épidémiologie

Science qui étudie, au sein de populations (humaines, animales, voire végétales), la fréquence et la répartition des problèmes de santé dans le temps et dans l'espace, ainsi que le rôle des facteurs qui les déterminent.

ÉPIDÉMIOLOGIE HUMAINE

Introduction

Classiquement, on divise l'épidémiologie en trois branches : l'épidémiologie descriptive, l'épidémiologie explicative (ou analytique ou étiologique) et l'épidémiologie évaluative (ou d'intervention).

L'épidémiologie descriptive a pour objectifs d'identifier les problèmes de santé et d'évaluer leur importance dans des populations. Pour étudier la fréquence et la répartition de ces problèmes, elle établit des taux, c'est-à-dire qu'elle rapporte un nombre de malades à l'effectif d'une population. Exemple : répartition par pays de la fréquence des cancers digestifs.

L'épidémiologie explicative a pour but de chercher les causes des problèmes de santé dans les populations. Elle étudie le rôle de l'exposition à des facteurs susceptibles d'intervenir dans l'apparition des maladies. Pour cela, elle procède par des comparaisons. Exemple : rôle du tabagisme dans la survenue du cancer du poumon.

L'épidémiologie évaluative s'intéresse aux résultats des actions de santé dans la collectivité. Elle analyse les cas évités, les malades guéris à la suite d'une procédure préventive. Exemple : évaluation d'un test de dépistage du cancer du col utérin.

Épidémiologie descriptive

L'épidémiologie descriptive étudie la fréquence et la répartition des problèmes de santé dans les populations. Ses méthodes consistent à mesurer l'importance de ces problèmes dans une population et à étudier leur variation en fonction des phénomènes susceptibles de les influencer : espace, temps, caractéristiques des personnes (âge, sexe, profession…). Dans certains cas, elle rapproche deux ensembles de données concernant une maladie et un facteur (par exemple : répartition par pays de la fréquence des cancers digestifs et des consommations moyennes de viande).

L'épidémiologie descriptive peut poursuivre deux objectifs complémentaires. L'un, de santé publique : en permettant de mieux connaître les problèmes de santé d'une population, elle donne des moyens d'action à différents niveaux (prévention, campagne d'éducation pour la santé…).

L'autre, de recherche : elle permet de mettre en évidence des problèmes mal connus, d'observer des disparités géographiques, qui peuvent faire naître des hypothèses de recherche.

Les indicateurs de santé

La connaissance de l'état de santé d'une population s'exprime par des indicateurs de santé. Ce sont des variables qui reflètent diverses composantes de l'état de santé de la population.

Certains indicateurs, comme l'espérance de vie, concernent la durée moyenne de vie d'une population donnée à un âge donné. L'espérance de vie est le nombre moyen d'années qu'une personne peut espérer vivre, dans les conditions de vie à la date utilisée pour le calcul.

D'autres indicateurs, les taux, reflètent la fréquence d'un événement. Un taux est le rapport du nombre de personnes présentant l'événement étudié sur l'effectif de la population concernée sur une période déterminée. Il est toujours exprimé en « pour cent » ou « pour mille ».

Le taux de mortalité est le rapport du nombre total de décès survenus dans la population étudiée pendant une période déterminée, sur l'effectif de cette population pendant la même période.

Le taux de morbidité est le rapport du nombre de malades pour une pathologie donnée pendant une période déterminée, sur l'effectif de cette population pendant la même période.

Si l'on s'intéresse surtout aux conditions de survenue d'une maladie, on calcule un taux d'incidence : c'est le rapport du nombre de nouveaux cas survenus dans une période déterminée, sur la population étudiée pendant cette même période. Ce taux permet de mesurer la vitesse de propagation d'une maladie dans la population.

A l'inverse, si l'on s'intéresse au nombre de personnes souffrant d'une pathologie à un moment donné, on calculera un taux de prévalence : c'est le rapport de la totalité des cas existants dans la période d'observation, qu'ils aient été présents avant le début de la période d'observation (cas prévalents) ou qu'ils soient apparus pendant celle-ci (cas incidents) sur la population étudiée dans cet intervalle.

Pour pouvoir établir les indicateurs de santé d'une population, l'épidémiologie descriptive a besoin de réunir les données nécessaires, qui concernent la population elle-même et les problèmes de santé dont on veut étudier la fréquence et la répartition dans la population. En France, les données démographiques qui constitueront les dénominateurs des taux sont publiées régulièrement par l'Institut national de la statistique et des études économiques (I.N.S.E.E.) ; les données de santé qui constitueront les numérateurs des taux sont également publiées par l'I.N.S.E.E. (données de décès par cause) ou par des registres de maladie (exemple : registre du cancer).

Les enquêtes spécifiques dans la population

Des enquêtes spécifiques peuvent être réalisées dans la population lorsqu'on ne dispose pas de données pour établir les taux.

Les enquêtes transversales visent à connaître les effectifs concernés, à un moment donné. Elles se déroulent en général sur une courte période (une journée, une semaine) et donnent une image instantanée du phénomène étudié dans la population.

Les enquêtes par sondage consistent à observer un échantillon, c'est-à-dire un sous-ensemble de la population. Afin que celui-ci soit représentatif de la population étudiée, les individus de l'échantillon doivent être tirés au sort parmi l'ensemble de la population.

Épidémiologie explicative

L'épidémiologie explicative recherche les causes des problèmes de santé dans les populations. Ses méthodes consistent à mettre en évidence et à analyser le rôle des facteurs susceptibles d'influencer l'incidence des problèmes de santé. Ses analyses comparent les risques de certains groupes de sujets exposés de façon différente à certains facteurs de risque.

Le risque est la probabilité de survenue d'un événement (exemple : maladie) pendant un intervalle de temps défini.

Un facteur de risque correspond à toute variable qui est liée statistiquement à une modification de l'événement étudié. Cependant, facteur de risque n'est pas synonyme de facteur causal. La notion de cause en épidémiologie a un sens particulier. En effet, pour être causal vis-à-vis d'une maladie, un facteur n'a pas obligatoirement besoin d'être présent d'une manière nécessaire, ni même suffisante. Il est cause d'une maladie si une modification de sa fréquence entraîne une modification de la fréquence de cette maladie.

Les méthodes d'enquête à visée explicative

Une étude épidémiologique à visée explicative a toujours pour objectif de vérifier l'hypothèse d'une relation causale entre l'exposition à un facteur de risque et la survenue d'un problème de santé. Elle compare des groupes de sujets diversement exposés au facteur de risque soupçonné, parmi lesquels certains sont atteints de la maladie étudiée et d'autres non. L'observation des sujets composant les groupes à comparer se fait toujours au niveau individuel afin de recueillir les informations les plus précises pour chaque sujet, portant à la fois sur la maladie et les facteurs de risque. Cet aspect différencie les enquêtes explicatives des études descriptives.

L'enquête exposés - non exposés

Ce type d'enquête est le mieux adapté pour juger du rôle causal d'un facteur de risque.

Une période d'observation est d'abord définie. Sa durée est liée au délai susceptible de s'écouler entre le début de l'exposition et l'apparition de la maladie. Ensuite, un groupe de sujets est choisi : ils sont tous indemnes de la maladie étudiée au début de la période d'observation. Dans certains cas, il est possible de distinguer d'emblée, parmi les sujets de l'étude, un groupe exposé au facteur de risque et un groupe non exposé. Dans d'autres cas, ce n'est qu'à la fin de la période d'observation, grâce aux données recueillies individuellement sur les sujets, que ceux-ci seront répartis en fonction du niveau d'exposition. Pendant toute la durée de la période d'observation, les sujets sont systématiquement suivis afin de mesurer d'éventuelles modifications d'exposition, et surtout d'observer l'incidence de la maladie étudiée. Il s'agit d'une enquête prospective, car on attend la survenue de la maladie au fur et à mesure de l'écoulement du temps.

Le risque relatif permet de comparer deux groupes de sujets, dont la seule différence est l'exposition au facteur de risque étudié. Il mesure la force d'association existant entre le facteur et une maladie.

          

PRÉSENTATION DES RÉSULTATS D'UNE ENQUÊTE ÉPIDÉMIOLOGIQUE
PORTANT SUR UNE POPULATION DONT CERTAINS SUJETS
ONT ÉTÉ EXPOSÉS À LA MALADIE ÉTUDIÉE ET D'AUTRES NON.

 

malades

non malades

exposés

A

B

non exposés

C

D

Dans la mesure où les sujets de l'étude sont représentatifs de la population, l'incidence chez les exposés est estimée par le rapport A/(A+B), où A représente le nombre de malades exposés et (A+B) l'ensemble des exposés, et l'incidence chez les non exposés par le rapport C/(C+D), où C représente le nombre de malades non exposés et (C+D) l'ensemble des non exposés.

Le risque relatif, rapport de l'incidence chez les exposés et les non exposés, est donné par [A/(A+B)]/[C/(C+D)].

S'il est compris entre 0 et 1, l'association est négative (l'exposition est protectrice face à la maladie) ; s'il est supérieur à 1, l'association est positive (l'exposition est facteur de risque de la maladie).

L'enquête cas-témoins

Il s'agit de constituer un groupe de sujets atteints de la maladie étudiée : les cas, et un groupe de sujets indemnes de cette maladie : les témoins. Pour chacun de ces sujets, une exposition dans le passé aux facteurs de risque étudiés est enregistrée. Il s'agit donc d'enquêtes rétrospectives : l'événement étudié (la maladie) est déjà survenu quand on cherche l'exposition antérieure au facteur de risque. Puis on va comparer l'exposition au facteur de risque chez les cas et chez les témoins.

Réalisation d'une enquête épidémiologique

Première étape : définition des objectifs, bibliographie, vérifications préalables

Dès le départ, les objectifs de l'enquête doivent préciser :
– la population étudiée (exemple : hommes de 40 ans, agriculteurs),
– la pathologie prise en compte (exemple : grippe),
– les facteurs éventuels qu'on cherche à mettre en relation avec la pathologie (exemple : tabagisme).

Toute définition initiale imprécise sera à l'origine de biais qui pourront invalider ses résultats.

Parallèlement à l'élaboration des objectifs, une recherche bibliographique doit s'assurer qu'une réponse n'a pas déjà été apportée à la question que l'on se pose. De plus, la littérature peut fournir des renseignements, notamment sur la fréquence de la maladie ou de l'exposition au facteur de risque.

          

Les biais



Un biais est une erreur systématique qui tend à fournir des valeurs différentes de celles qui existent et entraîne la non-validité des résultats. Il est à différencier d'une erreur aléatoire, qui n'entraîne qu'un manque de précision.

On distingue les biais de sélection, qui peuvent conduire à ce que les sujets effectivement observés dans l'enquête ne constituent pas un groupe représentatif des populations étudiées, et les biais de mesure, qui affectent la mesure des phénomènes pris en compte chez les sujets entrant dans l'étude. Les biais de sélection sont des biais de recrutement (tenant, par exemple, au fait que les sujets étudiés sont des volontaires ou qu'ils ont été recrutés dans des établissements de soins) ou résultent de la non- prise en compte de personnes perdues de vue ; les biais de mesure sont liés à la subjectivité de l'enquêteur, aux déclarations d'un sujet et à la connaissance de l'exposition au facteur de risque.

Deuxième étape : préparation d'un protocole, préenquête

Il faut organiser à l'avance les modalités précises de la réalisation de l'enquête dans ses moindres détails, en s'efforçant de penser à toutes les situations concrètes susceptibles de se présenter durant son déroulement : c'est le but du protocole de l'enquête.

Ses principaux éléments constitutifs sont :
– définition et modalités de sélection des groupes à observer,
– choix, mise en forme et recueil des données,
– organisation de l'enquête,
– réalisation d'une préenquête : simulation du protocole à une échelle réduite.

Troisième étape : réalisation de l'enquête proprement dite

Pendant toute la durée de l'enquête, il faut en assurer la logistique et veiller au strict respect du protocole. La difficulté essentielle est de faire en sorte que toutes les données recueillies soient comparables, quels que soient le temps du recueil ou les auteurs.

Quatrième étape : analyse des données

Des analyses préliminaires doivent toujours être effectuées. Il faut étudier la validité des données recueillies : recherche de données manquantes ou mal remplies dans les questionnaires, sujets initialement sélectionnés qui ne sont pas entrés dans l'étude (ou perdus de vue), étude de la variabilité des données en fonction des différents enquêteurs et/ou du statut des sujets. Ceci peut permettre de détecter certains biais, de les corriger ou du moins d'en tenir compte dans l'analyse et l'interprétation définitive des résultats. Puis il faut procéder à un premier dépouillement à plat de l'enquête : étude isolée de la répartition de chaque variable (recherche de valeurs aberrantes), histogrammes, courbes simples, tableaux croisés… Ces analyses préalables permettent d'avoir une bonne connaissance des données, de détecter d'éventuelles erreurs, de décrire les caractéristiques essentielles de l'enquête et de choisir au mieux les méthodes d'analyse ultérieures.

Les analyses statistiques proprement dites peuvent alors commencer.

Cinquième étape : présentation des résultats

La présentation des résultats d'une enquête peut se faire de différentes façons : rédaction d'articles scientifiques, de rapports de recherche, de communications à des colloques… Cependant, quelle que soit la forme matérielle de la présentation, il est nécessaire de toujours fournir certaines informations, qui permettent au lecteur de porter un jugement critique sur le travail effectué et les conclusions qui peuvent en être tirées :
– bilan des connaissances déjà acquises sur le thème traité ;
– définition précise des objectifs de l'enquête et énoncé clair des hypothèses à valider ;
– définition de la population étudiée, choix des groupes observés et méthodes de sélection ;
– choix et description de la méthode d'observation ;
– énumération des données recueillies, des méthodes de recueil, ainsi que de l'étude de validité des données ;
– résultats présentés de façon claire avec indication des méthodes d'analyse utilisées et le nom des tests statistiques utilisés ;
– discussion des résultats : analyse des biais éventuels, réponses aux questions initialement posées, confrontation aux résultats d'autres études comparables ;
– interprétation : intérêt des résultats acquis par l'enquête par rapport à ce qui est déjà connu, extension des résultats à l'ensemble de la population observée.

Application : épidémiologie des maladies infectieuses

La propagation d'une maladie infectieuse dépend de la probabilité de contact entre l'agent pathogène (exemple : un virus) et l'hôte sensible, ce qui fait intervenir : la durée de contagion (c'est-à-dire la durée d'exposition au risque), la survie du micro-organisme dans le milieu extérieur, le mode d'entrée du micro-organisme, enfin la mobilité des individus et la fréquence des contacts interpersonnels.

Des indicateurs de santé sont établis. Le plus utilisé est le taux d'incidence, qui permet de mesurer la vitesse d'apparition des nouveaux cas. Son augmentation rapide doit faire évoquer une épidémie.

Cependant, il est également important de connaître la répartition des cas dans l'espace et dans le temps, ce qui permet de différencier une épidémie, phénomène limité dans le temps et dans l'espace (exemple : épidémie de varicelle) ; une pandémie, phénomène limité dans le temps mais pas dans l'espace (exemple : pandémie de grippe touchant plusieurs continents) ; une endémie, lorsque plusieurs cas de maladie existent en permanence (exemple : la tuberculose pulmonaire en France) ; et des cas sporadiques, c'est-à-dire des cas rares et isolés (exemple : le tétanos).

En France, la Direction générale de la santé a mis en place depuis 1986 un système de surveillance des maladies transmissibles. Celui-ci comprend la déclaration obligatoire d'un certain nombre de maladies : tuberculose, rage, tétanos… ; un réseau de surveillance, par des médecins sentinelles, fonctionnant par téléinformatique sur tout le territoire métropolitain ; des réseaux spécialisés, constitués de laboratoires et de praticiens, concernant des agents pathogènes précis (GROG, groupes régionaux d'observation de la grippe) ; et les centres nationaux de référence.

Investigation d'une épidémie

Les modalités d'investigation d'une épidémie dépendent du type de micro-organisme et de son mode de transmission. Cette investigation devra : 1°) affirmer l'existence de l'épidémie, c'est-à-dire confirmer le diagnostic et définir les cas ; 2°) décrire l'épidémie, c'est-à-dire indiquer la répartition des cas dans le temps, sous forme de courbe épidémique, et dans l'espace, sous forme de cartographie (des indicateurs de santé, notamment le taux d'incidence, seront établis) ; 3°) développer des hypothèses sur la source de contamination, la nature de l'agent infectieux et le mode de transmission. Ces hypothèses seront testées par des enquêtes épidémiologiques, le plus souvent rétrospectives (exemple : enquêtes cas-témoins) ; 4°) rechercher le micro-organisme responsable par des prélèvements chez les patients et dans leur environnement.

L'investigation d'une épidémie aboutit à la mise en place de stratégies préventives.

ÉPIDÉMIOLOGIE ANIMALE

Globalement, les mêmes démarches, les mêmes méthodes, les mêmes outils sont utilisés en épidémiologie humaine et en épidémiologie animale, et l'on y distingue les mêmes secteurs (épidémiologie descriptive, épidémiologie analytique, épidémiologie évaluative). On se contentera donc ici d'évoquer plus spécialement les particularités de l'épidémiologie animale qui en font l'originalité.

Épidémiologie descriptive

Terminologie

La terminologie utilisée en épidémiologie animale diffère, pour quelques termes, de celle utilisée en épidémiologie humaine.

          

TERMINOLOGIE COMPARÉE EN ÉPIDÉMIOLOGIE DESCRIPTIVE ANIMALE ET HUMAINE

épidémiologie humaineépidémiologie animale
endémie
épidémie
pandémie
anadémie
enzootie
épizootie
panzootie
anazootie

Une maladie endémique (chez l'homme) et une maladie enzootique (chez l'animal) sont des maladies qui sévissent de façon régulière dans un pays. Leur incidence (nombre de cas nouveaux) subit des fluctuations limitées. Il s'agit par exemple de maladies chroniques (tuberculose, cancers…).

Une épidémie (chez l'homme) et une épizootie (chez l'animal) sont des maladies dont l'incidence augmente fortement ou dépasse le niveau attendu. C'est souvent le cas de maladies aiguës, à incubation courte : la grippe chez l'homme, la fièvre aphteuse chez l'animal.

Une pandémie ou une panzootie sont des maladies qui peuvent diffuser sur plusieurs continents en un temps relativement court. Il faut distinguer ces maladies, à fort pouvoir d'extension, des maladies ubiquitaires qui sévissent dans de nombreux pays, mais sans avoir de véritable potentiel d'expansion. Exemples : la brucellose bovine (maladie présente dans de nombreux pays) versus la maladie hémorragique virale du lapin (qui a envahi en quelques années de nombreux pays).

Enfin, une anadémie ou une anazootie sont des maladies contractées par plusieurs sujets à partir d'une source commune. Exemples : une toxi-infection alimentaire collective (TIAC) chez l'homme, l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) chez les animaux.

En épidémiologie animale, un deuxième aspect est responsable d'originalité : la plupart des espèces animales sont élevées en troupeaux. Les contacts étroits entre animaux d'un même troupeau, leur isolement (relatif) des autres troupeaux, conduisent à considérer le troupeau comme l'unité épidémiologique essentielle. Chez l'homme, cet aspect ne se retrouve que dans des cas particuliers de communautés fermées : internat, armée, prisons…

L'unité n'est plus le cas (le malade), mais le foyer (le troupeau infecté ou malade). L'expression des indicateurs épidémiologiques s'en ressent d'ailleurs, car le taux de prévalence des troupeaux infectés est beaucoup plus intéressant que le taux de prévalence des animaux infectés. Ceci implique d'ailleurs d'utiliser des techniques de statistique prenant en compte cette relation entre animaux d'un même troupeau, que l'on ne peut pas considérer comme des sujets indépendants les uns des autres.

Dans les enquêtes descriptives, ce facteur « troupeau » est également à prendre en considération et intervient dans l'échantillonnage. La base de sondage est le plus souvent constituée par la liste des troupeaux existant dans la région plutôt que par la liste des animaux. Comme en épidémiologie humaine, les enquêtes doivent porter sur un échantillon dont les caractéristiques vont conditionner la fiabilité des résultats. La représentativité de l'échantillon (assurée notamment grâce à un tirage au sort) conditionne l'exactitude du résultat. La taille de l'échantillon conditionne la précision du résultat : plus le nombre d'unités dans l'échantillon est élevé, meilleure est la précision du résultat. La valeur du résultat (taux de prévalence, par exemple) trouvé sur l'échantillon est valable pour l'échantillon. Celle correspondant à la population d'où est issu l'échantillon ne peut pas être connue exactement (sauf à étudier la totalité de la population). On ne peut qu'estimer la zone de valeurs au sein de laquelle se situe vraisemblablement la valeur réelle (intervalle de confiance ou fourchette).

Les réseaux d'épidémiosurveillance

En pathologie animale, la surveillance épidémiologique, ou épidémiosurveillance, a pris une importance croissante au cours de ces dernières années. Ses objectifs sont multiples, en particulier connaître l'évolution de la situation épidémiologique d'une maladie soumise à des mesures de lutte, déterminer l'importance comparée de plusieurs maladies, révéler l'émergence de nouveaux syndromes ou vérifier qu'une région demeure indemne d'une maladie particulièrement redoutable. Chaque pays possède un système de réseaux de surveillance épidémiologique, en fonction des priorités déterminées.

          

Espèces animales concernées par les réseaux de surveillance épidémiologique animale en France (en 1997)

BovinsCoquillagesFaune sauvagePetits ruminantsPorcsVolaillesAutres
FA(1)
PPCB (2)
Rage
Tuberculose
Brucellose
LBE (3)
BSE (4)
Vega (5)
Vialine (5)
RESSAB (6)
REMI (7)
REPHI (8)
Rage
SAGIR (9)
FA (1)
Rage
Brucellose
Tremblante
FA (1)
PPC (10)
Rage
RENESA (11)
RNOEA (12)
CESAM (13) (chevaux)
RESABO (14)
Salmonelles

(1) : fièvre aphteuse
(2) : péripneumonie contagieuse bovine
(3) : leucose bovine enzootique
(4) : encéphalopathie spongiforme bovine
(5) : nom d'un réseau régional
(6) : réseau d'épidémiosurveillance des suspicions cliniques de salmonellose bovine
(7) : réseau de surveillance microbiologique des coquillages
(8) : réseau de surveillance phytosanitaire des coquillages
(9) : réseau de surveillance de la faune sauvage
(10) : peste porcine classique
(11) : réseau national d'épidémiosurveillance aviaire
(12) : réseau national d'observation épidémiologique en aviculture
(13) : réseau d'épidémiosurveillance de la métrite contagieuse équine
(14) : réseau de suivi de l'antibiorésistance des bactéries pathogènes des bovins

Épidémiologie analytique

Cas des maladies transmissibles

L'épidémiologie analytique a trait souvent aux maladies transmissibles. Dans ce cas, son objectif consiste à répondre à trois questions : où est l'agent pathogène ? Quelles sont les espèces animales réceptives ? Quels sont les modes de transmission ?

Pour répondre à la première question, il convient de déterminer la liste des matières virulentes, c'est-à-dire des tissus, organes, secrétions, etc., qui peuvent héberger l'agent pathogène. Ces matières virulentes sont bien connues (et depuis longtemps parfois, par exemple la salive pour la rage) pour des maladies existant depuis longtemps. Leur détermination peut se révéler plus délicate et longue pour de nouvelles maladies : il en est ainsi pour l'encéphalopathie spongiforme bovine (ou maladie de la vache folle) pour laquelle l'établissement de la liste des matières à risques spécifiés a demandé plusieurs années (en raison de la très longue incubation de la maladie chez les bovins et chez les espèces animales de laboratoire) et n'est sans doute pas achevé.

La réponse à la deuxième question conduit à une originalité de l'épidémiologie animale par rapport à l'épidémiologie humaine, qui s'intéresse essentiellement à une espèce, l'homme. En épidémiologie animale, pour une même maladie, parfois plusieurs dizaines d'espèces se révèlent réceptives et peuvent jouer le rôle de victimes, de réservoir ou de vecteur.

Épidémiologie humaine et épidémiologie animale se rejoignent dans le domaine des zoonoses, maladies transmises à l'homme à partir des animaux vertébrés (et réciproquement). La notion de « barrière d'espèce » a émergé et pris une importance cruciale à propos de l'encéphalopathie spongiforme bovine dont le risque pour l'homme a été soupçonné pendant plusieurs années avant d'être clairement établi (nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob).

Enfin, la réponse à la troisième question conduit à la détermination de la nature et de l'importance comparée des différents modes de transmission d'une maladie entre animaux (et, parfois, à l'homme). D'un mode « habituel », privilégié (la morsure, pour la rage), on peut passer à une gamme extrêmement large incluant le contact direct, la transmission indirecte par des supports les plus divers (aliments, véhicules, matériel, etc.), voire la transmission aérienne efficace à plus de 150 km de distance pour la fièvre aphteuse (lorsque certaines conditions sont réunies).

Cas des maladies d'élevage

L'épidémiologie analytique porte aussi sur des maladies non transmissibles, ou maladies d'élevage. En médecine vétérinaire, et notamment en France, une démarche particulière s'est développée à partir de 1980 : elle consiste en l'étude des conditions d'élevage (alimentation, logement, conduite de l'élevage, etc.) comme facteurs de risque des maladies d'élevage (d'origine souvent multifactorielle).

Cette démarche est appelée « écopathologie ». Des enquêtes associant plusieurs catégories d'acteurs (vétérinaires praticiens, éleveurs, techniciens d'élevages, épidémiologistes, etc.) ont été conduites sur différents syndromes observés en particulier en production intensive (porcs, volailles…) et ont fourni des résultats permettant des applications pratiques de prévention par modification des techniques d'élevage, tout en assurant ainsi la démonstration de leur pertinence.

Par ailleurs, les enquêtes exposés/non exposés et cas/témoins, analogues dans leur principe à celles utilisées en épidémiologie humaine, sont appliquées à différentes maladies animales. Elles aboutissent à l'établissement d'un risque relatif ou d'un odds ratio, dont le nombre exprime le degré de risque de maladie chez les sujets exposés au facteur de risque par rapport aux sujets non exposés : ainsi, un risque relatif de 10 pour un facteur de risque et une maladie signifie que les sujets exposés à ce facteur de risque ont en moyenne une probabilité 10 fois plus grande d'être atteints de cette maladie que les sujets non exposés au facteur de risque.

Épidémiologie évaluative

Elle fournit les informations nécessaires au pilotage des actions en cours, à la modification des programmes de lutte en fonction de l'évolution de la situation et à l'évaluation d'un bilan confrontant les résultats aux coûts des mesures. Elle utilise en particulier la méthode avantages/coûts, avec actualisation des avantages et des coûts, permettant la prise de décision pour la mise en place de programmes de prévention ou le jugement a posteriori des actions de lutte entreprises. Bien sûr, une originalité dans ce domaine, par rapport à l'épidémiologie humaine et aux actions de lutte corollaires, est la possibilité de supprimer les sources infectieuses déclarées (par abattage des animaux dans les foyers de maladies particulièrement dangereuses) ou prévisibles (par abattage préventif des animaux dont l'enquête épidémiologique « en amont » a révélé le risque potentiel qu'ils soient contaminés et deviennent excréteurs de l'agent pathogène). Ces méthodes, dont l'acceptabilité par le public risque d'être de plus en plus remise en question, ont fait la preuve de leur efficacité et sont à utiliser en complément d'une éventuelle vaccination, en fonction de la situation épidémiologique, de l'analyse prédictive de son évolution qui est faite et des aspects économiques qui sont déterminants dans les décisions à prendre. Ainsi, l'épidémiologie animale se révèle un outil capital de gestion de la santé animale et, par l'intermédiaire des agents des zoonoses, de la santé humaine. Médecins, vétérinaires et autres professionnels impliqués dans les actions d'épidémiologie, sans frontières entre les deux médecines (pour utiliser une expression chère au docteur Charles Mérieux [1907-2001]), démontrent chaque jour l'importance de la qualité des actions d'épidémiologie pour les décisions assurant une meilleure maîtrise de la santé de l'homme et de son environnement vivant.

  • 429 avant J.-C. Peste à Athènes ; mort de Périclès.
  • 742-743 Dernière grande épidémie de peste du haut Moyen Âge.
  • 1346-1353 La peste noire arrive de Caffa, comptoir génois de Crimée, à Messine puis ravage toute l'Europe ; elle décime le tiers de sa population.
  • 1665 Grande peste de Londres.
  • 1894 Découverte du bacille de la peste par le Français A. Yersin.
  • 2001 Épizootie de fièvre aphteuse en Europe, entraînant l'abattage de centaines de milliers d'animaux (bovins, moutons et porcs), principalement en Grande-Bretagne.
  • 2003 L'O.M.S. déclenche une alerte mondiale sur une épidémie de pneumopathie atypique d'origine asiatique (15 mars).