifel oriental, des Siebengebirge et du Westerwald. Rhön et Vogelsberg sont des bastions et pointements volcaniques, rappelant le Cantal. L'Eifel reste, peut-être, la région la plus originale. À côté des volcans, deux autres formes contribuent à l'originalité de ses paysages. Ce sont d'abord les Maare (régions de Daun et du Laacher See), dépressions circulaires provenant de l'effondrement et de l'explosion du socle schisteux. La plupart d'entre eux sont remplis d'eau et bordés d'un cratère constitué par des roches volcaniques non consolidées. En contrebas des Maare et volcans de l'Eifel oriental s'étendent, surtout dans le bassin de Neuwied, des masses énormes de tufs non consolidés, le Bims des géologues. Les tufs forment un tapis épais de plusieurs mètres. Des restes de civilisations préhistoriques ont été trouvés dans certaines couches. Le Bims constitue un matériau de construction (agglomérés) léger, résistant et bon marché. Son extraction donne lieu à une véritable industrie autour de Mayen et de Neuwied. La complexité morphologique contribue au pittoresque et à la variété des paysages, qui favorisent le développement touristique.
Les autres massifs anciens
Les autres massifs anciens sont d'ampleur moindre. Le massif cristallin du Harz, vu de la plaine du Nord, est comparable à une gigantesque île de granit, qui culmine au Brocken (1 142 m). Les sommets forment plus un plateau qu'une montagne. L'impression de relief procède, surtout, de l'encaissement des vallées. À l'origine, le massif était couvert d'un manteau forestier presque continu. La profonde minéralisation du socle explique la richesse et la variété des minerais (pyrite dans la région de Mansfeld, fer, étain, cuivre, argent, zinc, potasse en bordure [gisements de Stassfurt et de Halle], etc.), ainsi que du sel. C'est le type du massif minier. L'extraction est relativement ancienne ; le Harz est évoqué, dès le xe s., comme région minière. La prospérité survint au xvie s. La mine s'appelle en allemand Bergwerk (« l'établissement dans la montagne »), et le mineur Bergmann. C'est ici que bien des aspects de la technique minière ont été mis au point, de même que des expressions du vocabulaire minier.
La Forêt-Noire est la réplique des Vosges. Plus élevée au sud, elle voit affleurer les roches cristallines dans le sud, les grès épais dans le nord. La lente descente de ces derniers est interrompue par le couloir d'effondrement du Kraichgau, importante zone de passage entre le fossé rhénan et le Wurtemberg.
Les surfaces gréseuses reprennent au nord et déterminent l'Odenwald, qui fait le lien avec les massifs entourant le Main.
Entre l'Odenwald et le Taunus se dessine une zone déprimée, la Wetterau. Bien encadrée par la montagne, elle est une des grandes voies de passage vers l'est et le nord (Hanovre, Hambourg, Berlin). C'est aussi un bon pays aux sols variés et riches et au climat favorable. Elle est un élément de la hessische Senke (dépression de Hesse), dont le socle triasique affaissé a été, en partie, recouvert par des formations tertiaires comprenant des lignites. L'évolution quaternaire a déterminé, localement, la formation de lœss. C'est dans les environs plus élevés, le hessisches Bergland, qu'est né le monde des gnomes (Zwerge) des frères Grimm.
Vers l'est et la République tchèque, l'éperon effilé de la forêt de Thuringe présente les aspects caractéristiques du relief et de l'économie d'un massif hercynien d'Europe centrale : orientée N.-O.-S.-E., elle offre de belles surfaces d'aplanissement dans les terrains anciens et dans les grès, dominée par des sommets arrondis dont l'altitude n'atteint pas 1 000 m et disséqués par des vallées encaissées. Colonisé au cours du Moyen Age, le Thüringer Wald donne à l'avant-pays ses eaux abondantes et pures et renferme des gisements de potasse. Les blocs faillés du Fichtelgebirge (1 050 m), du Bayerischer Wald et de l'Erzgebirge (monts métallifères) forment les contreforts du massif bohémien. L'Erzgebirge est découpé en collines et en plateaux de grès par les réseaux de l'Elster blanche, de la Mulde et de l'Elbe.
Entre le Thüringer Wald et le Harz, le bassin de Thuringe se compose de couches sédimentaires alternativement dures et tendres, faiblmeemnt relevées et donnant des côtes (cuestas) peu sensibles dans le relief ou des plateaux monotones découpés dans le Trias gréseux et calcaire. Parmi les affluents de la Saale, le réseau de l'Unstrut dissèque des collines couvertes de bois, de prairies et de vergers (Eichsfeld, Hainleite, Ettersberg, Finne), et étale ses alluvions dans les bassins, riches régions agricoles. Le loess recouvre les terrasses. Les alluvions fertiles comblent le fond des larges vallées.
La haute vallée de la Werra emprunte un fossé tectonique rempli de dépôts tertiaires.
Au nord-est, la basse Lusace offre le paysage typique de la moraine de fond, avec ses plaines de sable, ses drumlins, ses marais, donnant des terres froides et pauvres.
Entre l'Elbe et Berlin, le Fläming, plus élevé, plus sableux et plus sec, est couvert de bois de pins.
La vallée du Rhin
La vallée du Rhin présente, dans le monde hercynien, deux aspects. Dans le sud, le fossé rhénan est partagé entre la France et l'Allemagne. Encadré par deux blocs soulevés (Vosges et Forêt-Noire), il présente trois paysages qui se déroulent parallèlement au Rhin. La basse vallée, mal drainée, a vu la correction du cours d'eau dans la seconde moitié du xixe s. Elle est dominée par une terrasse caillouteuse, la Hardt (ou Haardt), abandonnée à la forêt le plus souvent. Plus à l'est, l'aspect de plaine ondulée domine. Saupoudrée de lœss, elle n'est interrompue que par les cônes alluviaux dus aux cours d'eau issus des massifs tout proches. En bordure de la montagne, le troisième niveau est formé par les collines aux versants en glacis correspondant aux paquets de couches effondrées lors de l'élaboration du fossé. Celui-ci correspond à une zone de subsidence, dont le centre de gravité se situe dans le bassin de Mayence. Le pays des collines est marqué par le vignoble (Weinstrasse). Jadis, à l'époque de l'insécurité, le trafic passait le long de la bordure de la montagne, ce qui explique la vitalité de cette zone.
Le second aspect, plus grandiose, s'offre au passage du massif schisteux par le Rhin. La « trouée héroïque » de Bingen amène un rétrécissement de la vallée. Les restes de terrasses fluviales s'accrochent aux flancs schisteux dominés par la surface ondulée du plateau. À partir de Bonn, la vallée s'élargit, menant vers la grande plaine du Nord.
Le bassin de Souabe-Franconie
Le bassin de Souabe-Franconie appartient au monde hercynien. Il ne s'agit pas d'un bassin au sens topographique, mais seulement géologique. Sa forme quasi triangulaire est délimitée par le Danube au sud, dont il est limité par l'impressionnant abrupt du front de côte du Jura souabe (400 m), le Main au nord et la Forêt-Noire à l'ouest. L'ensemble sédimentaire a été affecté par des accidents tectoniques qui ont déterminé les principaux reliefs actuels. Le fait marquant est une sorte de S gigantesque, partant des environs de Bamberg pour s'effacer sur les premiers contreforts de la Forêt-Noire. De Bamberg jusqu'au Ries, vaste dépression circulaire d'origine tectonique, la cuesta prend le nom de Jura de Franconie. Sa continuation vers l'ouest prend l'appellation de Jura souabe. Aux approches de la Forêt-Noire, elle dépasse 1 000 m d'altitude. Le Danube coule sur le revers de cette dernière. Les différences lithologiques, les tracés hydrographiques délimitent de petites unités naturelles qu'en Souabe on appelle Gau ou Gäu ; Klettgau, Strohgäu. Des buttes témoins, restes des plateaux précèdent les cuestas. Sur l'une d'elles, près d'Hechingen, se trouve le château des Hohenzollern, berceau de la célèbre dynastie. Pays des cuestas et des plateaux, le bassin de Souabe-Franconie est appelé Stufenland (Stufe = cuesta = côte).
Par ses altitudes, cette région fait transition avec la montagne moyenne. Plongeant vers le sud, elle fait aussi le raccord avec la troisième grande région morphologique de l'Allemagne : la zone alpine.
1.3. Les Préalpes calcaires du Nord
A son extrémité méridionale, le long de la frontière autrichienne, du lac de Constance jusqu'à la Salzach, l'Allemagne s'étend sur la bordure des Alpes. L'Allemagne ne possède qu'une mince frange de Préalpes calcaires du Nord. Les sommets n'atteignent pas 3 000 m d'altitude et culminent à la Zugspitze (2 963 m), entre le Lech et l'Inn. Le paysage est grandiose, traduisant l'effort tectonique tertiaire. Des murailles calcaires dominent les vallées étroites. Les glaciers sont pratiquement absents de la partie allemande des Alpes. Par contre, au Quaternaire, ils ont sculpté des cirques, des replats, et surcreusé les vallées. Les lacs, même ceux du plateau, sont liés à la morphogenèse glaciaire. Malgré la petitesse de la frange alpine, trois nuances régionales peuvent être distinguées.
Les Alpes de l'Allgäu
Les Alpes de l'Allgäu humide sont drainé par l'Iller. Les surfaces mollement ondulées correspondent aux affleurements argileux. Du nord au sud, molasse, flysch et calcaire déterminent des pentes de plus en plus fortes. Les calcaires ont été portés à plus de 2 000 m et sont découpés en arêtes et crêtes. Aux altitudes plus basses, les longues pentes douces favorisent les herbages, qui font l'originalité de l'Allgäu.
Les Alpes bavaroises
Les Alpes bavaroises, stricto sensu, sont limitées par le Lech à l'ouest et l'Inn à l'est. La montagne domine l'avant-pays par des versants abrupts, alors qu'à l'intérieur les paysages présentent plus de douceur. À l'est de l'Inn, les calcaires violemment plissés l'emportent et donnent des paysages sauvages et grandioses. Les vicissitudes tectoniques ainsi que le réseau hydrographique ont élaboré un quadrillage de vallées et dépressions qui ouvrent la montagne sur l'avant-pays. Les chaînons, orientés de l'O. à l'E., sont coupés par de nombreuses vallées drainées par des rivières venues d'Autriche : Lech, Isar, Inn, Alz, Salzach. De ce fait, la mise en valeur a été précoce.
Les Berchtesgadener Alpen
La troisième nuance correspond aux Berchtesgadener Alpen, dont l'aspect tranche avec les régions précédentes. L'énorme masse de calcaires, plissée par la tectogenèse tertiaire, a été la proie de l'érosion. Les formes karstiques couvrent de vastes étendues (Steinernes Meer). Les sites grandioses rappellent les Alpes de Salzbourg toutes proches, au relief déchiqueté. C'est sur l'Obersalzberg, d'accès difficile, qu'Adolf Hitler avait établi sa retraite favorite, son « nid d'aigle ».
2. Les cours d'eau
À l'exception du Danube, alimenté par des rivières alpestres au débit rapide et soutenu (notamment l'Inn) qu'il entraîne jusqu'à la mer Noire, tout le réseau hydrographique est orienté vers le nord, à partir des châteaux d'eau du Mittelgebirge.
Les massifs anciens très arrosés (plus de 1 300 mm par an), aux pentes raides et aux terrains imperméables, nourrissent des rivières aux crues hivernales parfois brutales, qui affluent dans trois grands fleuves :
– la Weser, qui écoule ses eaux avec lenteur ;
– l'Elbe (1 165 km), qui, issu du mont des Géants en République tchèque, grossi de la tumultueuse Saale, étire un immense estuaire (100 km) encombré de bancs de sable ;
– enfin, le Rhin (1 320 km), artère maîtresse, qui recoupe les trois unités du pays et contribue à les rapprocher. Son débit est abondant (1 037 m3s à Bâle, 2 250 à Emmerich) et régulier, grâce à l'apport complémentaire des eaux de fusion alpestres en été et des pluies hivernales de son cours moyen.
Renforcé par le Neckar et le Main, le Vater Rhein (le « père Rhin ») traverse sur 100 km le Massif schisteux rhénan, passant par la Trouée héroïque, avant d 'épanouir sa large vallée dans le bassin de Cologne.
Les principaux cours d'eau d'Allemagne
Les principaux cours d'eau d'Allemagne | |||
Cours d'eau | Longueur | Superficie du bassin versant | Débit moyen |
Rhin | 1 320 km (au total) | 190 290 km2 | près de 4 000 m3/s à la frontière néerlandaise |
Danube | 647 km (parcours allemand) | 120 000 km2 |
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Elbe | 1 100 km (au total) |
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Saale | 427 km | 23 673 km2 |
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Neckar | 371 km | 13 960 km2 |
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Main | 524 km |
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Weser | 440 km | 41 094 km2 |
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3. Le climat : une zone de transition
Le climat de l'Allemagne constitue un type de transition entre le climat maritime et le climat continental. L'Allemagne est soumise à la fois aux influences maritimes (génératrices de dépressions) et continentales (anticyclones).
3.1. L'hiver
En hiver, il est fréquent que l'anticyclone continental (dit « de Sibérie ») recouvre le pays, ce qui entraîne des températures basses. En janvier, l'isotherme de 0 °C (réduit au niveau de la mer) forme une ligne sinueuse reliant Brême, Francfort et les sources du Danube. La Baltique est parfois couverte de glace et n'a guère d'influence adoucissante ; le Mittelgebirge est souvent enneigé. Mais les perturbations d'origine atlantique peuvent pénétrer loin vers l'est et interrompre la rigueur du froid, introduisant de légères élévation de températures et des chutes de neige. De tels dégels momentanés sont fréquents vers Noël (Weihnacht Tauwetter).
3.2. L'été
En juillet, les isothermes s'orientent de l'O.-S.-O. à l'E.-N.-E. La côte de la Baltique est aussi chaude que celle de la Normandie, ce qui favorise le développement touristique. Les moyennes de juillet dépassent alors presque partout 18 °C. Dans l'intérieur, le temps est souvent orageux. Le printemps est court et brusque, ce qui est un trait continental. De la mi-avril à la fin de mai, on passe de l'hiver froid et humide à un été chaud et orageux. L'automne, en revanche, est plus maritime : il apporte souvent de belles journées ensoleillées et chaudes après les brumes froides du matin (Alt Wehersommer).
3.3. Les précipitations
Les montagnes jouent le rôle de châteaux d'eau pour les régions industrielles et urbaines voisines : le Harz reçoit 1 700 mm d'eau, la Forêt-Noire 1 900 mm. Les fréquentes inversions de température sont un obstacle au développement de cultures délicates.
3.4. Les nuances régionales
Les nuances climatiques sont dues surtout au relief. Elles jouent un très grand rôle dans la mise en valeur. Les bassins ont un caractère continental marqué, avec de fréquentes inversions de température en hiver, ce qui accentue le froid, et, en été, des types de temps plus orageux. En revanche, le printemps y est plus précoce. Cela permet une remontée lointaine vers le nord des cultures délicates : vigne, arbres fruitiers, maïs. La vigne est encore cultivée commercialement dans la vallée de l'Unstrut (Thuringe).
Il gèle 65 jours par an à Hambourg ; les températures moyennes oscillent entre 0,3 °C (janvier) et 17,1 °C (juillet). Les précipitations s'élèvent à 750 mm réparties sur 198 jours par an. À Stuttgart, en position d'abri, les températures s'échelonnent de 1 °C (janvier) à 19,1 °C (juillet) ; on n'enregistre que 620 mm de précipitations. La vallée du Rhin connaît l'hiver quinze jours après les plateaux qui la dominent, mais le printemps y arrive deux semaines plus tôt ; au total, la période végétative est plus longue d'un mois. La Rhénanie possède une situation privilégiée : 510 mm de pluies à Mayence (toutefois 63 jours de gel) et l'ensoleillement favorise la vigne et l'arboriculture. Par son altitude (518 m), Munich est déjà une station de montagne. Janvier est cependant doux (1,3 °C) et juillet est modéré (17,8 °C) ; on enregistre 105 jours de gel, 904 mm de précipitations, mais 1 700 heures d'ensoleillement. L'économie forestière et herbagère y rencontre des conditions favorables.
La continentalité s'accroît vers l'est. L'amplitude thermique augmente : − 0,7 °C en janvier et 18,2 °C en juillet sur les bords de la Spree où le mois le plus pluvieux est juillet, du fait des orages.
Les montagnes sont soumises à un climat océanique dégradé par l'altitude. Les hivers y sont brumeux et neigeux, les été frais, ponctués de gelées tardives, avec des périodes de pluie glacée. Ces conditions sont très défavorables à la culture et les céréales ne montent pas au-dessus de 600 m dans le Harz.
4. La végétation
Malgré les vastes défrichements médiévaux, la forêt couvre 29 % du territoire. D'épaisses hêtraies et de sombres sapinières (Forêt-Noire, Bayerischer Wald [« Forêt de Bavière »]) drapent les massifs anciens. Le pin sylvestre, arbre des reboisements prussiens du xixe siècle, colonise avec le bouleau le Jura franconien et la plaine du Nord – où il est également associé au chêne et au tilleul – et les terrasses sableuses de la plaine badoise (Hardt).
Les croupes morainiques se colorent de landes à bruyères roses ou rouges (landes de Lünebourg, 6 000 km2). De magnifiques futaies, où le gibier jouit d'une protection sévère, et nombre de parcs régionaux s'offrent aux promenades des citadins. Il existe deux réserves naturelles fermées au public : à Berchtesgaden et le Bayerischer Wald.
Pour en savoir plus, voir les articles population de l'Allemagne et activités économiques de l'Allemagne.
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