L'heure n'est cependant pas à la clémence. Le 2 octobre, Khosrow Ghachgaï, chef de la tribu dissidente des Ghachgaï, est pendu publiquement à Chiraz. Ces exécutions constituent un avertissement non équivoque à tous les opposants. Ces derniers se manifestent encore, bien que d'une manière sporadique. Le 15 octobre, ils réussissent à assassiner l'ayatollah Espahani, un des proches de l'imam.

Cet assassinat, revendiqué par les Moudjahidin, contribue à détériorer les relations avec la France, sur le point d'être normalisées avec la nomination de José Paoli à l'ambassade de France à Téhéran. Le 2 novembre, l'Iran justifie son refus de recevoir J. Paoli en invoquant le soutien que Paris apporte aux contre-révolutionnaires réfugiés en France. L'attentat contre l'ayatollah Espahani est une des rares actions spectaculaires réussies par une opposition de plus en plus décimée par la répression et affaiblie par ses nombreuses divisions.

Assemblée

Ayant réussi à éliminer ou à neutraliser la plupart de leurs adversaires laïcs, les dirigeants islamiques s'estiment suffisamment forts pour aborder le problème de l'après-Khomeiny. L'élection de l'assemblée des experts qui pourrait être appelée à désigner le successeur de l'imam a finalement lieu le 10 décembre, après avoir été ajournée à plusieurs reprises pour des raisons jamais précisées.

La formation de cette assemblée de 83 experts religieux ne mettra vraisemblablement pas fin aux profondes divergences à l'intérieur du clergé chiite. Mais elle limitera sans doute les conflits d'intérêts au cercle intime des dirigeants islamiques, leur permettant ainsi de vider leurs querelles dans le cadre restreint de la hiérarchie chiite afin de ne pas mettre en péril la cohésion de l'équipe au pouvoir.

Les ayatollahs ozma (grands) — dont Mohamed Reza Golpayagani et Hosseini Marachi Nadjafi —, opposés au concept du velayate faqih (guide religieux), sont désormais représentés au sein de la nouvelle institution politico-religieuse créée le 10 décembre. Ils n'ont jamais caché leur souhait de voir une direction collégiale succéder à l'imam Khomeiny. Une mesure qui équivaudrait, en fait, à supprimer la fonction du faqih, en tant que chef religieux et politique tout-puissant de l'Iran.

L'imam Khomeiny, qui, malgré ses 83 ans, semble encore capable d'imposer ses vues, n'a cependant pas abandonné son intention de désigner un successeur unique en la personne de l'ayatollah Hussein Ali Montazeri, qui, bien que peu populaire parmi ses pairs, lui est inconditionnellement dévoué et partage avec enthousiasme ses conceptions politico-religieuses.

Sur le plan économique, la reprise amorcée en avril se confirme. Malgré les menaces et attaques iraqiennes contre le terminal de l'île de Kharg, les exportations pétrolières demeurent supérieures à la moyenne de 2 millions de b/j et permettent à l'Iran de s'assurer des rentrées mensuelles en devises de l'ordre de 1,5 milliard de dollars. Le coût des achats en devises de matériel militaire est estimé à environ 400 millions de dollars, et celui des importations nécessaires à la vie du pays à près de 600 millions de dollars.

La Banque centrale a donc pu reconstituer ses réserves au prix d'une politique extrêmement restrictive des achats de biens étrangers. L'inflation, officiellement évaluée à 15 %, est en fait de l'ordre de 30 %, en tenant compte des produits disponibles sur le marché parallèle. Le niveau de vie des Iraniens s'en ressent, car les salaires demeurent bloqués. Seule la fin de la guerre avec l'Iraq peut mettre un terme à une situation de pénurie qui grignote peu à peu la base populaire du régime islamique.

Le film de la guerre du Golfe

1er juillet : L'Iraq propose l'installation sur sa frontière avec l'Iran d'une force internationale qui serait chargée de faire respecter le cessez-le-feu unilatéral proclamé le 20 juin par le président Saddam Hussein.

12 juillet : Le Conseil de sécurité adopte une résolution invitant l'Iraq et l'Iran à observer un cessez-le-feu et à retirer leurs troupes « jusqu'aux frontières internationalement reconnues ». Bagdad qui, le 30 juin, avait affirmé avoir retiré toutes ses troupes du territoire iranien se rallie à cette décision et se déclare prêt à négocier. Téhéran soutient, en revanche, que certaines portions de son territoire se trouvent toujours sous occupation iraqienne et laisse entendre que ses forces envahiront sous peu l'Iraq « pour aider le peuple iraqien à se libérer du régime baasiste ».